LA MÉTHODE DE MESURE DE L’ACTIVITÉ DE LA JUSTICE FRANÇAISE N’EST PAS BONNE. C’est, en substance, la conclusion d’un rapport de la Cour des comptes rendu public le 28 janvier, commandé par la commission des finances de l’Assemblée nationale.
Bien que les moyens financiers des juridictions progressent de façon continue depuis plusieurs années, l’impact attendu sur la performance de la justice française n’est pas au rendez-vous. Depuis 2013, l’activité juridictionnelle est quasi stable et tend même à légèrement diminuer tandis que, dans le même temps, les moyens alloués à la justice ont progressé de 9 %. « La hausse des moyens alloués aurait donc dû se traduire par un maintien voire une amélioration de la performance, note la Cour des comptes. Or tel n’est pas le cas. » Principale explication : la hausse des moyens ne s’est pas directement traduite dans les effectifs des juridictions. C’est surtout le cas pour les magistrats, dont les plafonds d’emplois sont sous-exécutés de façon récurrente. Concrètement, cela signifie qu’il y a un écart entre le nombre de postes votés par le Parlement dans la loi de finances et le nombre de postes réels sur le terrain.
Pour la Cour des comptes, ce décalage s’explique par l’inadaptation des modalités de mesure de l’activité et de répartition des moyens : « L’administration du ministère ne dispose pas de tous les outils de connaissance et de pilotage nécessaire », indique la Cour. Trop centralisé, le processus de dialogue budgétaire s’inscrit « dans un calendrier qui n’est pas compatible avec celui imposé par les arbitrages interministériels ». De plus, les outils statistiques, études d’impact et indicateurs de performance manquent de fiabilité et ne sont pas complets. Même OUTILGREF – Outil de gestion et de répartition des emplois de fonctionnaires –, qui permet d’évaluer la charge de travail des personnels de greffe, ne prend en compte ni les temps partiels, ni les congés maladie et maternité et donne, par conséquent, des résultats faussés.
Chose intéressante, l’ordre administratif s’en sort beaucoup mieux, selon la Cour des comptes. En particulier parce que la construction du budget des juridictions administratives se fait de manière indépendante. En effet, c’est le vice-président du Conseil d’Etat qui est responsable du programme budgétaire de ses juridictions. Mais c’est justement parce que le suivi de l’activité de ces juridictions est efficace que son autonomie devient possible. C’est en prenant notamment exemple sur son cousin administratif que la Cour des comptes recommande, notamment, à la juridiction judiciaire d’améliorer la qualité des données d’activité des juridictions et de rénover le dialogue de gestion.
Au total, la Cour des comptes formule neuf recommandations au ministère de la Justice. D’abord, la chancellerie doit « améliorer la qualité des données d’activité des juridictions et mieux les utiliser ». La Cour a en effet constaté une trop grande disparité des méthodes de saisie des statistiques entre les différentes juridictions. Elle appelle à un pilotage national pour les rendre plus homogènes et à un accroissement des compétences en matière de traitement des données. Pas sûr, cependant, que le monde judicaire adhère à cette vision purement comptable des effectifs.