Recevoir la newsletter

Les allers-retours entre prisons et centres de rétention se multiplient

Article réservé aux abonnés

De la prison au CRA, du CRA à la prison : de plus en plus de personnes étrangères sont soumises à cette « double peine ». La loi « asile-immigration », entrée en vigueur début janvier, intensifie ce phénomène.

« NOUS, LES ENFERMÉS, ON NE VOIT PLUS NOS PROCHES, les allers retours CRA-Prison-CRA empirent encore […] On ne va pas passer notre vie à être enfermés ! » C’est ce qu’écrivent les retenus du centre de rétention administrative (CRA) d’Oissel, dans leur communiqué du 11 janvier 2019. Plusieurs associations constatent bien une augmentation des allers-retours entre prisons et CRA. Marc Duranton, responsable « prison » à la Cimade, assure que « de plus en plus de personnes font ces allers-retours ». « Le fameux débat sur la double peine est toujours là ; on le constatait avant. Mais cela s’accélère avec l’application de la loi “asile-immigration” depuis le 1er janvier », abonde un membre du Genepi.

Les autorités ont de plus en plus recours au délit de soustraction, susceptible de poursuites pénales. « Avant il y avait des mécanismes différents, comme les violences ou outrages sur les policiers. Maintenant ce délit de soustraction est quasiment systématique », relève le membre du Genepi. Pour les étrangers, cela va de la soustraction à une mesure de refus d’entrée en France, au « refus de se soumettre à une mesure d’éloignement ». Le nombre de sortants de prisons en CRA est ainsi « en augmentation exponentielle depuis quatre ans », souligne Marc Duranton. Selon les chiffres de l’association, présente sur environ un tiers des CRA, ce nombre a augmenté de 44 % depuis 2015. Leur proportion par rapport au total de personnes retenues était de 9 % en 2016 contre 18,6 % en 2018.

Du côté des prisons, les ressortissants étrangers représentent pas moins de 22 % de la population carcérale, selon les derniers chiffres du ministère de la Justice. Le protocole d’éloignement de ces détenus n’est pas nouveau. Julien Fischmeister, coordinateur du Point d’accès aux droits (PAD) du centre pénitentiaire de Fresnes, raconte que « la préfecture est systématiquement informée de la présence en détention des étrangers, qu’ils aient un titre de séjour ou pas ». Un entretien mené par la police de l’air et des frontières (PAF) s’ensuit afin que ces informations soient « transmises à la préfecture, qui a tout le temps de la peine pour décider d’une mesure d’éloignement ». Les obligations de quitter le territoire français (OQTF) sont systématiquement assorties d’interdiction de retour sur le territoire français de trois ans.

Champ de la pénalisation étendu

Pour Julien Fischmeister, l’aller de la zone d’attente à la prison, puis les allers-retours entre prisons et CRA, sont donc « un schéma administratif carcéral qui existe depuis longtemps ». Mais la loi « asile-immigration » « renforce la possibilité pour les personnes à l’extérieur de se voir notifier des mesures d’expulsion ». Les personnes arrêtées lors d’un contrôle d’identité peuvent être retenues dans un local de rétention administrative, où une mesure d’éloignement peut être notifiée. De plus, la loi « Collomb » étend le champ de la pénalisation. Désormais, « refuser la prise d’empreintes ou d’une photographie au cours de la retenue est constitutif d’un délit qui peut être assorti d’une peine d’interdiction du territoire français de trois ans », note le coordinateur. Enfin, l’allongement de la durée de rétention à 90 jours va multiplier les mesures d’éloignement – et donc, les condamnations en cas de soustraction.

Certains étrangers sont démunis face à un système qu’ils comprennent mal. D’autres, au contraire, en sont familiers. Dans tous les cas, les moyens de leur accompagnement sont entravés. « Face à des personnes qui ne sont là que pour deux ou trois mois, […] le travail de réinsertion des associations […] est très relativisé », relève le responsable de la Cimade. D’autant qu’entre deux administrations relevant de ministères différents, la communication pose problème. Les associations ou avocats perdent parfois totalement la trace des personnes.

Focus

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur