« LE NOMBRE DE CONTRATS JEUNES MAJEURS A CHUTÉ DE 6 % EN 2017 selon l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE). Dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, le gouvernement tente de contractualiser avec les départements un dispositif de prise en charge des jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance (ASE) à leur majorité. Le mot d’ordre : pas de sortie sèche !
Ainsi, une politique de lutte contre la précarité doit être mobilisée pour corriger l’abandon par les départements de leur mission de protection de l’enfance. Car il s’agit bien d’un renoncement à la mission fondamentale de suppléance parentale auprès des enfants et des adolescents qui ne peuvent pas ou plus compter sur l’aide de leurs parents. Des jeunes isolés, que la puissance publique, chargée de les élever, chasse de la maison à leurs 18 ans, au motif qu’il n’y a plus d’argent. Comment qualifierions-nous une telle attitude venant des familles ?
Le rôle des parents ne s’interrompt pas à 18 ans, le code civil prévoit une obligation alimentaire qui impose aux parents de se préoccuper du sort de leurs enfants majeurs dans le besoin. Il devrait en être de même pour les services chargés de suppléer aux défaillances parentales. D’autant plus que ce sont ces mêmes services qui auraient dû, pendant l’accueil de l’enfant dans les structures de suppléance parentale, lui garantir la satisfaction de ses besoins fondamentaux, lui permettant ainsi de se développer suffisamment pour être apte à s’insérer dans le monde adulte et à préparer son avenir. La responsabilité des départements est donc totalement engagée dans la réussite ou l’échec de son éducation.
Certains départements assument cette responsabilité et prennent en charge, parfois au-delà de 21 ans, la satisfaction des besoins fondamentaux des jeunes majeurs et les aident à construire leur avenir. D’autres se défaussent de cette responsabilité sur les derniers filets de sécurité que sont les politiques de lutte contre la précarité. Ils renvoient ainsi ces jeunes vulnérables à la rue. On doute alors de l’intérêt pour ces populations de la soi-disant richesse de la diversité des politiques locales. Car, dans ce cas, pas de lobby, pas d’intercesseurs, pas de représentants entendus pour faire comprendre leurs besoins et leurs droits au milieu de toutes les autres sollicitations locales. La politique de protection de l’enfance n’est pas devenue un enjeu de politique locale.
Les jeunes majeurs sortant de l’ASE ne sont pas des précaires par définition. Ils sont justes victimes de l’ultime abandon. Grâce à la diffusion sur France 3 du reportage Enfants placés, les sacrifiés de la République, il s’est levé en France un vent d’indignation face au sort que notre pays réserve aux plus faibles, les mineurs et les jeunes. La lumière se fait enfin sur les difficultés de placement et sur des institutions, parfois à bout de souffle, où la sécurité et le bien-être des enfants sont secondaires.
L’ASE sauve des vies, mais elle doit faire plus que cela. La France fabrique des générations d’enfants victimes plusieurs fois ; à l’instar de ces enfants victimes de violences sexuelles dans les foyers et obligés de cohabiter avec leurs agresseurs, où de ceux qui sont violentés dans leur famille d’accueil. Face à cette honte nationale, nous avons la responsabilité d’agir. Des solutions existent, qui ont souvent fait leur preuve.
Ce n’est pas une fatalité d’ajouter de la maltraitance à la maltraitance. Ce n’est pas une fatalité de fabriquer des sans-domiciles fixe (rappelons qu’un sur quatre d’entre eux est passé par l’ASE). Les chantiers évoqués ici, s’ils sont portés par un consensus, par les politiques, par les Français qui pensent souvent de bonne foi (mais à tort) que cette mission est assurée, peuvent améliorer durablement la situation de ces nombreux enfants. »
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