Autre son de cloche

S’IL ÉTAIT MINISTRE DE LA SOLIDARITÉ, IL OUVRIRAIT DES LIEUX D’HÉBERGEMENT pour les personnes qui, comme lui, travaillent, mais pas suffisamment pour pouvoir payer un loyer. A 50 ans, une veste de cuir, des petites lunettes et une barbe de trois jours, Didier ressemble à un homme comme un autre. En apparence seulement car, après avoir vécu en couple pendant vingt-quatre ans et exercé la profession de boucher, depuis trois ans, il vit dans la rue, pas loin d’un grand hôtel parisien du X^e arrondissement. Il arrive le soir vers minuit pour ne pas déranger les gens et range son carton vers 6 h30, le matin. Après, il sillonne la capitale pour aller se doucher, se raser et boire un café, « pas deux », dans une association pour sans-abri. Depuis le 30 janvier, chaque mois, « Parcours », le podcast de l’association La Cloche (voir le reportage des ASH n° 3065 du 15-06-18, p. 20), produit par Ground Hotel et diffusé en partenariat avec le magazine Usbeck et Rica, apportera un autre regard sur la ville et le monde de la rue en donnant le micro à un sans-domicile fixe. Pour la première émission, c’est Didier, ex-accro aux drogues dures, qui nous fait découvrir ses coins préférés : les jardins partagés de Ménilmontant, la petite place où il vient s’asseoir sur un banc pour lire un moment, regarder les passants, discuter avec eux… Surtout, dire aux jeunes qu’« avoir son logement, c’est le principal ». Lui n’en a plus depuis qu’il est séparé, mais comme il travaille dans une boucherie quelques heures par semaine, il se paie quelques nuits d’hôtel. Pour lui, aujourd’hui, les sans-abri ne sont plus les mêmes qu’avant, il en côtoie plein qui ont des petits boulots mais qui dorment dehors ou dans leur voiture, faute de gagner assez pour s’assurer un toit. Didier n’est pas résigné, d’ailleurs, il sent qu’il va bientôt sortir de la galère. En attendant, il l’assure « on peut draguer sans argent ». Un autre regard, vraiment.