EN APPARENCE, ÉMELINE EST UNE ADOLESCENTE COMME LES AUTRES. En réalité, non. A partir de l’âge de 4 ans, elle a commencé à être violée par son grand-père. Celui-ci purge actuellement une peine de prison de huit ans. A la barre du tribunal, il lui a demandé pardon. « J’en veux pas de tes excuses, tu peux te les garder, c’est de la poussière à côté de moi, c’est rien… », lui a-t-elle répondu. Selon les chiffres de l’Association internationale des victimes d’inceste, 4 millions de personnes en France – dont deux enfants par classe… – seraient concernés par ce sujet qui touche tous les milieux sociaux, et que la réalisatrice Audrey Gloaguen qualifie dans son enquête de « tabou ». Pour preuve, seule une victime sur dix ose briser le silence et porter plainte contre le parent qui l’a abusée. C’est le cas de Lili et sa maman Mahé, de Céline, de Christelle, d’Emeline… Mais bien que l’inceste ait fait son apparition dans le code pénal en 2016, elles ignoraient, en s’adressant à la justice, qu’elles s’engageaient dans un parcours du combattant. Les chiffres sont là pour en témoigner : deux agresseurs sexuels sur trois contestent les faits et seulement 2 % des victimes d’inceste obtiennent réparation par une condamnation. La plainte de Céline, violée par son père de 4 à 7 ans, a été classée sans suite faute de preuves, comme 80 % des poursuites judiciaires pour inceste. « J’avais l’impression que c’est moi que l’on jugeait, c’était la parole de mon père contre la mienne. Il a dit que tout était le fruit de mon imagination, des mes fantasmes, ça fait très mal », lâche Céline, qui a mis trente ans avant de témoigner au grand jour et a dû passer cent fois devant la gendarmerie nationale avant d’en pousser la porte. Après trois ans de procédure, l’histoire de Lili, à qui un membre de la famille demandait de jouer « à la piqûre de moustique », passera au tribunal dans quelques mois. Il faut encore plus de courage aux enfants pour parler, mais c’est une étape cruciale pour leur reconstruction. Pour leur sauver la vie.
« Inceste, que justice soit faite » – Audrey Gloaguen – Sur France 5, mardi 5 février, à 20 h 50 – Le documentaire sera suivi d’un débat.