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Surendettement et expulsion locative

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DES DISPOSITIONS DE LA LOI « ÉLAN » PRÉVOIENT, POUR LES LOCATAIRES DE BONNE FOI, de mieux articuler les décisions judiciaires portant sur les impayés et les expulsions avec les procédures de traitement du surendettement. Elles s’appliquent depuis le 1er mars 2019.

L’ARTICLE 118 DE LA LOI POUR ÉVOLUTION DU LOGEMENT, DE L’AMÉNAGEMENT ET DU NUMÉRIQUE – dite loi « Elan » – du 23 novembre 2018 modifie en profondeur les dispositions de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, et ajoute plusieurs dispositions dans le code de la consommation. Contenu dans le projet de loi original, l’article 118 a pour finalité de mieux articuler la procédure administrative de surendettement avec la procédure judiciaire d’expulsion en protégeant mieux le locataire surendetté et de bonne foi qui reprend le paiement du loyer et des charges. Avec ces dispositions, le législateur poursuit quatre objectifs :

• permettre au débiteur de pouvoir continuer à payer son loyer et ses charges lorsqu’une procédure de surendettement est ouverte ;

• reprendre les délais et modalités de paiement retenus par la commission ou le juge du surendettement dans la décision du juge statuant sur la clause de résiliation du bail, lorsque le débiteur a recommencé à payer le loyer ;

• substituer aux mesures prévues dans la décision judiciaire d’expulsion conditionnelle les mesures prises par la commission ou le juge du surendettement, lorsque le débiteur a repris le paiement du loyer ;

• permettre la conclusion d’un protocole de cohésion sociale en cas d’effacement de la dette par une mesure de rétablissement personnel.

Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er mars 2019. Elles font suite à des concertations menées par le pouvoir exécutif avec, notamment, la Fondation Abbé-Pierre et l’Union sociale pour l’habitat. Avant d’entrer dans le fond du sujet, des rappels sur les deux procédures concernées s’imposent.

I. Le surendettement et la résiliation du bail en cas d’impayé

Le traitement du surendettement et la résiliation de plein droit du bail par le bailleur en cas de défaut de paiement du locataire sont des procédures distinctes et séparées. La première est encadrée par le code de la consommation, la seconde par la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. La mauvaise coordination de ces deux procédures menait à des difficultés, principalement pour le locataire surendetté.

A. Les règles fondamentales du traitement du surendettement

La procédure du traitement du surendettement est encadrée par les articles L. 711-1 et suivants du code de la consommation. Elle découle d’un long processus législatif commencé en 1989, au travers d’une loi particulièrement novatrice. En effet, pas moins de sept lois seront nécessaires pour l’adapter. Ce sont principalement trois acteurs qui interviennent dans cette procédure.

1. Les acteurs du surendettement

a) Le surendetté

Pour être susceptible de bénéficier des mesures prises par la commission de surendettement, le surendetté doit répondre à trois critères.

• Etre une personne physique. Cela inclut toutes les personnes domiciliées en France et ce quelle que soit leur nationalité. Sont aussi concernées les personnes de nationalité française établies hors de France. En revanche, sont exclues par nature toutes les formes de société et les entreprises agricoles.

• Etre de bonne foi. Conformément aux dispositions du code civil, cette bonne foi est toujours présumée (confirmé par Cass. 1re civ., 4 avril 1991, n° 90-04008). Cela signifie que c’est à celui qui conteste cette bonne foi d’en apporter la preuve. Dans ce cas, le juge va rechercher l’élément intentionnel, lié à la connaissance que le surendetté avait de sa situation, ainsi que sa volonté de mettre fin au processus de surendettement ou de l’aggraver.

• Etre dans l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir. Les dettes qui sont nées pour les besoins ou à l’occasion de l’activité professionnelle ne relèvent pas de la procédure du traitement de surendettement.

b) La commission de surendettement

Composées de sept membres et présidées par le préfet, les commissions de surendettement sont implantées dans chaque département. Si le volume important des dossiers le justifie, il peut être créé plusieurs commissions au sein d’un même département. Cependant, c’est bien l’existence d’une commission départementale unique qui est privilégiée pour des raisons d’homogénéité et de maîtrise des coûts du traitement. Les membres de la commission sont tenus au secret professionnel, tout comme les personnes qui participent à ses travaux ou sont appelées au traitement des dossiers.

La commission compétente est celle du domicile du surendetté. Les surendettés établis hors de France qui ont contracté des dettes non professionnelles auprès de créanciers établis en France peuvent de leur côté saisir, au choix, la commission de surendettement du lieu d’établissement de l’un de ces créanciers.

c) Le créancier

La particularité du créancier (professionnel, particulier, bailleur, prêteur…) n’a pas d’incidence sur la recevabilité du dossier. Toutefois, elle influe sur le traitement qui sera mis en œuvre pour la créance. Seuls les « principaux créanciers » sont concernés par le traitement du surendettement. Le plan sera conclu avec les plus importants d’entre eux.

Les dettes alimentaires, les dettes d’impôts et les dettes contractées hors de France sont prises en compte pour l’évaluation de la situation de surendettement.

Un sort particulier est fait aux bailleurs puisque leurs créances sont réglées prioritairement à celles des prêteurs professionnels.

2. Le passage devant la commission de surendettement

a) La saisine de la commission

Pour saisir la commission de surendettement, le surendetté doit y déposer un dossier grâce à un formulaire Cerfa unique, disponible auprès des secrétariats des commissions.

Remarque : La loi déclare nulle toute convention par laquelle un intermédiaire se charge ou se propose, moyennant rémunération, de rechercher l’obtention de délais de paiement ou d’intervenir pour les besoins de la procédure, le tout pour le compte du débiteur. Cette interdiction ne concerne pas les membres des professions réglementées comme les huissiers et les avocats.

A peine d’irrecevabilité, la demande doit être signée par le surendetté. Elle précise ses nom, prénoms et adresse, sa situation familiale, l’état détaillé de ses revenus et des éléments actifs et passifs de son patrimoine, le nom et l’adresse de ses créanciers et, le cas échéant, le nom et les coordonnées du service d’aide ou d’action sociale qui suit le débiteur.

Cette saisine de la commission entraîne le fichage au fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés (FICP).

Remarque : La simple saisine de la commission de surendettement ne produit aucun effet particulier sur les procédures d’exécution (voir ci-après). Le débiteur peut cependant demander une suspension le temps de l’instruction de la commission. Mais pour cela, il doit saisir le juge.

b) Les effets de la recevabilité de la demande

Lorsque la commission estime la demande recevable, elle doit en informer le demandeur par lettre recommandée, ainsi que tous ses créanciers. Cette notification de la recevabilité produit plusieurs effets.

D’abord, toutes les procédures civiles d’exécution sont suspendues. En effet, la commission a besoin d’une vision précise et stable de la situation financière du débiteur pour pouvoir négocier le plan amiable de redressement. En corollaire, le débiteur a interdiction d’aggraver sa situation.

Ensuite, les mesures d’expulsion sont également suspendues. Cette suspension ne peut excéder 2 ans et doit être prononcée par le juge.

Par ailleurs, les droits à l’aide personnalisée au logement (APL) sont rétablis, au profit du bailleur.

Enfin, à compter de la recevabilité de la demande, les créanciers ne peuvent percevoir les frais ou commissions relatifs au rejet d’un avis de prélèvement postérieur à la notification de cette décision.

c) Les mesures de traitement

Depuis le 1er janvier 2018, la mission de conciliation de la commission est limitée aux cas où le débiteur est propriétaire d’un bien immobilier. Cette conciliation donne lieu à un plan conventionnel de redressement, négocié entre les parties et approuvé par la commission de surendettement.

Dans les autres cas, les mesures de traitement du surendettement sont imposées par la commission, après instruction du dossier. Lorsqu’elle estime que la situation peut être redressée, elle peut, par exemple, imposer le rééchelonnement des dettes ou suspendre l’exigibilité de certaines créances.

Lorsque le débiteur est dans une situation « irrémédiablement compromise », la commission peut imposer le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ou, avec l’accord du débiteur, saisir le juge du tribunal d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.

Remarque : Les dettes de loyers doivent être réglées prioritairement.

B. La clause résolutoire en matière de bail

Les contrats de location peuvent inclure une clause résolutoire, qui permet une résiliation automatique du bail, c’est-à-dire avant la fin du contrat, en cas de non-respect d’une obligation par le locataire. Ces clauses sont encadrées par les articles 4 et 24 de la loi du 6 juillet 1989.

1. Le principe

L’article 4 de la loi du 6 juillet 1989 limite la portée de cette clause à seulement certains motifs :

• non-paiement du loyer ou des charges ;

• non-versement du dépôt de garantie ;

• non-souscription d’une assurance des risques locatifs ;

• non-respect de l’obligation d’user paisiblement des locaux loués résultant de troubles du voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée.

Toutes les clauses résolutoires du bail pour un motif autre que ces quatre cas sont réputées non écrites.

2. La mise en œuvre par le juge

Les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire pour défaut de paiement du loyer ou des charges ou pour non-versement du dépôt de garantie sont posées par l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989.

Un arrêté préfectoral fixe, dans chaque département, le seuil du montant ou de l’ancienneté de la dette ­au-delà duquel la clause peut être mise en œuvre. En tout état de cause, la clause ne peut être déclenchée que 2 mois au moins après un commandement de payer resté sans effet.

Lorsque le locataire est en situation de régler sa dette locative, sans même qu’il ait besoin de les demander, des délais de paiement peuvent être accordés par le juge – on dit alors que le juge les accorde d’office. Ces délais sont limités à 3 ans et suspendent les procédures d’exécution engagées par le bailleur, ainsi que les effets de la cause résolutoire. En revanche, ils ne suspendent pas le paiement des loyers et des charges.

C. Le risque de deux injonctions contradictoires

Traitées séparément et sans coordination, la procédure de traitement du surendettement et celle de la résiliation de plein droit du bail en cas d’impayés conduisaient à des situations fort inconfortables tant pour le débiteur que pour le bailleur qui prenaient le risque d’avoir deux dispositifs de traitement de l’impayé contradictoires en mains. Existantes, les garanties prévues par la loi se sont cependant assez vite révélées insuffisantes.

1. Des conséquences importantes pour le débiteur en situation précaire

Le juge statuant sur la mise en œuvre de la clause de résolution du bail en cas d’impayés peut intervenir avant ou après la mise en œuvre, par le débiteur, d’une procédure de traitement de surendettement.

Lorsque la décision judiciaire constatait la résolution du bail après les mesures de surendettement traitant cette même dette, le magistrat ne les prenait pas en compte. La situation était difficilement compréhensible pour le locataire surendetté et le bailleur qui, pour la même dette, disposaient des mesures de redressement de la commission et d’une décision de justice constatant la résolution du bail. La confusion était encore pire lorsque la décision de justice conditionnait le maintien du bail au paiement d’un échéancier et qu’elle entrait en contradiction avec les mesures élaborées par la commission de surendettement.

De même, il arrivait que le débiteur saisisse la commission de surendettement après une décision d’expulsion. Dans ce cas, les mesures de la commission étaient souvent différentes de la décision du juge d’instance : le respect par le débiteur des mesures de la commission entraînait le non-respect de l’échéancier judiciaire et donc la reprise de la procédure d’expulsion alors que le respect par le débiteur de l’échéancier judiciaire rendait caduc le dossier de surendettement.

2. Les limites du recours au juge du surendettement

Face à ces injonctions contradictoires, le débiteur et le locataire devaient saisir le juge du surendettement pour obtenir l’autorisation de poursuivre le paiement de l’échéancier issu de la décision de justice. Il s’agissait d’une procédure complexe et peu utilisée. En outre, les commissions de surendettement étaient contraintes d’occulter le remboursement de la dette locative. D’un point de vue plus pratique, le législateur s’est également rendu compte que les délais de cette procédure étaient très longs au regard de l’urgence de la situation. De surcroît, à chaque fois qu’il était saisi, le juge du surendettement autorisait systématiquement le débiteur à régler sa dette locative, évitant ainsi son expulsion.

Dès 2014, un rapport interinspections prévoit deux recommandations pour y remédier. Celles-ci ont été reprises dans le plan d’actions interministériel de prévention des expulsions locatives, en 2016. Ce n’est finalement que le 1er mars dernier que la coordination est entrée en vigueur, soit 5 ans après les premiers travaux sur le sujet.

Remarque : La décision du juge de l’expulsion locative, qui se prononce sur la mise en œuvre de la clause de résiliation, peut donc se trouver confrontée soit à une mesure de redressement émanant de la commission, soit à une décision du juge du surendettement statuant sur la situation de surendettement. La loi prévoit désormais l’articulation de ces différentes situations.

II. La coordination des deux procédures

La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique du 23 novembre 2018 reprend les recommandations de ce rapport interinspections de 2014 en imposant les mesures prises par la commission de surendettement. Par ailleurs, il permet la coexistence entre une mesure et un protocole de cohésion sociale.

Remarque : Les dispositions décrites ci-après s’appliquent depuis le 1er mars 2019.

A. Une décision de la commission qui s’impose

L’article 118 de la loi « Elan » cherche à mettre fin à ces contradictions en donnant une priorité à l’exécution des décisions de la commission de surendettement, y compris si le juge de l’expulsion locative pour impayé statue après celle-ci.

1. Le juge de l’expulsion statuant après la commission

Si le débiteur n’a pas repris le paiement du loyer et des charges, le juge peut soit accorder des délais de paiement, soit constater l’application de la clause de résiliation, ce qui ne pose pas de difficulté particulière. La loi « Elan » n’a pris en compte que les cas où le débiteur est de bonne foi et a repris le paiement du loyer et des charges. Le juge devra statuer différemment selon la nature de la décision de la commission. Le législateur a également prévu le cas où le juge de l’expulsion statue après le jugement sur la contestation des mesures de surendettement. Ces hypothèses sont encadrées par les VI à VIII de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, modifié par le I de l’article 118 de la loi « Elan ».

Remarque : La simple saisine de la commission de surendettement n’a aucune incidence sur la décision du juge de l’expulsion. Le dossier doit avoir été déclaré a minima recevable par la commission pour pouvoir être opposable.

a) Le dossier de surendettement recevable

Si la commission de surendettement a simplement déclaré le dossier du locataire recevable, le juge doit accorder des délais de paiement. Ces délais courent, selon les cas, jusqu’à :

• l’approbation du plan conventionnel de redressement par la commission ;

• la décision de la commission qui impose les mesures de traitement ;

• le jugement prononçant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ;

• le jugement d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire ;

• toute décision de clôture de la procédure de traitement du surendettement.

b) Le plan conventionnel approuvé ou les mesures imposées

Si un plan conventionnel de redressement a été approuvé ou si des mesures ont été imposées par la commission de surendettement, le juge doit accorder les délais et modalités de paiement prévus par le plan ou imposés par la commission.

Lorsque la commission de surendettement a suspendu l’exigibilité de la créance locative pour une certaine durée, le juge accorde aussi cette suspension tout en la prolongeant de 3 mois. L’objectif est de permettre au locataire de saisir de nouveau la commission à l’issue de ce délai de suspension. Lorsque la commission a été saisie, ce délai se poursuit jusqu’à la fin de la procédure de traitement du surendettement.

Remarque : Si une contestation a été formée contre les délais et modalités imposés par la commission de surendettement, le juge de l’expulsion doit accorder des délais de paiement jusqu’à la décision du juge statuant sur cette contestation.

c) L’existence d’une décision du juge du surendettement

L’une des parties (débiteur ou créancier) a contesté devant le juge les mesures de traitement prises par la commission de surendettement. La loi prévoit comment le juge de l’expulsion locative doit jongler avec cette décision. Elle distingue deux cas :

• si le juge statuant sur la contestation des mesures a retenu tout ou partie des mesures relatives aux délais et modalités de paiement de la dette, le juge statuant sur la résiliation du bail doit accorder ces mêmes délais et modalités de paiement ;

• si la suspension de l’exigibilité de la créance locative a été retenue, le juge de l’expulsion accorde aussi cette suspension, tout en prolongeant sa durée de 3 mois afin de permettre au locataire de saisir à nouveau la commission de surendettement.

2. Le juge de l’expulsion statuant avant la commission

Le II de l’article 118 de la loi « Elan » prévoit le cas où le juge statuant sur la résiliation du bail a octroyé des délais de paiement avant les mesures prises par la commission de surendettement. Il insère pour cela un nouveau chapitre dans le code de la consommation intitulé « articulation entre le traitement des situations de surendettement et la procédure en constat de résiliation du bail ». Le nouvel article L. 714-1 du code de la consommation envisage les différentes hypothèses.

a) Les nouveaux délais et modalités fixées par la commission

Lorsque le locataire a repris le paiement du loyer et des charges et qu’au cours des délais de paiement accordés par le juge de l’expulsion, la commission de surendettement impose de nouveaux délais et modalités de paiement, ceux-ci se substituent à ceux précédemment accordés par le juge.

Si une mesure de suspension de la créance a été prise, ces délais sont prolongés de 3 mois, afin de permettre au locataire de saisir de nouveau la commission de surendettement. Dans ce cas, si la commission a été saisie dans le délai, les délais sont prorogés jusqu’à, selon les cas :

• l’approbation du plan conventionnel de redressement ou la décision imposant les mesures ou un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ;

• le jugement prononçant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ;

• le jugement d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire ;

• toute décision de clôture de la procédure de traitement du surendettement.

Pendant ces délais, les effets de la clause de résiliation sont suspendus. Le paiement du loyer et des charges est toujours dû. Si le locataire se libère de sa dette dans les délais précités, la clause est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend plein effet.

b) Les cas de la décision de rétablissement personnel

Lorsque le locataire a repris le paiement des loyers et charges et que, pendant les délais de paiement de la dette locative accordés par le juge, une décision de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire a été prise par la commission de surendettement, les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus pendant 2 ans. Cette suspension ne peut affecter l’exécution du contrat et le paiement des loyers. Au terme de ce délai, si le locataire s’est acquitté du paiement des loyers et charges, la clause de résiliation est réputée ne pas avoir joué ; dans le cas contraire, elle reprend son effet.

c) La déchéance du bénéfice de la procédure

Tout surendetté de mauvaise foi peut être déchu du bénéfice de la procédure de surendettement.

Parfois, cette déchéance intervient après la mise en œuvre des modalités de traitement de la dette locative prévues par la commission de surendettement des particuliers ou par le juge. Dans ce cas, ce sont les délais et modalités de paiement de la dette locative accordés antérieurement par le juge de l’expulsion qui sont à nouveau applicables.

B. La Coordination avec le protocole de cohésion sociale

Le protocole de cohésion sociale permet à la personne qui occupe un logement social et dont le bail est résilié pour défaut de paiement de loyer et de charges de continuer à occuper ce logement en toute légalité. Ce protocole, signé avec le bailleur, vaut titre d’occupation et ouvre droit au versement ou au rétablissement de l’allocation logement. Il est d’une durée maximale de 2 ans, renouvelable une fois pour une durée de 3 ans (soit 5 ans au total). L’occupant du logement s’engage à payer l’indemnité d’occupation et le bailleur à renoncer à poursuivre la procédure d’expulsion.

La loi « Elan » complète l’article L. 722-16 du code de la consommation pour préciser que lorsque les mesures prises par la commission de surendettement consistent en un rétablissement personnel avec ou sans liquidation, la dette locative mentionnée au protocole est effacée et la durée du protocole est portée à 3 ans à partir de la date de la décision de la commission. L’occupant doit cependant continuer à payer l’indemnité d’occupation.

Sous réserve de ce paiement, le bailleur renonce en outre à poursuivre la procédure d’expulsion et conclut un bail au terme du protocole dans un délai maximal de 3 mois.

Si les engagements pris par l’occupant ne sont pas respectés, le bailleur retrouve le droit de faire exécuter la décision judiciaire prononçant la résiliation du bail.

Remarque : Ces modifications s’appliquent immédiatement aux procédures en cours, sauf si le juge d’instance a été saisi (l’affaire est alors poursuivie et jugée conformément au livre VII du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi « Elan »).

Que devient la clause de résiliation ?

Pendant les délais accordés par le juge, les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus. L’exécution du contrat de location n’est cependant pas affectée par les délais et modalités de paiement accordés. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixées par le juge, la clause de résiliation est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son effet.

Lorsqu’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire a été décidé ou un jugement de clôture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire a été rendu, les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus pendant un délai de 2 ans. Ce délai ne peut affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Au terme de ce délai, si le locataire s’est acquitté du paiement des loyers et des charges, la clause de résiliation est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son effet.

Si la décision de rétablissement personnel a été contestée, les effets de la clause de résiliation sont suspendus jusqu’à la décision du juge statuant sur cette contestation.

Une exception à l’interdiction faite au surendetté d’aggraver sa situation

La procédure de traitement du surendettement interdit au surendetté d’aggraver sa situation et de procéder au paiement des dettes antérieures à la décision de recevabilité de son dossier.Cette interdiction pouvait mener le débiteur à se retrouver dans une situation paradoxale : interdiction de payer la dette locative et décision du juge de l’expulsion lui accordant un échelonnement de paiement de cette même dette.

L’article L. 722-5 du code de la consommation est complété pour permettre au débiteur de régler la dette locative antérieure à la décision de recevabilité lorsque le juge de l’expulsion lui a accordé des délais de paiement (loi « Elan », art. 118, III).

La prévalence de la commission de sur le juge : vers une déclaration d’inconstitutionnalité ?

Globalement, il ressort des dispositions de l’article 118 de la loi « Elan » que les décisions de la commission de surendettement prévalent sur celles du juge, qu’elle accorde des délais avant, ou même après, la décision du juge. Dans le cas où elle statue avant une décision de justice, le juge devra accorder les mêmes délais et modalités que la commission. Et dans les cas où elle statue postérieurement à une décision de justice, ce sont ses délais et modalités qui devront s’appliquer au locataire, mais aussi à ses créanciers. On peut alors s’interroger de la conformité de ces dispositions avec les principes constitutionnels d’exécution des décisions de justice et même de séparation des pouvoirs(1).

Dans son avis rendu sur le projet de loi le 29 mars 2018, le Conseil d’Etat a estimé que les dispositions ne portent pas atteinte à ces principes, avançant le caractère de proportionnalité entre les mesures prises et l’objectif poursuivi : le maintien des locataires de bonne foi dans leur logement. Un argumentaire somme toute classique dans ce genre de cas. On pourrait y ajouter un argument plus politique que juridique. Un locataire étant considéré comme une partie faible dans la relation locataire/bailleur, le législateur tente de le protéger au maximum. Il a préféré confier ces décisions à une commission composée d’experts et ayant une vue globale de la situation budgétaire du débiteur, le juge statuant sur la mise en œuvre de la clause de résiliation n’ayant qu’une vision partielle de cette situation.

Seule une question prioritaire de constitutionnalité, portée par un bailleur qui s’estimera lésé par une décision de la commission, permettra de trancher définitivement ces questions. La saisine du Conseil constitutionnel par les parlementaires dans le cadre du contrôle a priori ne contenait en effet aucun argument contre ces dispositions.

Les garanties offertes aux bailleurs

Pour éviter un trop grand déséquilibre et « préserver les droits et intérêts des bailleurs au regard de leur bien et de la dette locative », les dispositions adoptées dans le cadre de la loi « Elan » sur l’articulation entre les décisions judiciaires ordonnant le maintien du locataire et les décisions de la commission de surendettement prévoient plusieurs garanties cumulatives.

Côté locataire, il doit :

• avoir repris le paiement du loyer et des charges au jour de l’audience ;

• être éligible aux critères d’admissibilité de la procédure de surendettement : personne physique, de bonne foi et impossibilité de faire face à ses dettes ;

• respecter sa double obligation de paiement régulier du loyer et de charges et des mesures de surendettement.

Côté bailleur, ce dernier :

• dispose d’un droit de contestation des mesures de traitement du surendettement imposées par la commission (y compris la décision de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire) ;

• doit être informé des conséquences de l’absence de contestation des décisions de la commission ou du juge sur ses créances(1) ;

• s’il conteste les mesures de traitement du surendettement, cela entraîne leur suspension immédiate.

Notes

(1) La commission de surendettement est une émanation du pouvoir exécutif, car présidée par le préfet.

(1) Cette garantie devra être confirmée dans un décret pris en Conseil d’Etat, à paraître.

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