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Le bénévolat, créateur de richesses

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Levier fondamental de la vie associative, le bénévolat ne connaît pas la crise. Mais une exception, et pas des moindres : le renouvellement des dirigeants bénévoles. La feuille de route gouvernementale pour le développement de la vie associative contribuera-t-elle à redonner un élan au bénévolat de gouvernance ?

CONTRAIREMENT AUX IDÉES REÇUES, LA DYNAMIQUE DE L’ENGAGEMENT BÉNÉVOLE dans les associations en France ne s’est pas démentie au cours des dernières années. Bien au contraire. Le nombre de Français bénévoles dans les associations est estimé à 13 millions en 2016. Il a augmenté de 17 % entre 2010 et 2016, cette augmentation atteignant même 35 % chez les jeunes de moins 35 ans. Une dynamique qui constitue l’une des forces des associations du secteur social et médico-social. Pour exemple, l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss) regroupe 750000 salariés et 1 million de bénévoles.

« Si, par commodité, l’emploi équivalent temps plein (ETP) est pris comme unité de mesure, sur la base de 1 645 heures pour un ETP, l’estimation du volume global du bénévolat se situe alors en 2017 entre 1 320 000 à 1 460 000 ETP, dont l’écrasante majorité est effectuée en associations (entre 1 275 000 et 1 410 000 ETP) », précise l’enquête « Bénévolat et bénévoles en France en 2017 » du Centre de recherche sur les associations (CSA), dirigée par Lionel Prouteau, chercheur au Laboratoire d’économie et de management de Nantes Atlantique, publiée en janvier dernier. Et par domaine d’activité, l’action sociale et caritative occupe la première place, avec plus du quart de ce volume (28 %).

Le bénévolat ne connaît pas la crise

Selon une enquête conduite auprès des associations par une équipe de recherche du Centre d’économie de la Sorbonne, le travail bénévole représente de 1 % à 2 % du produit intérieur brut, selon la méthode retenue, soit de 50 % environ à 80 % des salaires bruts versés par les associations et bien plus que leurs ressources financières. En 2014, le Secours catholique, par exemple – 67 000 bénévoles aujourd’hui –, valorisait le bénévolat à hauteur de 190 millions d’euros, contre 150 millions d’euros de ressources financières. Tout en reconnaissant l’intérêt d’une estimation monétaire du bénévolat associatif, Hubert Pénicaud, vice-président de France Bénévolat, souligne que la contribution du bénévolat doit être appréhendée dans une logique plus large pour mesurer « la création de la richesse ». « Dans une association, le bénévolat n’est pas avant tout une ressource. Il est avant tout une dynamique qui porte une ambition, qui est facteur d’initiative, d’innovation, qui permet de faire en sorte que la logique associative s’inscrive dans une dimension plus large, celle du domaine du faire-société », argumente Hubert Pénicaud.

S’il n’y a pas de crise du bénévolat, il y a toutefois des tensions voire une situation de crise au niveau du renouvellement des dirigeants bénévoles. Le secteur social et médico-social n’y échappe pas. En 2014, un rapport parlementaire fait au nom de la commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif révélait déjà que le renouvellement des dirigeants associatifs bénévoles constituait « l’une des difficultés les plus importantes du monde associatif » et serait « même la première difficulté recensée par les associations ». Concrètement, 53 % d’entre elles indiquaient alors qu’elles avaient du mal à renouveler leurs instances dirigeantes. Selon ce même rapport, cette préoccupation semblait aussi prégnante que la crainte de manquer de financements. Plus récemment, l’édition 2018 de l’enquête nationale réalisée par Recherches & Solidarités, intitulée « La France associative en mouvement », soulignait, en septembre dernier, que le risque de manquer de bénévoles demeure la première source d’inquiétude pour 47 % des associations en 2018 (contre 56 % en 2017) – au même niveau que la situation financière – et le renouvellement des dirigeants bénévoles préoccupe 38 % d’entre elles (contre 44 % en 2017).

« Depuis la fin des années 1990, le cadre administratif, réglementaire, fiscal dans lequel agissent les associations s’est très fortement complexifié. Les associations ont dû renforcer le niveau d’expertise, de compétences des dirigeants avec un niveau d’exigence bien plus élevé et parfois compliqué. Cela intervient sur la capacité des associations à être dans l’initiative, l’innovation, à être dans leur propre identité. Cela a aussi fait porter sur les dirigeants la menace de responsabilités très fortes, parfois, avec une crainte démesurée sur le risque de se retrouver dans des difficultés de responsabilité civile, morale, pénale. Il faut arrêter de renforcer l’arsenal législatif et réglementaire. Il y a encore vingt ans, quelques textes régissaient le mode associatif, et maintenant le secteur associatif a son code des associations qui fait 5 centimètres d’épaisseur ! », déplore Hubert Pénicaud.

Pour mettre fin à « cette insécurité juridique qui concourt à la crise du renouvellement des dirigeants associatifs », une proposition de loi portée par Sylvain Waserman, député Modem du Bas-Rhin et vice-président de l’Assemblée nationale, vise à alléger la responsabilité financière des dirigeants associatifs. Adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, le 17 mai 2018, (et en discussion en séance publique le 6 mars 2019 au Sénat), le texte vise à compléter l’article L.651-2 du code de commerce et à étendre « l’exception de négligence » qui existe aujourd’hui pour les dirigeants d’entreprise, aux dirigeants d’association. Le groupe Modem propose aussi « d’atténuer les condamnations de dirigeants bénévoles d’association dans le cas de liquidation judiciaire de l’association, en obligeant les magistrats à tenir compte du statut de bénévole et à examiner les moyens dont disposait le dirigeant pour prémunir l’association contre des risques financiers. »

La formation, élément clé

Dans son rapport « Pour une politique de vie associative ambitieuse et le développement d’une société de l’engagement », remis en juin dernier au Premier ministre, Le Mouvement associatif(1) invitait le secteur à se saisir de cette crise du renouvellement des dirigeants bénévoles, « pour animer les dynamiques de renouvellement, favoriser la transmission, adapter ses modes de fonctionnement aux attentes ». Il soulignait que la formation était également « un élément déterminant » pour répondre aux difficultés nées de la complexification croissante des textes et obligations auxquels sont confrontés les dirigeants associatifs, aux exigences de « professionnalisation » de plus en plus importantes. Le Haut Conseil à la vie associative (HCVA) abondait dans le même sens en insistant lui-aussi sur l’urgence « de mettre en œuvre tous les moyens pour faciliter leur formation », via notamment des moyens financiers tels que l’abondement des crédits du Fonds pour le développement de la vie associative, ou encore l’effectivité du compte engagement citoyen (voir encadré). « Des bénévoles compétents sont la source d’une gouvernance équilibrée dans une association », insistait le HCVA.

« Souvent, quand on entend parler de professionnalisation des bénévoles, c’est la capacité des dirigeants à maîtriser les codes de la commande publique qui est attendue. Mais les associations doivent aussi porter la capacité d’initiative citoyenne, sentir la demande sociale pour être en mesure d’apporter des réponses nouvelles qui ne sont pas dans la commande publique. L’aide à domicile s’est inventée dans des pratiques très diverses portées par des associations. Aujourd’hui, elle a été largement reprise par la commande publique ou le secteur privé. Il en est de même pour toutes les logiques de solution de répit aux aidants ou enore les Samu sociaux qui se sont développées car des citoyens sont sortis avec leur thermos, dans les années 1990, à la rencontre des sans-abri », explique Hubert Pénicaud.

Sur-représentation des CSP++

Lionel Prouteau note dans son enquête « une sélectivité dans les espaces de gouvernance », avec une sur-représentation des catégories socio-professionnelles (CSP)++. « Le monde du bénévolat est un monde sélectif. Un domaine qui reste très sélectif en particulier est celui des dirigeants bénévoles. 29 % des adhérents exercent des responsabilités, 45 % des femmes, 33 % des retraités, 44 % des diplômés du supérieur, 26 % des cadres contre 13 % des ouvriers. Cette sélectivité est renforcée au niveau de la présidence : 39 % de femmes, 48 % de retraités, 48 % de diplômés du supérieur, 34 % de cadres contre 7 % d’ouvriers », détaille-t-il. « Ce sont toujours les mêmes qui sont en responsabilité. Ces chiffres doivent nous inviter à repenser nos gouvernances. […] Sinon, il y aura une fracture entre ceux qui ont les moyens de s’engager et les autres », soulignait le chercheur à l’occasion du colloque « Le bénévolat aujourd’hui et demain ! », organisé le 14 janvier dernier à Nanterre (Hauts-de-Seine).

« Un des grands défis du monde associatif est de travailler à la diversification des profils des personnes qui accèdent à l’engagement bénévole et à la gouvernance. Il faut dans les instances de direction des personnes expertes en matière de finances, juridique, de gestion, et des personnes qui aient un autre regard sur la marche du projet associatif, qui soient dans d’autres préoccupations générationnelles et puissent faire le lien avec d’autres enjeux. Par exemple, beaucoup de conseils d’administration, aujourd’hui, ne sont pas du tout éclairés sur les enjeux environnementaux ou ceux de la transition numérique », souligne Hubert Pénicaud. Mais le vice-président de France Bénévolat – et responsable national du développement associatif d’APF France handicap – reconnaît que ce défi est de mieux en mieux pris en compte. « Les associations qui prennent des initiatives en la matière ont assez rapidement des résultats. La Croix-Rouge française ou APF France Handicap, ces cinq dernières années, pour des conseils d’administration entre 20 et 30 personnes, ont réussi à attirer quatre ou cinq jeunes de moins de 30 ans et, ce, sans logique de quota mais en faisant en sorte de créer les conditions d’attractivité, d’accueil, d’intégration et d’implication de jeunes », assure-t-il. Place donc à la créativité pour donner un nouveau souffle à la gouvernance associative.

La feuille de route « vie associative »

Gabriel Attal, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse en charge de la vie associative, a fait un premier point d’étape, le 29 janvier 2019, sur la feuille de route gouvernementale pour le développement de la vie associative. Le développement du bénévolat passera par une incitation et une meilleure reconnaissance de l’engagement tout au long de la vie, notamment « par la création de certifications des compétences et connaissances acquises durant ces phases d’engagement, reconnues sur le marché du travail ». En vigueur depuis le 1er janvier 2017, le compte d’engagement citoyen (CEC), qui donne la possibilité à toute personne de recenser ses activités bénévoles ou de volontariat pour acquérir des heures de formation sur son compte personnel d’activité sera élargi aux bénévoles encadrants. Des « actions de rénovation » de l’ensemble des dispositifs de congés d’engagement seront lancées « afin de les rendre plus lisibles et accessibles ». Un travail sera entrepris avec les entreprises et avec les employeurs de la fonction publique, pour étendre les dispositifs favorables à l’articulation des temps professionnels et bénévoles.

Notes

(1) Le Mouvement associatif rassemble plus de 600 000 associations (soit 1 association sur 2 en France), réunies au sein de différentes organisations.

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