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Le permis de louer, contre les marchands de sommeil ?

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En Seine-Saint-Denis, plusieurs communes ont mis en place début janvier le permis de louer. Le département est particulièrement touché par l’habitat insalubre et les divisions pavillonnaires opérées par les marchands de sommeil. Quel bilan pour ces premières semaines d’application ?

« PAS D’ÉLECTRICITÉ, PAS D’EAU CHAUDE ; des logements mal isolés, des gens qui vivent sans fenêtre ; et parfois des caves qui sont louées… » Le cabinet de Mériem Derkaoui, maire d’Aubervilliers et vice-présidente de Seine-Saint-Denis, évoque des « conditions extrêmes » d’habitat indigne dans sa commune. Le permis de louer y est mis en place depuis le 4 janvier, dans le centre-ville et le quartier de Macreux, « là où l’on a dénombré les poches d’insalubrité les plus grandes ». Le ratio d’habitat indigne y serait de 40 %, contre 23 % dans toute la commune.

Instauré par un décret d’application de la loi « Alur » en 2016, le permis de louer est un dispositif de lutte contre l’habitat indigne. Il oblige les bailleurs à déposer une demande d’autorisation à la mairie avant de mettre en location leur logement, dans les périmètres soumis au dispositif. Le service communal d’hygiène et de santé est alors chargé de contrôler le respect des normes d’habitat. La collectivité délivre ensuite une autorisation, ou impose au propriétaire d’effectuer des travaux pour la mise en conformité du bien.

Aubervilliers en est à ses premières inspections mais la mairie distingue déjà les « propriétaires de bonne foi qui font des déclarations » des autres. Les marchands de sommeil, qui se savent hors-la-loi, ne courent pas déposer leurs demandes… Or, si les autorités découvrent un logement loué sans autorisation après janvier 2019, le propriétaire peut recevoir une amende administrative – jusqu’à 15 000 €. « Cela va permettre d’infliger des amendes plus rapidement. Avant, les procédures étaient longues », se satisfait-on au cabinet de Mériem Derkaoui.

A Stains, dans la proche couronne de Paris, le permis de louer offre des « premiers éléments encourageants », estime le maire Azzedine Taïbi. Expérimenté sur un quartier nord « essentiellement composé de maisons individuelles divisées par des marchands de sommeil », le dispositif a suscité plus d’une « trentaine » de demandes depuis janvier. Sur les cinq visites réalisées jusqu’ici par les inspecteurs d’hygiène, il y a eu trois autorisations et un refus pour un « problème dans l’installation électrique ». Quant à la cinquième, surprise, il s’agissait d’un « « marchand de sommeil identifié » – la plupart sont bien connus des autorités municipales. « On s’attendait à trouver un logement pourri, mais il avait anticipé, fait des travaux ! » Le permis de louer, dissuasif ? Azzedine Taïbi tempère : faire face à l’habitat indigne reste « une lutte sans merci », et le permis de louer « non pas une mesure en tant que telle, mais une partie de l’arsenal ». Et de rappeler que la « pression en proche couronne » est telle que les marchands de sommeil continuent de bénéficier du manque de logements sociaux.

Pas d’infraction pénale

De plus, sur le plan juridique, l’efficacité du permis de louer est relative. « Nous avons déjà constaté dans une dizaine de communes que des agences immobilières ne jouent pas le jeu et louent sans ce permis », soulève Julie Fraudeau, magistrate à Bobigny en charge du contentieux de l’habitat indigne, dans Le Parisien. « La difficulté est qu’il n’y a pas d’infraction pénale mais des amendes administratives. Le parquet a beau être mis au courant, il ne peut pas se saisir de ces situations. »

Les procédures de signalement sont aussi problématiques. Les victimes sont souvent « des personnes qui méconnaissent leurs droits, des primo-arrivants, exclus du logement social… », explique Azzedine Taïbi. Dès lors, tout repose sur la vigilance et « la solidarité des voisins, des écoles, des commerçants ». Un agent de terrain est également déféré depuis 2016 à Stains et Pierrefitte-sur-Seine pour tenter « d’avoir le diagnostic le plus précis possible ».

D’ici là, le permis de louer continue de s’égrener dans d’autres départements. Il va être mis en place cet automne à Mulhouse, a annoncé la mairie le 7 février. Dans le quartier des Noailles à Marseille, où a eu lieu le drame de la rue d’Aubagne, l’expérimentation devrait être validée fin février.

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