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La contrainte, moindre mal ou moindre bien ?

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« Pratiques contraignantes en psychiatrie », une réunion organisée par le réseau Santé mentale le 20 février, était prétexte à remettre en question des méthodes qui se banalisent.

EXISTE-T-IL UNE CONTRAINTE ÉTHIQUE ? Les deux termes, qui sonnent comme un oxymore, paraissent ne pas pouvoir trouver un terrain d’entente dans les conditions actuelles d’exercice de la psychiatrie. « L’argumentaire autour de la contrainte est souvent assez fragile », assène Emmanuel Hirsch, directeur de l’espace éthique Ile-de-France, en préambule de la réunion « Pratiques contraignantes en psychiatrie », qui s’est déroulée le 20 février à l’initiative du réseau Santé mentale. « Certaines décisions ne sont pas prises au nom de l’intérêt supérieur du patient mais en tenant compte d’une réalité qui ne permet pas de trouver des solutions ajustées aux valeurs des professionnels. »

Et si la contention vient spontanément à l’esprit du profane, d’autres formes de contrainte existent, de la médicamentation sans consentement jusqu’à l’enfermement. « On dit que l’introduction des psychotropes après-guerre a contribué à favoriser l’autonomie des patients, mais on ne nous demande pas notre consentement pour nous donner des cachets », atteste un ancien interné. « Et si on refuse, c’est la piqûre. Les infirmiers ne sont pas formés à une autre façon de faire. Comment adhérer à un traitement forcé ? »

Un recours fréquent à la contention mécanique

Xavier Bonnemaison, directeur adjoint de l’association Santé mentale 13, confirme : « Les neuroleptiques qui permettent un apaisement symptomatique important devraient permettre une certaine libéralisation. Au lieu de cela, on assiste à une régression avec un recours fréquent à la contention mécanique dans les établissements. »

De l’autre côté du miroir, Jean Lefèvre-Utile, infirmier en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, témoigne de l’enlisement des soignants dans des logiques de sécurisation qui leur font perdre le sens de l’accompagnement. « Prendre soin en contexte de gestion de crise comportementale, c’est se protéger soi et l’autre pour se prémunir d’une violence mettant en péril le lien nécessaire à l’accompagnement. Ce lien est attaqué par les pathologies associés mais aussi par les pratiques de sécurisation qui peuvent être une entrave de plus si on n’arrive plus à s’en défaire. » Ainsi, en recourant à la pratique qui entraîne le moins de blessures, l’idée d’un moindre mieux s’ancre insidieusement. Un paradigme du moindre mal que confirme Jean-Christophe Coffin, enseignant-chercheur en histoire. « La contrainte est utilisée pour anticiper des événements perçus comme plus grave. Il existe une hantise de l’évasion et de ses conséquences. »

Mais certains refusent de se résigner, rappelle Xavier Bonnemaison, comme l’équipe du Rouvrais qui a mené une grève de la faim l’année dernière, ou la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, qui prône l’enfermement comme dernier recours. « L’utilisation en dernier recours de l’enfermement devient la règle », s’insurge un autre ancien malade présent dans la salle. « Il y a une forte ressemblance entre prisons et asiles. L’abolition doit être totale pour être efficace, il faut trouver des solutions alternatives et travailler sur la prévention pour éviter les crises. »

Anna Zielinska, maîtresse de conférences en philosophie à l’université de Nancy, vient tempérer le discours général en insistant sur la nécessité d’une contention parfois vitale. « Ce dernier recours est lié à la volonté de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou pour autrui. La contrainte doit être vue comme la condition pour que la personne retrouve son autonomie, pour qu’elle réfléchisse à ce qu’elle a envie de faire. Le désir seul n’est pas suffisant, il faut pouvoir avoir des désirs qui engagent une vie entière, pas une envie de fumer une cigarette. Ils nécessitent une possibilité de se distancier du présent. »

A l’opposé de ce discours, une méthode est expérimentée à la Pitié-Salpêtrière, raconte Jean Lefèvre-Utile. « En mettant en place une fenêtre thérapeutique, on observe une recrudescence des troubles du comportement. Mais le parti pris est de laisser libre cours aux violences comportementales pour mieux les observer. »

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