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Vers un changement nécessaire de paradigme

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Le congrès Age 3 et handicap organisé à Paris le 22 janvier, intitulé « De la transition démographique à la transformation de nos établissements et services », et le 11e colloque de la Fnadepa, qui s’est tenu le 23 janvier à Paris, ont montré qu’il était nécessaire de réformer l’Ehpad. Mais quelles alternatives proposer ? Quel modèle d’accompagnement et de soins mettre en place ? Comment répondre efficacement aux enjeux des prochaines décennies ? Eléments de réponse.

MODÈLE DE MAISON DE RETRAITE ÉLABORÉ DANS LES ANNÉES 1990 pour succéder à l’hospice, l’Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) est en crise, « à bout de souffle ». Le manque criant de moyens auquel il est confronté fait ressurgir la vieille image dégradante du mouroir que pouvait représenter l’hospice. Selon une enquête publiée en novembre 2017 par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), environ 728 000 personnes vivent en Ehpad en France, avec une moyenne d’âge de 85 ans. Si, à l’origine, le projet était médico-social, d’où l’insistance sur les projets de vie et d’établissement, le fort accroissement du niveau de dépendance du public accueilli (plus d’une personne sur cinq est touchée par la maladie d’Alzheimer ou apparentée, selon la CNSA) a changé la donne : désormais la médicalisation l’emporte sur l’accompagnement de la perte d’autonomie. De même, le vieillissement croissant de la population et le souhait majoritaire des personnes de vieillir à domicile ou d’y rester le plus longtemps possible induisent une évolution du public accueilli en établissement et de leurs besoins d’accompagnement.

« Le modèle même de l’Ehpad doit […] être repensé à partir des meilleures innovations et expérimentations, en vue d’offrir un service plus qualitatif, centré sur les besoins du résident et des personnels, à la fois sur le plan des soins, sur celui de l’innovation technologique et du développement des alternatives à une surmédicalisation et surmédication », indique ainsi le rapport des députées Monique Iborra (LREM) et Caroline Fiat (LFI). Publié en mars 2018, ce texte formule 31 propositions pour « sortir de l’opposition » entre l’Ehpad « lieu de soins » et l’Ehpad « lieu de vie », « sans négliger l’un au profit de l’autre ». Pour beaucoup, « l’Ehpad de demain devra être réservé à des personnes en plus grande perte d’autonomie, et il faudra construire et envisager un Ehpad plus médicalisé, qui se rapprochera davantage des unités de soins de longue durée », estime Annie Vidal, députée de Seine-Maritime et membre de la commission des affaires sociales.

« Dix ans pour modifier le modèle »

Mais, concrètement, à quoi ressemblera cet Ehpad du futur ? Quelles réponses aux besoins et attentes des personnes âgées en établissement ? Se dirige-t-on vers la fin des établissements tels que nous les connaissons actuellement ? Autant de questions auxquelles ont répondu les intervenants de deux colloques organisés les 22 et 23 janvier à Paris. « Nous avons l’impression que les Ehpad sont un modèle immuable, un modèle architectural. C’est-à-dire que, aujourd’hui, si vous avez envie de construire un Ehpad, il y a des spécialistes pour cela. Ils vous le livrent clef en main, déplore Jean-Marc Blanc, directeur de la fondation i2ml (Institut méditerranéen des métiers de la longévité). Commencer une histoire à partir d’un bâtiment pour y mettre des personnes à l’intérieur, des vieux d’un côté, des salariés de l’autre, ce n’est pas la bonne méthode. En effet, le bâtiment est fait pour durer de manière immuable. Quand vous essayez de le faire évoluer, c’est compliqué et ça coûte très cher. En revanche, les personnes qui vont y entrer, 10, 20 ou 30 ans après, je peux vous garantir qu’elles n’auront pas les mêmes attentes et les mêmes besoins. »

Selon Pierre Jeandel, directeur médical de l’Association des Foyers de province, « nous avons dix ans pour modifier [le modèle] dans la mesure où en 2030 nous aurons une population bien différente et qu’il faut anticiper cette évolution. Ce qui est certain, c’est que le modèle actuel est à bout de souffle, que le côté monolithique de l’Ehpad est un schéma qui a vécu même s’il a rendu énormément de services. » Et d’affirmer : « L’Ehpad c’est fini. Dans le futur, nous aurons une structure qui servira uniquement à accueillir la grande perte d’autonomie, pour ne pas dire uniquement les démences. » Un point de vue partagé par le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie qui, dans un rapport publié le 9 janvier, estime que, « à l’horizon 2030, la priorité pour les Ehpad […] est au renforcement de l’accompagnement leur permettant de prendre en charge dans des conditions convenables leurs résidents et de faire face à des situations de plus en plus lourdes. […] Les Ehpad vont être amenés à mobiliser plus d’aides-soignants, d’infirmiers, de spécialistes des troubles cognitifs, voire de personnels formés davantage au soin relationnel qu’au soin technique. » Benoît Calmels, délégué général de l’Unccas, ne dit pas autre chose. Selon lui, « l’Ehpad deviendra un lieu surmédicalisé, quasiment une annexe de l’hôpital. Les Ehpad ne seront plus des maisons de retraite et il ne faut plus les penser comme cela. Il s’agira pratiquement d’une forme d’établissement palliatif, dans lequel on accompagnera la personne âgée de la manière la plus digne possible. »

Pierre Jeandel nuance toutefois cette vision : « Je ne pense pas que l’Ehpad de demain va se résumer à une structure qui s’inscrira dans la très grande dépendance. Je ne le vois pas uniquement comme un retour à une unité spécialisée. Très vraisemblablement, il y a une ouverture à faire de l’Ehpad vers le domicile. L’Ehpad est sans aucun doute un lieu qui, notamment par sa capacité de maillage territorial et ses compétences, a un rôle à jouer vis-à-vis de la population âgée. Ainsi, on voit actuellement de plus en plus d’appels d’offres surfer sur des projets d’Ehapd hors les murs ou même de travail à domicile. » Présent lors du 11e colloque national de la Fnadepa, Jean-Jacques Coiplet, directeur général de l’ARS Pays-de-la-Loire, a une vision quelque peu différente. « L’Ehpad de demain c’est celui d’aujourd’hui, certifie-t-il. Celui qui est au rendez-vous des besoins, qui anticipe les attentes et qui a bien compris qu’il […] vaut mieux anticiper que subir. […] Dans ce parcours de vie qui est le nôtre, où nous aspirons très majoritairement à vivre et finir nos jours à la maison, il y a des situations (perte d’autonomie, maladie, difficulté des aidants) qui font que, parfois, on ne peut ou ne veut plus rester à la maison. On a et on aura donc encore besoin de réponses protectrices complémentaires de cette attente de la vie à domicile. »

S’inscrire dans une dynamique de territoires

Et de poursuivre : « Au fond, l’Ehpad de demain est celui qui va réussir à être une plateforme permettant d’offrir des prestations d’accompagnement et de prévention, mais aussi d’engager des réponses à domicile, de soutenir des aidants, de développer la télémédecine, de faire les ponts avec la médecine ambulatoire, le lien avec l’hôpital. Bref il est extrêmement important que l’Ehpad s’inscrive dans une dynamique de territoires, de mutualisation et de coopération. En effet, je pense que l’Ehpad d’aujourd’hui ne peut pas, ne peut plus rester seul sur son territoire. Cependant, peu importe les coopérations, les conventions, l’Ehpad doit être une des réponses. » Entre les équipes d’Ehpad à domicile, les accueils de jour, les accueils séquentiels, l’hébergement temporaire, les résidences autonomie, les résidences services seniors… il existe déjà de nombreuses alternatives à l’Ehpad sur le territoire. Une évolution nécessaire mais qui n’est, pour le moment, pas encore assez bien organisée, assez bien structurée estime Jean-Pierre Riso, le président de la Fnadepa : « Il faut mieux articuler les habitats alternatifs en évitant des concurrences néfastes à tous, les adapter à leur territoire et aux attentes des personnes, les préserver des contraintes fragilisant leur existence. Nous devons imaginer l’Ehpad de demain sans nier les réalités des Ehpad d’aujourd’hui, leur histoire, leur structuration et leur organisation. Nous devons proposer, en nous inspirant de nos succès, des évolutions de nos établissements vers une plus grande ouverture sur le domicile, les territoires et les partenaires locaux. »

Alors que Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale, doit rendre les conclusions de la concertation « grand âge et autonomie » courant février et qu’une nouvelle loi autonomie est attendue pour la fin de l’année, la place de l’Ehpad est donc au cœur des réflexions. Structures surmédicalisées ou établissements hors les murs ouvert vers le domicile, unités d’accueils ultra-spécialisées ou pôles de ressources, ce qui est certain c’est que, comme l’indique Marie-Anne Montchamp, présidente de la CNSA, « le phénomène auquel nous assistons n’est pas franco-français. C’est toujours intéressant d’aller voir ce que font les autres. Mais je ne fais pas partie de ceux qui pensent que l’on peut copier ce qu’il se fait ailleurs. Chaque pays a sa manière de voir les choses. Chacun a son histoire particulière. » Dès lors, « permettre à la personne âgée de finir sa vie chez elle veut dire que, à un moment, nous nous interrogions aussi sur notre politique du logement. Si on ne se pose pas la question des transports, de l’accessibilité des petites et moyennes villes et des villages, comment peut-on imaginer demain soutenir un modèle inclusif ? Des modèles existent. Il faut juste ne pas avoir peur, ne pas être trop conservateur, trop frileux et les généraliser. »

Pourquoi l’horizon 2030 ?

La France compte actuellement « un peu plus de 13,1 millions de personnes âgées de 65 ans et plus, soit 19,5 % de la population », selon le rapport sur le soutien à l’autonomie des personnes âgées à l’horizon 2030 de l’institution France Stratégie (rattachée au Premier ministre). Rendu public le 8 janvier, ce document précise que le nombre d’individus de 85 ans et plus augmentera « de près de 412 000 d’ici à 2030 », soit une hausse de 19 %. Selon un scénario de l’Insee, ce phénomène va même s’accélérer dans les années suivantes : les personnes d’au moins 85 ans progresseront de près de 1,4 million entre 2030 et 2040, soit + 54 %. Cette tendance ira de pair avec des situations de dépendance plus longues. Il est donc vital de trouver des alternatives à l’Ehpad avant cette date-là.

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