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« Le non-recours n’est pas une critique du travail social »

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Trois questions à Philippe Warin, directeur de recherche au CNRS et cofondateur de l’Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore).
Les travailleurs sociaux sont-ils suffisamment formés face au non-recours ?

Les travailleurs sociaux font déjà beaucoup pour éviter et prévenir le non-recours. Cette non-demande n’est pas du tout une critique du travail social. Pour prévenir au mieux le non-recours, il faut former autrement les professionnels afin d’aller au-delà du diagnostic social habituel, d’être dans une coconstruction de la réponse avec la personne accompagnée, de considérer l’usager comme un contributeur et rendre le travail social plus réflectif. Il y a des changements de représentations qui sont à l’œuvre et qui sont importants. Les formations que l’on développe avec la Fédération des acteurs de la solidarité et des établissements du travail social vont dans ce sens-là. Elles incluent des personnes accompagnées, des formateurs, des travailleurs sociaux déjà en poste et des chercheurs(1). Les travailleurs pairs et le réseau des écrivains publics peuvent également être d’excellents relais pour compléter l’intervention sociale, lui permettre d’aller plus loin, vers les publics qu’elle ne voit pas.

Qu’est-ce que la non-demande intentionnelle par non-concernement ?

Nous ne sommes pas certains à l’Odenore que le non-concernement soit l’une des formes de la non-demande intentionnelle. Nous nous interrogeons sur le fait de distinguer les deux et nous travaillons sur ce point pour actualiser notre typologie. Selon nos retours du terrain, on a affaire à des personnes qui ne sont même pas dans l’idée de faire une demande de droits sociaux ou de la refuser intentionnellement. Elles ne se sentent pas du tout concernées par ce que la collectivité peut proposer. La première observation d’Odenore sur le non-concernement a été effectuée lors d’un travail de recherche en France et en Belgique sur d’anciens jeunes décrocheurs revenus dans des parcours de formation, d’éducation, d’insertion socio-professionnelle. Puis, dans des travaux plus récents avec la CNSA sur l’accès à la prestation de compensation du handicap pour les personnes souffrant de troubles psychiques. Dans ce dernier cas, le non-concernement s’expliquerait par la difficulté à exprimer ou reconnaître son handicap, sa propre situation, son propre besoin. Comme pour les autres formes de non-recours, on constate donc une forme générale du non-concernement mais qui aurait différentes explications selon les populations ciblées.

Peut-on estimer le coût social du non-recours ?

En qualité de chercheur, je considère cette question comme étant principale. Avoir une analyse développée des coûts sociaux directs et indirects du non-recours aussi bien pour les personnes que la collectivité est un objectif essentiel si on veut être dans une approche reconnue de cette question. La démonstration que le non-recours a un coût supérieur quand on le laisse « filer » est une nécessité pour qu’une action publique durable se mette en œuvre. En arrière-plan, se posera également la conception de la dépense publique, voire celle de la construction des budgets sociaux. Les travaux de l’Odenore avec la CNAM sur le non-recours aux droits et le renoncement aux soins ont montré que les coûts peuvent être limités grâce à la généralisation des plateformes d’intervention départementale pour l’accès aux soins et à la santé (Pfidaas). Il y a une construction, pas à pas, de travaux sur les coûts sociaux du non-recours. Il serait intéressant que l’Agence nationale de la recherche puisse les approfondir.

Repères

Officiellement créé en 2003, l’Odenore est né du constat d’un manque d’outils de mesure et de connaissance sur le non-recours aux services de l’Etat.

Notes

(1) Pour en savoir plus, Collectif soif de connaissances – www.collectif-soif.fr.

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