Recevoir la newsletter

Accompagnement : perspectives européennes

Article réservé aux abonnés

A l’issue d’un appel à projets lancé par la CNSA en 2017 pour dénicher des pratiques inspirantes dans le domaine de l’accompagnement du handicap ou de la dépendance, une journée de restitution des 13 projets de voyage d’étude était organisée le 29 janvier. Florilège.
Handicap psychique : quel accès au logement ?

SI L’ACCES AU LOGEMENT DES PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES PSYCHIQUES est déjà une problématique en soi, leur maintien au domicile doit être pensé de concert, au risque de les exposer à une aggravation des troubles en cas d’expulsion et de retour à l’hébergement d’urgence. « L’habiter est un processus actif », avance Anne Maréchal, directrice adjointe de l’Association dijonnaise d’entraide des familles ouvrières (Adefo). « On ne peut pas simplement placer l’individu dans un appartement. En cas de mal-logement, cela perturbera encore plus une personne atteinte de troubles mentaux. »

Le réseau de santé Namur, en Wallonie, propose des structures d’hébergement variées, supervisées par deux équipes mobiles, comprenant toutes deux un binôme psychiatre/travailleur social. L’une intervient en temps normale, l’autre en cas de crise, et se déplace sur simple appel du voisin, du patient ou du propriétaire. « Le projet d’accompagnement est pluridisciplinaire », poursuit Anne Maréchal. « Tout se discute de manière horizontale, avec un psychiatre référent, un travailleur social, un éducateur et des aides-soignants. » Des « capteurs de logements » (une fonction commerciale) sont chargés de la prospection des nouveaux biens immobiliers dans une démarche d’inclusion sociale, pour le compte des bailleurs sociaux.

C’est aussi en Belgique qu’on peut trouver les initiatives d’habitation protégée (IHP), des lieux d’hébergement transitionnels et d’accompagnement pour adultes rencontrant des problèmes psychiatriques chroniques stabilisés. Un facteur de stabilisation pour Olivier Pinault, cadre supérieur socio-éducatif au centre hospitalier Esquirol de Limoges. « La personne retrouve un espoir en dehors de l’institution hospitalière, développe des habiletés psychosociales. Elle prend des décisions, construit des relations, prend conscience de l’autre… Cela limite le recours à l’hospitalisation. » Point fort de ces structures, une architecture inclusive : n’étant pas « fléchées » de l’extérieur, leurs habitants vivent au cœur de la cité sans crainte d’être stigmatisés.

Un travail en réseau

A Tornio, en Finlande, c’est la méthode de l’« open dialogue » qui prime. Ici aussi, des équipes mobiles interviennent au domicile, mais le traitement est basé sur l’insertion dans une communauté et les activités extérieures, en étant intégré dans un quotidien.

Le premier contact se fait par téléphone, avec une possibilité de rencontre dans les 24 heures si la situation l’exige. La famille est associée au traitement pendant toute sa durée. Si celui-ci s’arrête puis reprend, ce sont les soignants originels qui reprendront en charge la personne. « L’open dialogue implique également une manière d’être avec les personnes », détaille la psychologue Chloé Parisse. « Il y a une tolérance à l’incertitude dans les situations de crise, afin de donner un sens à l’expérience psychotique. » Dans ce système, le dialogue s’instaure de manière polyphonique, en impliquant les personnes, l’entourage et les professionnels. « C’est une rencontre en réseau avec intégration de l’expérience, dans une approche collaborative et non diagnostics/symptômes », analyse Chloé Parisse. « Les aides-soignants partagent leurs réflexions en présence de la personne. On ne soigne plus la relation dysfonctionnelle avec la famille, mais on la considère comme une ressource, dans le cadre d’un dialogue avec tous les participants. » L’entourage n’est plus à l’origine du problème, mais est considéré comme partie intégrante de la solution.

La désinstitutionnalisation au service du patient ? L’exemple scandinave

PASSER D’UNE LOGIQUE DE PLACE A UNE LOGIQUE DE PARCOURS. La réponse accompagnée pour tous est, depuis le rapport de Denis Piveteau « Zéro sans solution », au cœur des débats et des expérimentations dans le secteur du handicap. Mais la transformation de l’offre médico-sociale(1) implique-t-elle une désinstitutionalisation progressive pour respecter le projet de vie de la personne, et encourager son inclusion ? Pour chercher des pistes de réponse à cette épineuse question, la Scandinavie était le modèle tout trouvé.

Marie-Christine Rousseau, responsable de la recherche, est allé pour l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) étudier la prise en charge de la personne polyhandicapée à l’hôpital universitaire d’Oslo, en Norvège, où la désinstitutionnalisation « est totale depuis les années 1970. Le modèle apporte une réponse individualisée couvrant l’ensemble des besoins de la personne. Le soutien apporté aux aidants compense réellement les conséquences pour leur quotidien, et il y a un transfert de compétences des équipes spécialisées vers les intervenants locaux avec une vrai démarche éducative. »

La culture de l’autodétermination

De son côté, Amaro Carbajal, sous la coordination de l’Institut catholique de Lille, est allé prospecter en Suède, où « on considère ces personnes comme des citoyens normaux, avec les mêmes droits fondamentaux plutôt qu’avec des besoins spécifiques. Elles ont le libre choix du lieu où elles veulent vivre, et des activités qu’elles veulent pratiquer. Leurs assistants de vie personnels les connaissent parfaitement et demandent toujours leur accord. » Et non seulement toute activité pratiquée par la personne polyhandicapée est considérée comme du travail – et rémunérée à ce titre, même si elle n’est pas productive – mais elle peut embaucher directement ses auxiliaires en fonction de ses appétences personnelles. « La qualité reconnue pour être assistant de vie est d’être “agréable à la personne” », poursuit Amaro Carbajal. « Un passionné de rock pourra donc engager un assistant musicien. Il y a une vraie culture de l’autodétermination. » Financé par les communes – et au-delà d’un certain montant par l’Etat –, le dispositif peut bénéficier aux personnes jusqu’à 39 heures par jour, en cas d’interventions conjointes de plusieurs salariés. Un procédé de démocratie directe dont le groupe d’étude veut tirer les conséquences en proposant d’impliquer les patients polyhandicapés dans le recrutement du personnel en établissement.

Au fur et à mesure que les expériences se succèdent, deux approches différentes de la prise en charge se révèlent. En Europe du Sud, les traitements de lutte contre le surhandicap ne sont pas limités s’ils ont une chance d’améliorer le confort et l’autonomie de la personne. En Europe du Nord, l’objectif est d’offrir à la personne handicapée un mode de vie similaire à celui de la population générale en limitant les interventions médicales invasives, considérées comme intrusives. Un système qui a aussi ses limites, que détaille Marie-Christine Rousseau. « Les logements sont magnifiques mais il y a peu de prise en charge, moins de prévention et d’actes médicaux. En Norvège, le système est parfait pour les personnes handicapées capables de gérer elles-mêmes leur projet de vie, pas pour les polyhandicapées. » Le personnel accompagnant, qui a une formation généraliste, ne peut répondre à certaines problématiques spécifiques. Les communes sont à la peine pour trouver les bons interlocuteurs, provoquant des inégalités territoriales à la pelle. « Pour les adultes, on est plus dans l’occupationnel que dans la volonté de les considérer comme des êtres en devenir », assène la responsable de recherche. « Quand on demande ce que ces individus deviennent, on nous dit qu’elles sont mortes avant l’âge adulte. Nous n’avons pas rencontré de sujet de plus de 20 ans. » « Chez nous, ils peuvent vivre jusqu’à 80 ans ! », s’exclame, effaré, le directeur d’un foyer d’accueil médicalisé présent dans la salle.

Claire Davalo, directrice du Centre national de ressources handicap rares à Paris, soulève un autre lièvre. « La Suède a dû rouvrir des écoles pour des élèves sourds et d’autres atteints de handicap rare. Il faut avoir des pairs avec qui communiquer, être uniquement à la maison avec des accompagnants ne suffit pas. » L’institution n’a pas encore dit son dernier mot.

Notes

(1) Voir le dernier guide méthodologique de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, ce numéro p. 10.

Focus

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur