DANS UN RÉFÉRÉ ADRESSÉ LE 21 JANVIER AU PREMIER MINISTRE, la Cour des comptes relève les « fragilités » des services en charge de la politique du logement dans les départements. La pression mise sur les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS), responsables de l’attribution des logements sociaux, est épinglée. Les dossiers en retard s’accumulent. « Dans le Rhône, la commission d’instruction du droit au logement opposable [Dalo] affichait en 2016 un retard de traitement tel, qu’un requérant sur deux attendait encore la décision de la commission à l’expiration du délai prévu par la loi », mentionne le référé.
Face à cette charge de travail, « plusieurs DDCS ont choisi d’externaliser leurs missions ». Dans le Nord, la direction départementale interministérielle des territoires et de la mer (DDTM) prend en charge les dossiers d’attribution à la place de la DDCS. En Ile-de-France, dans sept départements sur huit, ces tâches sont sous-traitées à une société privée. Comme l’a indiqué le quotidien Le Monde, il s’agit de Docapost, filiale du groupe La Poste. Suite à un appel d’offres en 2014, « la société Docapost a pris la suite de l’Agence nationale pour l’information sur le logement », confirme la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (Drihl). Dans le rapport 2018 de la commission de médiation de Paris, la présidente Béatrice Marre remercie les « salariés de la société Docapost, entreprise titulaire du marché d’instruction des dossiers Dalo et Daho » : sont donc concernés les dossiers relevant du droit au logement opposable, mais aussi du droit à l’hébergement opposable (Daho). A la clé, pour Docapost : un contrat de 1 million d’euros par an. La même sous-traitance a été mise en place dans les Bouches-du-Rhône.
L’entreprise reçoit les dossiers des requérants, les enregistre sur la base de données ministérielles, puis les confie à ses « équipes locales de juristes » qui soutiennent leurs décisions devant les commissions de médiation. Sur les 96 000 demandes DALO de l’Ile-de-France en 2015, l’entreprise se félicite d’en avoir traité « plus de la moitié ». Reste que, d’après la mission d’évaluation en 2016 de Marie-Arlette Carlotti, présidente du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées et du comité de suivi de la loi « Dalo » du 5 mars 2007, les services prestataires ont une posture ambiguë. Censés répondre aux ordres de la commission de médiation, ils sont « dépendants financièrement de l’Etat ». Un lien qui peut dès lors « favoriser des dérives et permettre la diffusion d’instructions sur la manière de traiter les recours » – à la baisse, le plus souvent.
Dans son référé, la Cour des comptes regrette le « trop peu de contrôle du respect des conventions d’aide personnalisée au logement (APL) passées avec les bailleurs sociaux ou du respect des conventions de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) conclues avec les bailleurs particuliers ». Une fonction laissée de côté à cause de la charge de travail, alors qu’elle est « indispensable pour garantir l’accessibilité sociale du parc existant ».
La Cour des comptes critique, enfin, le cloisonnement entre les DDCS, les DDTM et les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal). Une recommandation en découle : réunir la gestion de l’offre et de la demande au sein du même service départemental interministériel, pour un « interlocuteur unique » auprès des acteurs locaux. Ce qui reviendrait à s’inspirer du modèle de l’Ile-de-France, qui a fusionné les compétences de la DDTM et de la DDCS au sein de la Drihl, mais également de celui des métropoles lyonnaise et niçoise dotées de services mutualisés. Le Premier ministre Edouard Philippe a souligné en réponse qu’« un rapprochement des compétences en matière de solidarité et de fonctions sociales du logement avec les compétences d’insertion vers l’emploi est à l’étude actuellement ».