Recevoir la newsletter

Les « grands exclus » à la tribune

Article réservé aux abonnés

Des personnes en situation de précarité issues des réseaux de l’Uniopss, de la Fédération des acteurs de la solidarité et de l’Armée du salut ont fait entendre leurs propositions pour le « grand débat », le 11 mars au Conseil économique, social et environnemental (Cese).

DANS LES RANGS DE L’HÉMICYCLE, LES SELFIES immortalisent des sourires de fierté. Quittant leurs sièges rouges, deux jeunes femmes s’apprêtent à rejoindre la tribune du Cese. « Elles savent quand intervenir ? Tu ne veux pas descendre avec elles ? », s’enquiert une travailleuse sociale auprès d’un collègue. Les associations ont craint que les personnes en situation de précarité n’aient jamais voix au chapitre du « grand débat » national(1). Mais grâce à des ateliers participatifs en interne, des délégations issues de l’Uniopss, de la Fédération des acteurs de la solidarité et de l’Armée du salut ont présenté officiellement leurs propositions le 11 mars.

Marie-Jo est la première à parler, vêtue d’un chapeau blanc, d’une veste immaculée et de lunettes assorties à verres fumés. Elle demande « l’augmentation du Smic, du RSA, des retraites, des minimas sociaux, et la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité ». Elle souhaite que soient multipliées les épiceries solidaires « pour permettre aux précaires de pouvoir faire des emplettes comme tout le monde ». A ses côtés, Imane, logée dans un foyer d’action éducative de Mulhouse, demande la mise en place d’« un RSA jeune à partir de 18 ans ». La proposition est soumise au vote de l’assemblée présente. Les mains soulèvent une vague de papiers verts : adoption à l’unanimité.

Nadine Delort, pour APF France Handicap, est venue porter une « idée majeure » : « Créer le revenu individuel pour les personnes en situation de handicap sans prendre en compte les revenus du conjoint, car cela empêche l’autonomie. » Au moment des questions du public, Agathe se lève, le regard lourd et attentif, se présente comme « jeune SDF et représentante d’ADSF ». En attendant que l’Etat « reconsidère le budget des hôpitaux, qui nous mettent parfois à la porte faute de personnel », la jeune femme voudrait « des consultations gratuites de médecins et de gynécos dans les associations ».

Écologie et culture

La deuxième séquence porte sur le progrès social et environnemental. Claude s’excuse de bégayer, avant de soutenir que « la question écologique, c’est la question de la solidarité ». Il insiste sur l’importance des circuits courts, encourage à « développer les jardins partagés, les ateliers d’autoréparation, le marché d’occasion ». Côté culture, Diallo, venu pour Emmaüs Solidarité dans un costard-cravate impeccable, regrette que le loisir soit souvent vu comme un « lot de consolation ». Il propose de créer un « pass culture » pour les précaires, de « systématiser le wifi dans les centres d’hébergement », ou encore de « s’engager sur des prêts d’équipements musicaux ».

L’accès aux droits constitue le dernier temps. « Pour les jeunes, les procédures administratives sont trop complexes, la confidentialité pas toujours respectée », explique Ambre, du foyer de Mulhouse. Elle demande la mise en place de « maisons de services publics dans les petites villes ». En clôture, Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, salue un travail collectif nourri de « constats très forts » et de témoignages de « vies empêchées par la précarité ». Sans promettre que toutes les propositions seraient retenues, il assure que nombre d’entre elles seront « étudiées avec précision », au même titre que les autres remontées du « grand débat ».

Vis ma vie de précaire

« Lorsqu’elles sont sollicitées, les personnes en difficulté le sont davantage pour témoigner que pour apporter une expertise », a regretté Claude à la tribune du Cese. Nombreux sont ceux qui ont fustigé avec lui la « déconnexion » des élus, le manque de compréhension de certains professionnels, et demandé à ce que les personnes accompagnées participent plus au fonctionnement des structures. Une proposition de « stages de pauvreté sur le terrain obligatoire, pour les élus, les hauts fonctionnaires et les travailleurs sociaux » a été votée. En clôture de séance, Christelle Dubos, secrétaire d’Etat auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, s’est dite « prête à vivre votre vie, sur plusieurs jours ou plusieurs semaines, au double titre d’ancienne travailleuse sociale et d’élue ».

Notes

(1) Voir ASH n° 3099 du 22-02-19, p. 6.

Focus

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur