Depuis la loi « hôpital santé patients et territoires » et l’hôpital-entreprise, la déshospitalisation et le virage ambulatoire se sont renforcés dans toutes les disciplines. La psychiatrie a toujours résisté à cette gradation entre aigu, moyen et long séjour comme en médecine. Mais l’orientation de la politique de santé est désormais de faire de l’hospitalisation en psychiatrie une hospitalisation de crise aiguë et de confier le chronique aux secteurs social et médico-social. En France, plus de la moitié des lits d’hospitalisation en psychiatrie ont été fermés et la durée des séjours a diminué de plus de 50 %. C’est la course au lit actuellement. En Angleterre, on a fermé aussi beaucoup de lits, mais des structures intermédiaires alternatives à l’hospitalisation ont été créées alors qu’en France il y a une carence de ces structures intermédiaires.
Si on considère les Ehpad, on estime qu’il y a 35 000 psychotiques âgés. Dans les Ehpad, ce public a un écart d’une génération avec les autres résidents, les équipes des établissements ne sont pas vraiment formées à les accompagner, et les familles des personnes accueillies en maison de retraite sont réticentes quand il y a des troubles du comportement. Dans le processus de chronicisation, il y a la maladie mais il y a également l’environnement. Quand certains de ces patients se retrouvent en Ehpad avec une équipe bienveillante, des activités, un projet personnalisé, ils gagnent en autonomie. Ils passent du statut de malade « psy » à celui de résident âgé. Les foyers de vie, les foyers d’accueil médicalisé [FAM] ont une tolérance pour garder au-delà de 60 ans leurs résidents vieillissants mais ils subissent des pressions pour admettre des plus jeunes et refusent, de ce fait, les admissions de psychotiques âgés. Certains FAM ont été créés au sein d’associations des structures dédiées à l’accueil des handicapés mentaux ou psychiques à partir de l’âge de 60 ans. Il y a également des psychotiques âgés dans la rue, ou dans les CHRS [centres d’hébergement et de réinsertion sociale] et en prison.
Il manque aujourd’hui une palette de dispositifs adaptés au cas par cas. Des structures légères (appartements relais, résidences accompagnées) et il faut continuer à créer des unités spécifiques pour handicapés psychiques âgés au sein des Ehpad. Les équipes mobiles dédiées aux Ehpad viennent en appui, au long cours, des équipes médico-sociales et participent à leurs formations ; les équipes mobiles de psychiatrie du sujet âgé interviennent principalement en situation de crise. Pour les patients qui ont 10, 20, 30 ans d’hospitalisation, avec des handicaps multiples, des antécédents médico-légaux, des problèmes de comportement, des situations de violence, d’alcoolisation, de drogue, une admission stable en Ehpad n’est pas envisageable. Il faudrait alors promouvoir pour ces patients-là, dans les hôpitaux, de petites structures pour des hospitalisations de longue durée avec un hébergement et des soins dans les meilleures conditions possibles.
Georges Jovelet est psychiatre des hôpitaux, diplômé de droit, d’anthropologie et d’éthique, ancien chef de pôle à l’Epsmd de Prémontré (02). Il a occupé les fonctions de vice-président de la Société de l’information psychiatrique et de membre du bureau national du Syndicat des psychiatres des hôpitaux.
(1) Aux Editions John Libbey, 2017.