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Attention, ça glisse !

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Avant d’être aide-soignante, j’ai eu plusieurs métiers. Et entre autres boulots plus ou moins rigolos, j’ai été aide à domicile. Attention, pas auxiliaire de vie. Non, aide à domicile, c’est-à-dire que je faisais les mêmes choses qu’une auxiliaire de vie, sans diplôme ni expérience. En été, il faut remplacer celles qui partent en vacances, alors les employeurs sont moins regardants. Moi, j’avais une bonne tête, je savais baratiner et transformer un CV passable en une mine aux trésors, alors j’ai été embauchée. Facile. Je veux dire l’embauche. Parce qu’après, ça s’est compliqué.

Après, il y a eu de tout. Entretien du logement, aide à la préparation des repas, courses… Pour tout ça, je me débrouillais à peu près. Et puis, il y avait les « aides à la toilette ». On m’avait dit « tu verras, c’est pas compliqué, tu aides la personne à se déshabiller, à se laver, à s’habiller, ça devrait aller. » Balivernes ! Ma première aide à la toilette, c’était chez une femme qui avait la maladie de Parkinson. Ce n’était pas une « aide à la toilette » mais une « toilette complète au lit ». J’ai été nulle. Désorganisée, maladroite. Nulle et sans doute maltraitante. Parce que ce corps nu, devant moi, malade et vieux, je ne savais pas comment m’en occuper. Et là, je ne parle que du corps. Parce qu’au-delà du corps, il y avait une femme. Une femme qui ne me connaissait pas et qui était, à ce moment précis, totalement dépendante de moi, pauvre nouille incapable de prendre soin correctement d’elle, et encore moins capable de lui adresser une parole rassurante, trop occupée avec son corps. J’ai été nulle.

Il a fallu y retourner. Chez elle, et chez d’autres. D’autres gens, d’autres corps, d’autres toilettes. Et toujours aucune formation. Je suis devenue un peu plus organisée, un peu moins maladroite. Mais j’étais hors-la-loi. Je n’avais pas le droit de faire ce genre de « prestation ». C’était un glissement de tâche, et ça n’était pas le seul. Mais dans certains coins pas si reculés que ça, les infirmiers libéraux sont débordés, et les SSIAD inexistants. Alors les toilettes, ce sont les services d’aide à domicile qui s’y collent. Laver des gens, c’est un métier.

Et puis je suis devenue aide-soignante. J’ai appris à faire des « aides à la toilette » et des « toilettes complètes au lit ». J’ai aussi appris qu’il y avait une réglementation, et qu’on ne fait pas n’importe quoi avec n’importe qui. J’avais eu l’excuse de ne pas savoir. Maintenant, je savais.

Premier poste en Ehpad, premier jour, premier résident. Je regarde le plan de soins : « mettre les bandes de contention ». « Toutes tes collègues le font. Moi j’ai pas le temps », m’a dit l’infirmière débordée. Je l’ai fait. Comme toutes mes collègues.

Ça fait maintenant quelques années que je suis aide-soignante. J’ai appris à dire « non ». Pour me protéger, mais aussi et surtout pour protéger les gens dont je prends soin.

Je ne sais pas faire. Je ne dois pas faire. Je ne fais pas.

Imaginons… Si on faisait la même chose pour tout ? Si on demandait aux chauffeurs de taxi d’être ambulanciers ? Ben oui, ils savent déjà conduire alors…

Si on demandait aux policiers d’être surveillants de prison ? Ils ont déjà le prévenu sous la main après tout…

Si on demandait aux profs d’être éducateurs ? Quitte à s’occuper des enfants, autant le faire jusqu’au bout !

Et puis, tant qu’à faire, on pourrait aussi demander aux facteurs de s’occuper des personnes âgées… ah ben non, trop tard !

La minute de Flo

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