Recevoir la newsletter

Une prise en charge qui interroge

Article réservé aux abonnés

L’afflux du nombre de mineurs non accompagnés est une réalité. Loin des polémiques politiciennes, une journée d’étude, intitulée « MNA, l’urgence de nouvelles réponses », a été organisée le vendredi 8 février par l’Ecole de la protection de l’enfance et le Journal des acteurs sociaux. Etat des lieux et prospectives étaient au programme.

PRÈS DE 600 PERSONNES, EN MAJORITÉ DES ACTEURS CHARGÉS DE LA PROTECTION DE L’ENFANCE, se sont rendues le 8 février à la Maison de la chimie, à Paris, pour participer à une journée d’étude sur les mineurs non accompagnés (MNA). Preuve que cette problématique est au cœur des préoccupations, car si l’arrivée des MNA a débuté dans les années 2000, l’afflux massif et croissant en France comme dans toute l’Europe date de 2015. Ce sont ainsi 14 908 mineurs reconnus qui ont intégré en 2017 les dispositifs de protection de l’enfance (un nombre multiplié par sept depuis 2013). Et, toujours en 2017, les départements ont réalisé 54 000 procédures d’évaluation de minorité (le double de l’année précédente). Un phénomène qui entraîne une saturation de ces dispositifs, dans un contexte déjà complexe. Loin d’apporter un jugement moral sur cette situation – tous les intervenants en conviennent, dès lors que les jeunes sont sur le territoire, la France se doit de les protéger s’ils sont mineurs et non accompagnés –, cette journée pose néanmoins la question de la qualité de l’accueil et de l’accompagnement qui leur sont fournis. Plus encore, face à cette problématique, les professionnels du secteur se voient interrogés sur leur efficience et leurs capacités à répondre aux besoins fondamentaux et spécifiques de jeunes qui se retrouvent isolés dans un pays qu’ils ne connaissent pas, souvent après un périple de migration traumatisant. L’afflux des MNA ne cesse de progresser, comme en témoigne Yasmine Degras, cheffe de la mission mineurs non accompagnés (MMNA) au ministère de la Justice, service qui gère la réorientation des jeunes reconnus mineurs sur le territoire. Celle-ci a ainsi donné un premier chiffre pour 2019 : au 31 janvier, la MMNA a déjà effectué la réorientation de 2 000 jeunes, ce qui, en termes de prise en charge, constitue le mois de janvier le plus lourd depuis deux ans – un constat qui alerte… Et si l’on connaît le désarroi de nombreux professionnels (voir ASH n° 3093 du 18-01-19, p. 6) en contact direct avec ces jeunes, Yasmine Degras témoigne du quotidien de quatre agents : « La saturation des dispositifs, du fait du manque de moyens financiers des départements, est un phénomène constant. Nous savons que, sur certains territoires, les jeunes ne sont pas mis à l’abri, malgré l’obligation provisoire de placement (OPP). » Et d’ajouter : « Cette réalité est dure à porter, alors que mes agents procèdent à des orientations vers ces départements. »

Des difficultés connus

Bénédicte Aubert, secrétaire générale de la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (Cnape), a pointé les manques dans la prise en charge, notamment dans le domaine de la santé : « Des pathologies psychiatriques sont constatées chez ces jeunes du fait de leur parcours migratoire. Sur ce point, les professionnels sont totalement démunis. » Sur cette question, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, a d’ores et déjà indiqué qu’elle souhaitait mettre en place un parcours de soin pour chaque enfant, avec des soins psychologiques pris en charge à 100 %. Une telle ambition devrait donc être actée dans le cadre de la future stratégie sur la protection de l’enfance.

La scolarité est également une difficulté prenante pour tous les professionnels comme pour les jeunes. L’objectif défini par les politiques publiques est que, comme tous les enfants pris en charge par l’ASE (aide sociale à l’enfance), ceux-ci soient autonomes pour leur sortie du dispositif à 18 ans, voire à 21 ans s’ils ont un contrat « jeune majeur ». Une mission d’autant plus difficile que, les MNA arrivant dans les services de l’ASE vers 16 ou 17 ans, le temps est compté et la pression se révèle très importante pour les professionnels et surtout pour les jeunes, qui n’ont pas l’impression d’être dans un accompagnement de qualité.

Des évolutions indispensables

Comme le montre cet état des lieux, non exhaustif, des difficultés rencontrées, beaucoup est à faire, et les propositions ne manquent pas pour améliorer le dispositif de prise en charge. Côté pouvoirs publics, deux rapports ont été publiés : le premier – « Mineurs non accompagnés : répondre à l’urgence qui s’installe » – émanant du Sénat en 2017 ; le second, en février dernier, de la mission bipartite ADF-Etat sur les MNA. Et côté professionnels, la Cnape a émis des propositions. Mais en attente de décisions politiques et surtout d’une consolidation du dispositif, les territoires, les professionnels ainsi que la société civile tentent d’innover avec les moyens qui leur sont alloués pour faire face au mieux à ce phénomène.

Durant cette journée, des initiatives ont ainsi été présentées. Tel le recours à l’accueil familial bénévole, une démarche initiée en Loire-Atlantique et qui tend à se développer. Ou encore, dans le Nord, le dispositif « Trajet », un groupement de coopération sociale et médico-sociale (entité juridique qui permet de rassembler des associations et des établissements publics pour mutualiser leurs moyens). « Face au défit qu’a posé l’arrivée massive des MNA, notre prise en charge qualitative ne fonctionnait plus, le dispositif a été saturé et beaucoup de jeunes sont restés dehors, confie Alexandra Wierez, directrice générale de la Société de protection et de réinsertion du Nord (Sprene, association membre de « Trajet »). En réaction à cette urgence sociale, le département du Nord a fait un appel à projets pour créer 350 places pérennes, un service d’évaluation pouvant produire 50 à 80 évaluations par mois ainsi que 30 places de mise à l’abri, avec l’exigence que cela soit porté par un opérateur unique. « Nous avions tous un savoir-faire mais pas les capacités à remplir seuls ce cahier des charges. Nous avons donc décidé de nous réunir sous une même entité. » Si cette initiative est un exemple de mutualisation, elle ne lève en rien la pression forte des sorties à 18 ans. « Sans être un modèle idéal, c’est la situation la moins pire qu’on a trouvée avec toutes les contraintes qu’on avait », conclut Alexandra Wierez.

La journée d’étude aura permis des échanges constructifs entre les différents acteurs de cette prise en charge : représentants des politiques publiques, professionnels du secteur ou encore anciens MNA (voir page suivante). Il est certain que tous seront attentifs à la future stratégie sur la protection de l’enfance, d’autant que la feuille de route donnant les orientations de cette stratégie, dévoilée fin janvier par le secrétaire d’Etat Adrien Taquet, n’évoquait pas la question des mineurs non accompagnés. Un oubli, ou bien le souhait d’intégrer les MNA sans les stigmatiser ? Dans tous les cas, cette stratégie nationale est attendue pour juillet prochain. Les acteurs du secteur attendent des réponses concrètes et des moyens supplémentaires afin d’assurer un accueil et un accompagnement de qualité pour tous les enfants accueillis, tout en intégrant bien évidemment les besoins spécifiques des MNA.

L’événement

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur