L’infirmière coordonnatrice (IDEC) est la professionnelle la plus diplômée après le directeur d’établissement. De fait, elle est identifiée comme personne-ressource par la direction et l’ensemble des intervenants. En cas de vacance de poste du médecin coordinateur ou s’il est à temps plus que partiel, l’IDEC se retrouve à mener des missions supplémentaires, sans reconnaissance statutaire, financière et sans reconnaissance de la charge de travail supplémentaire. Souvent surbookées, au bord du burn-out, en plus de ses missions, elle assure celles missions du médecin coordonnateur au détriment du contrôle de la qualité des soins. Les IDEC sont prises en otages. Par ailleurs, quand la direction de l’établissement n’a pas d’assistante, ou une direction adjointe, elle va se tourner vers l’IDEC pour des missions transversales et une coordination sur l’intégralité de la résidence. On assiste alors à des glissements de tâches en tous genres telle que la commercialisation de la résidence. L’IDEC reçoit les futurs résidents potentiels, fait visiter l’établissement aux familles, prépare les paies voire les finalise.
Actuellement, les IDEC n’ont pas de cadre juridique. Tout est donc possible en termes de glissements de tâches. On voit des situations extrêmes de coordination médicale pour lesquelles les IDEC n’ont pas l’expertise avec un risque de mise en danger des résidents. Une reconnaissance statutaire leur permettrait de dire « non », d’alerter quand les établissements franchissent la ligne rouge. L’IDEC est souvent le déversoir de tout ce que les autres ne peuvent pas faire. Le turn-over de l’IDEC est tout aussi important que celui du médecin coordonnateur. Ces professionnelles restent en poste moins de cinq ans et personne n’en parle. Il ne faut pas s’étonner alors que les dynamiques managériales n’aillent pas bien dans les résidences si on n’arrive pas à fidéliser les managers. Des dizaines de postes ne sont pas pourvus aujourd’hui. Dans une étude réalisée par la Ffidec auprès d’une centaine de directions d’Ehpad, nous avions demandé quelle était la vacance de poste acceptable pour un médecin coordonnateur et pour une IDEC. Résultat : le médecin coordonnateur peut être absent jusqu’à six mois et l’IDEC un mois au maximum. Cela reflète l’importance de l’IDEC dans la résidence et du partenariat avec la direction. Cette enquête a été envoyée au ministère de la Santé mais personne ne s’en est saisi. L’IDEC est un poste auquel personne n’a décidé de s’intéresser.
Beaucoup d’acteurs, parmi lesquels les fédérations de gestionnaires d’établissements et les représentants des médecins coordonnateurs en Ehpad, ne souhaitent pas que les missions de l’IDEC soient clairement définies. Ce vide juridique permet d’assurer un glissement de tâches et arrange tout le monde. Il n’existe pas actuellement de ligne budgétaire pour les IDEC. Aujourd’hui, quand une agence régionale de santé attribue cinq équivalents temps plein d’infirmières à un Ehpad, un poste est « supprimé » sur le terrain pour financer celui de l’IDEC. Si on rend aux infirmières ce temps plein, qui finance alors le poste d’IDEC ? Une partie du poste doit-elle être prise en charge par l’établissement ou le laisser sur le budget « soin » ? Si les pouvoirs publics reconnaissaient que les IDEC ont un rôle dans le déploiement de la politique institutionnelle avec une charge administrative qui n’appartient pas au soin, cela posera la question de savoir si ces professionnelles doivent être sur la ligne budgétaire du soin. C’est un vrai débat. On touche au nerf de la guerre, l’argent.
Depuis sa création en février 2016, la Fédération française des infirmières diplômées d’Etat coordinatrices (Ffidec) a pour principale ambition de porter la demande de reconnaissance statutaire des infirmières coordinatrices auprès des instances exécutives.