CE N’EST CERTES PAS UNE OPÉRATION DE MASSE mais elle a le mérite d’afficher des résultats flatteurs. Et rien que pour ça, l’opération Job Academy, conduite à Nantes auprès d’allocataires du revenu de solidarité active (RSA), constitue une démarche d’insertion exemplaire. Pendant neuf mois, d’avril 2018 à janvier 2019, la Fondation agir contre l’exclusion (Face) de Loire-Atlantique et le conseil départemental ont accompagné 12 habitants de l’agglomération nantaise plus ou moins éloignés de l’emploi. Bilan : huit d’entre elles sont en formation ou en emploi à ce jour, trois sont en attente du démarrage d’un contrat de professionnalisation et le dernier doit signer un CDI lundi 4 février. Agente d’accueil, conductrice de bus, comptable ou encore préparateur de commandes : les postes sont aussi variés que les profils des candidats dont les qualifications vont du CAP/BEP à bac + 5.
Habituée à accompagner des seniors, des jeunes ou des personnes handicapées, c’est seulement la deuxième fois que la Face propose, à Nantes, cette Job Academy à des allocataires du RSA. La recette ? Un lien fort avec le monde de l’entreprise grâce à un réseau de quelque 450 sociétés. En parallèle de leur suivi avec les conseillers des unités emploi(1), les « jobeurs » ont chacun été accompagnés par un parrain bénévole, salariés d’un bailleur social, d’un cabinet d’avocats ou d’une banque. « On a beaucoup échangé sur des questions d’ordre professionnel mais aussi personnel, détaille François, 42 ans. Mon parrain m’a par exemple donné des conseils sur ma tenue vestimentaire. » Une relation forcément différente d’avec les professionnels de l’insertion. « La crédibilité, elle est là, dans le monde de l’entreprise, abonde Mireille Blain, conseillère unité emploi. On sent l’estime qu’ont les candidats envers les parrains. »
Un accompagnement sur-mesure qui s’inscrit aussi dans une dimension collective. La notion de promotion est au cœur de la démarche. « Ils sont tous demandeurs d’emploi. Et les difficultés comme les espoirs des uns sont aussi ceux des autres », estime Louis Savary, vice-président de la Face 44. Kaba Sitan, une jobeuse d’origine guinéenne, a fait cette expérience du collectif : « J’ai un diplôme dans les ressources humaines, non validé en France et j’avais du mal à savoir ce que je voulais faire. Le groupe m’a beaucoup aidée. » Aujourd’hui, elle s’est découvert une appétence pour l’accompagnement d’enfants défavorisés, et s’est même vue suggérer de devenir éducatrice. Surtout, elle a appris à vaincre sa timidité pour convaincre l’association de l’embaucher. Car c’est un élément clé du suivi : pendant les trois premiers mois, une vingtaine d’ateliers ont été dispensés, par des coachs bénévoles. Au programme : outils pour rechercher un emploi et s’organiser et surtout méthodes de développement personnel. Lever les freins à l’emploi commence, bien souvent, par améliorer la confiance et l’estime de soi, ou par apprendre à gérer le stress. Une caractéristique partagée chez la plupart de ces jobeurs, désormais sur le chemin de l’emploi.
« Au RSA depuis deux ans, j’avais monté une auto-entreprise qui ne se développait pas. A la Job Academy j’ai pu améliorer mon image, ma présentation physique, poser sa voix, avec un objectif : travailler dans le secteur funéraire comme conseiller ou maître de cérémonie. Suivi par ma conseillère et un parrain salarié d’Harmonie Habitat, j’ai commencé les premiers ateliers en mars, participé à des forums d’entreprises, déposé des CV. Grâce à ce travail, très varié, j’ai obtenu mon premier CDD en septembre dans des pompes funèbres. J’ai été porteur, j’ai fait la toilette des défunts et monté les pierres tombales. Et ce qui devait se transformer en CDI est malheureusement devenu un prolongement de CDD d’un mois. J’ai été scié, je ne voyais pas une suite défavorable. Je me suis ensuite orienté vers l’aide à la personne, avec un premier contrat à l’Adar. Et je signe le 4 février un CDI chez ADT en tant qu’agent de services à la personne. »
Propos recueillis par D.P.
(1) Dispositif propre à Loire-Atlantique, qui prend en charge au même titre que Pôle emploi, certains allocataires du RSA.