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« Accueillir 70 enfants, nous saurions le faire, mais sans en avoir la capacité »

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La perspective d’un rapatriement de 70 enfants de parents djihadistes se précise. En Seine-Saint-Denis, les travailleurs sociaux prennent en charge depuis 2016 la quasi-totalité des enfants « revenants ». Pierre Stecker, directeur de l’enfance et de la famille du département, soulève les besoins qu’implique leur accueil.
Comment le département de Seine-Saint-Denis prend-il en charge les enfants de parents djihadistes français rapatriés ?

La Seine-Saint-Denis est en première ligne pour tous les accueils, parce que l’aéroport est proche. La répartition nationale entre départements est évoquée, mais pas mise en place. Aujourd’hui, nous avons 34 enfants « revenants » dans nos effectifs à l’aide sociale à l’enfance (ASE). Nous en avons accueilli 44 depuis la fin de l’année 2016, lorsque l’on a commencé à les compter de manière particulière. Ils ont entre 5 et 6 ans en moyenne, leur âge varie d’un an à 16 ans. Ils reviennent parfois seuls, rarement accompagnés des deux parents, souvent de leur mère qui est immédiatement incarcérée. Il y a une coordination, formalisée dans un protocole, entre le parquet, la préfecture, l’agence régionale de santé, le département et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). En plus de la mesure ASE classique, il y a une mesure PJJ de milieu ouvert qui porte sur la famille élargie de ces enfants.

Quelles sont les spécificités de leur accompagnement médico-social ?

Certains d’entre eux sont nés dans une zone de conflit : une arrivée est prévue en mars avec des enfants nés au Yémen. Certains ont été incarcérés avec leur mère, ou exposés à de la violence. Nous disposons de peu d’éléments sur ce niveau d’exposition et ses conséquences. Sans compter la séparation brutale avec leur mère… Sur le plan clinique, nous avons du mal à distinguer ce qui relève du psycho-traumatisme lié au conflit, au terrorisme ou à l’enrôlement, de ce qui relève d’une situation classique de protection de l’enfance marquée par la séparation et la rupture. Une fois le bilan de santé effectué, un suivi psychologique est mis en place – ce que l’on ne systématise pas pour les autres enfants de l’ASE.

Avec la pression politique sur ce sujet, les travailleurs sociaux ont-ils des craintes, et comment y répondez-vous ?

Nous avons eu des familles d’accueil ou des éducateurs qui s’interrogeaient sur le danger autour de ces enfants, et ne voulaient pas forcément travailler sur ces situations. Les professionnels se posent aussi des questions concrètes. Par exemple, après les visites au parloir entre la mère et l’enfant, qu’est-ce que l’éducateur peut partager avec les autres intervenants ? Début 2018, nous avons mis en place un groupe d’analyse de pratiques et de soutien, pour favoriser les échanges entre la famille d’accueil, le travailleur social, les référents. C’est un groupe dédié, qui ne concerne pas toutes les situations ASE comme cela existe par ailleurs. Et en juin 2018, une formation de trois jours a eu lieu avec des professionnels de la PJJ, de l’ASE, les familles d’accueil…

Le retour de 70 enfants est annoncé. Dans quelles conditions le département pourra-t-il continuer à assurer la prise en charge ?

Pour la première fois en janvier, deux enfants que nous suivions sont repartis dans les Yvelines. C’est un changement de pratique vers plus de répartition, comme nous le demandions. On nous dit que nous avons acquis une expertise… Mais c’est très chronophage en termes de suivi et de coordination. La question des places se pose aussi car il n’est pas simple de trouver des familles d’accueil. Nous avons estimé notre besoin financier à presque 3 millions d’euros, pour 40 places d’accueil pérennes et des dépenses liées aux personnels, à la formation et la coordination. L’Etat nous a accordé 250 000€. Nous ne sommes pas contre exercer cette mission d’envergure nationale ; par contre, il faut que l’Etat mette vraiment les moyens… Si l’on devait accueillir 70 enfants, nous saurions le faire, mais sans en avoir forcément la capacité.

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