LES CHIFFRES FONT FROID DANS LE DOS. D’après les associations et les pouvoirs publics, et bien que le Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) déplore sur le sujet un manque de statistiques et des études insuffisantes, en France, entre 6 000 et 10 000 mineurs sont victimes de la prostitution. Et le phénomène irait en s’amplifiant, aux dires des professionnels engagés sur le terrain. A quelques semaines de la Journée internationale de lutte contre l’exploitation sexuelle, programmée le 4 mars, le Centre de victimologie pour mineurs (CVM) a donc tiré une nouvelle fois la sonnette d’alarme lors d’un colloque organisé à Paris fin janvier, sous l’intitulé « Prostitutions et traite des mineurs ». L’emploi du pluriel n’est pas neutre, car c’est bien de « prostitutions » dont il est question, en effet, tant ce fléau se révèle multiple. Il englobe aussi bien les dérives observées dans certains établissements scolaires, où le phénomène a fait son apparition dans les cours de récréation, que les sévices infligés aux jeunes filles en provenance d’Afrique ou d’Europe de l’Est, livrées aux griffes de réseaux organisés.
A l’échelle internationale, la prostitution est considérée comme le troisième commerce illégal le plus lucratif, après ceux liés à la drogue et au trafic d’armes. En Europe, elle détient la première place, et notamment en France, où elle concerne de plus en plus de jeunes de moins de 18 ans. « J’ai l’impression qu’il y a une certaine prise de conscience de la réalité et de l’importance des phénomènes de prostitution des enfants dans notre pays, sans doute parce qu’ils sont en augmentation et qu’ils se diversifient », note Geneviève Avenard, défenseure des enfants et adjointe au défenseur des droits, Jacques Toubon. Afin de mieux agir, l’urgence impose désormais de ne plus détourner les yeux et de regarder la réalité telle qu’elle est.