ENTRE COHÉRENCE DU PROJET SOCIAL ET VIABILITÉ ÉCONOMIQUE, les entreprises d’insertion cherchent leur équilibre. Elles ont vocation à insérer les personnes en marge du marché de l’emploi, d’agir comme tremplin et non comme fin en soi. Elles n’en demeurent pas moins soumises à la concurrence des entreprises de droit commun. La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) a publié, le 31 janvier, une étude pour mesurer l’écart entre leurs résultats économiques et ceux des entreprises dites « classiques ».
L’étude porte seulement sur les entreprises d’insertion ayant le statut de société commerciale (EISC) – par opposition aux entreprises d’insertion associatives. Celles-ci sont « assez semblables à des entreprises de droit commun en termes d’exigences économiques ». Le constat est clair : « La productivité apparente du travail des EISC est plus faible que celle des entreprises de droit commun opérant dans les mêmes secteurs d’activité, y compris en tenant compte des subventions reçues. » Hors subventions, l’écart varie de 16 % pour le secteur de la réparation d’ordinateurs et de biens personnels ou domestiques à 67 % pour celui des transports.
Les entreprises d’insertion ont des coûts supplémentaires liés à leur mission sociale : « moindre productivité a priori de leurs salariés, très éloignés de l’emploi ; rotation de la main-d’œuvre rapide en raison du caractère temporaire des parcours d’insertion ; coûts directs liés à l’encadrement et à l’accompagnement ». En contrepartie, elles bénéficient de subventions publiques et d’exonérations sociales. Des aides qui « ne compensent que partiellement l’écart de productivité », souligne l’étude. A l’exclusion du secteur de la réparation où elles inversent la balance, la productivité reste inférieure de 20 % à 40 %.
Les raisons sont multiples : des salariés « dont les compétences sont souvent érodées par de longues années d’inactivité » ; mais également le fait que les travailleurs sociaux, inclus dans les indicateurs de productivité en tant que salariés de l’entreprise, « dédient tout ou partie de leur temps de travail à l’accompagnement […] et ne participent pas directement aux activités productives ».
A noter qu’entre entreprises d’insertion et de droit commun, les activités majoritaires diffèrent. Près de 30 % des équivalents temps plein des EISC concernent le secteur « collecte, traitement et élimination des déchets ; récupération », contre seulement 0,7 % des entreprises de droit commun. Reste que pour deux entreprises de même secteur et de même taille, les EISC ont « plus souvent des taux de marge et de rentabilité négatifs que les entreprises de droit commun », avec un taux de marge négatif en moyenne plus élevé de 13 points.
L’étude conclut qu’il est « possible que les entreprises d’insertion cherchent avant tout à rester viables économiquement mais pas à maximiser leur rentabilité, cet objectif paraissant secondaire par rapport à l’objectif social ». Néanmoins, ces performances inférieures sur le marché global comme sur le marché local interrogent « sur la survie des entreprises d’insertion, sur leur capacité à maintenir leurs marchés ou même à en conquérir de nouveaux ? » De quoi nourrir de prochaines études « notamment sur leur comportement d’investissement, d’innovation de d’indexation des prix ».
Au-delà des seules EISC, la Cour des comptes avait jugé positivement les résultats des structures spécialisées dans l’insertion des personnes en marge du marché du travail. Dans un rapport du 15 janvier, elle salue « leur caractère innovant et leurs résultats plus qu’encourageants » auprès de ce public. Les taux de retour à l’emploi sont jugés « plutôt favorables », avec 37 % des salariés sortis d’une structure de l’insertion par l’activité économique (IAE) qui trouvent un emploi au bout de six mois. Dans le cadre de la « stratégie pauvreté », un plan pluriannuel de développement de l’IAE table sur la création de 100 000 contrats supplémentaires d’ici à 2022.