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La parole des MNA

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LA JOURNÉE D’ÉTUDE DU 8 FÉVRIER, À PARIS, AVAIT POUR AMBITION DE PENSER DE NOUVELLES RÉPONSES quant à l’accueil et l’accompagnement des mineurs non accompagnés. Il était donc tout indiqué de donner la parole aux principaux concernés. Ce fut d’ailleurs l’un des moments forts de cette conférence : deux anciens jeunes admis en qualité de mineurs non accompagnés à l’ASE (aide sociale à l’enfance) ont témoigné de leur prise en charge. Devenus membres de l’Adepape 75 (Association départementale d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance), ils ont partagé leurs expériences afin que les attentes des MNA soient entendues.

Un statut pérenne

Agée de 32 ans, Marie Bateka est aujourd’hui gestionnaire de fonds européens dans une très grande collectivité territoriale. Mais, pour en arriver là, il a fallu qu’elle fasse preuve d’obstination car son parcours n’a pas été de tout repos, même si elle pense « avoir eu plus de chance que d’autres ». Arrivée d’Angola en France à l’âge de 14 ans, ne parlant pas la langue, elle a été placée dans un centre de jeunes filles, dans les Hauts-de-Seine, et y est restée jusqu’à sa sortie. Pour elle, ce lieu a constitué un environnement sécurisant. « J’ai intégré un collège trois mois après mon arrivée, ça a solidifié mon intégration. Par la suite, mes éducateurs ont anticipé mes démarches administratives et, dès mes 17 ans, j’avais la nationalité française, ce qui m’a permis une sortie moins brutale du dispositif. » Mais ce travail sur le statut des jeunes n’est pas systématique. Cela provient certainement d’un manque de connaissance des professionnels, qui ne sont pas tous formés sur la problématique du statut des MNA et sur le volet administratif qui en découle. C’était malheureusement le cas de la référente ASE de Rifath Rahman, jeune adulte arrivé du Bangladesh à l’âge de 15 ans : « Ma référente n’avait jamais eu de MNA avant moi et ne s’est pas préoccupée de mon statut. Je me suis donc rapproché d’une association qui m’a aidé à avoir un statut étudiant. Ma référente a jugé que cela suffisait, ce qui me pose problème aujourd’hui. » Une situation qui n’est pas rare, à en croire Léo Mathey, président de l’Adepap 75 : « Nous accueillons beaucoup d’anciens MNA. La plupart sortent du dispositif sans titre de séjour pérenne, ce qui ne leur permet pas de s’installer durablement sur le territoire. » L’idée de systématiser ces démarches avant les 18 ans est ainsi souhaitée par les MNA car la question de leur statut est une source d’inquiétude et d’insécurité.

Une orientation scolaire subie

Lors de leur prise de parole, Marie et Rifath, malgré des parcours différents, témoignent de la même incompréhension, car l’échéance de la sortie du dispositif a influencé leur orientation scolaire. Marie a raconté son cheminement avec précision : « Je voulais faire des études d’ingénierie, j’étais bien partie, j’avais de bonnes notes en filière scientifique. Néanmoins, mes éducateurs ont voulu anticiper ma sortie, par peur que je me retrouve sans ressources financières. Il a donc été décidé de me réorienter en section STG (sciences et technologies de la gestion). » Un choix subi qui a été douloureux pour elle. C’est pourquoi, à sa sortie à 21 ans du dispositif, elle a décidé de faire mieux, bien qu’étant seule. Elle s’est inscrite en licence d’économie et gestion, diplôme qu’elle a obtenu en cinq ans au lieu de trois, du fait du retard causé par cette réorientation ainsi que du travail en parallèle de ses études.

Une situation que Rifath vit toujours. A 22 ans, il poursuit une licence technico-commerciale en travaillant après avoir fait un bac pro et un BTS, mais cela ne correspond pas à ses attentes. Une réalité que subissent également les professionnels, comme l’explique Alexandra Wierez, directrice générale de l’association Sprene, qui intervient dans le département du Nord (voir page précédente) : « Notre projet pour les jeunes MNA est plutôt tourné vers l’insertion car notre contrainte est que, à 18 ans, le jeune doit sortir de chez nous. Il y a donc une pression forte. » Et d’ajouter : « On est obligés de tenir un discours de vérité auprès des jeunes. On n’a plus le choix à présent, c’est contrat d’apprentissage et hébergement, car il y a d’autres mineurs qui attendent. »

Cette exigence est celle des politiques publiques de protection de l’enfance, qui obligent à ce que les jeunes pris en charge par l’ASE soient autonomes dès 18 ans. Cette échéance, qui peut être reculée à 21 ans en cas de contrat jeune majeur, a un impact sur l’accompagnement proposé, que le jeune soit MNA ou pas. C’est, aujourd’hui, tout le paradoxe de la protection de l’enfance…

Le profil des MNA en 2018

La MMNA a dévoilé les chiffres de 2018. Ce sont ainsi 17 022 mineurs reconnus qui ont intégré le dispositif de protection de l’enfance, soit une augmentation de 14 % par rapport à 2017. Parmi eux, 67 % sont originaires d’Afrique de l’Ouest et 9,5 % du Maghreb. Ce service du ministère de la Justice constate une forte augmentation du nombre de Tunisiens (661, contre 252 en 2017), une hausse qui n’a pas encore été analysée. Mise à part cette évolution, le profil des MNA reste le même. Les jeunes filles, toujours en minorité, ne représentent que 4,5 % d’entre eux, soit une légère hausse de 0,4 point.

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