ll n’existe pas de nomenclature stabilisée permettant des recueils homogènes sur le territoire. A cela s’ajoute un problème d’expression : certaines personnes sont victimes sans en être conscientes, ou n’ont pas la capacité de se plaindre. D’autres redoutent une rétorsion. On est dans la racine du phénomène : pour s’exprimer, il doit rencontrer une écoute. La première maltraitance, c’est lorsque le vécu ne peut pas s’exprimer. Un établissement où les événements indésirables se disent n’est pas le plus maltraitant !
Il faut soutenir l’expression de la plainte, et garantir que les acteurs seront coordonnés et réactifs pour en tirer les conséquences. Beaucoup de personnes sont susceptibles d’être à l’écoute : les acteurs « traditionnels » – les professionnels, les autorités publiques – mais aussi ceux que nous appelons les « intermédiaires de confiance ». Autrement dit, les dispositifs bénévoles qui existent (aide aux victimes, 3 977, personnes qualifiées), mais sans accompagnement, sans lien, peu valorisés par les autorités. Il faut des méthodes de travail, du lien, pour garantir une écoute accessible.
Ce sont moins des lacunes que des incohérences. Par exemple, le code du tourisme permet de prévenir la participation, à des vacances accompagnées pour adultes handicapés, d’accompagnateurs s’étant montrés maltraitants. Mais il n’y a pas de dispositif analogue pour les accueils de loisir d’enfants handicapés. Même si le phénomène n’est pas forcément massif, autant combler cette lacune. Autre problème, les condamnations pénales pour des actes maltraitants ne sont pas toujours inscrites au bulletin n° 3 du casier judiciaire.
La démarche qualité concourt à la bientraitance, puisque la qualité fait partie de l’éthique professionnelle, mais ne suffit pas à l’assurer. Car une qualité sans recul, une application aveugle de normes de restauration ou de blanchisserie, peut aboutir à des comportements qui bride la liberté. La démarche qualité ne doit pas avoir pour seul but le respect de normes.
En recueillant, au besoin, l’avis des gens autrement. L’expression du ressenti fait partie de la bientraitance. Aujourd’hui, il n’y a pas d’indicateurs sur ces sujets, ni les moyens d’en tirer des conséquences financières. Ainsi, dans le champ des Ehpad, les tarifs reposent seulement sur le degré de dépendance. Or un établissement qui veut rendre possibles certaines activités en les sécurisant, au lieu d’assurer la sécurité en les interdisant, peut avoir besoin de personnel supplémentaire. Avoir pour objectif d’être à l’écoute des rythmes des résidents répond à un droit fondamental dont les dotations ne tiennent pas compte.
C’est un facteur de la qualité de vie au travail, qui est elle-même facteur de bientraitance. Mais celle-ci ne dépendra pas exclusivement du taux d’encadrement. Si le management ou l’organisation du travail ne sont pas à la hauteur, cela peut déboucher sur de la maltraitance. L’enjeu est de donner le temps qu’il faut à la relation et d’y mettre des moyens. Mais en comprenant que, pour donner du temps, au bon moment, avec l’attitude adaptée, un bon taux d’encadrement ne suffit pas.