LE MOT EST DEVENU SI FAMILIER QUE CHACUN, AU MOINDRE TROU DE MÉMOIRE, a peur de devenir « Alzheimer ». Et si cette maladie n’existait pas vraiment ? Et si elle n’était qu’une conséquence naturelle du vieillissement ? Alors que les chiffres annoncés font frémir (850 000 personnes de plus de 65 ans seraient atteintes par cette pathologie en France, et 25 000 nouveaux cas seraient diagnostiqués chaque année), ces questions peuvent surprendre. Pourtant, selon le professeur Olivier Saint-Jean, qui dirige le service de gériatrie de l’hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris, la maladie d’Alzheimer ne serait rien d’autre qu’un déclin cognitif lié à l’âge. Une démence sénile qui ne veut plus dire son nom mais qui fait bel et bien partie de la vie. Le médecin a fondé sa thèse – laquelle, on s’en doute, divise la communauté médicale – entre 2007 et 2017, lorsqu’il assistait aux réunions sur les médicaments censés freiner la progression des troubles. « Comment pouvait-on défendre des médicaments au point de les rembourser, alors que l’on savait qu’ils ne servaient à rien ? », écrit-il. C’était sans compter sur la force de frappe des laboratoires pharmaceutiques, la puissance des lobbies, la pression des médias et des familles… car « une maladie sans médicaments n’a pas d’avenir ». Mises au point à partir des années 1980, ces molécules sont déremboursées depuis 2018 en raison de leur manque d’efficacité et des risques d’effets secondaires graves qu’elles peuvent entraîner. Querelles d’experts ? Pas vraiment. Sans nier la réalité des symptômes, si la maladie d’Alzheimer est une construction sociale, comme le démontre l’auteur (en rappelant au passage qu’elle ne doit sa validation scientifique qu’à partir de cinq cas brièvement décrits par le docteur Alois Alzheimer au début du XXe siècle), perdre la mémoire avec l’âge redeviendra un processus « normal » et cessera peut-être d’effrayer. La vieillesse ne sera plus considérée comme une maladie. Et on reparlera des « vieux », mot aujourd’hui rayé du vocabulaire car non politiquement correct.
« Alzheimer, le grand leurre » – Pr Olivier Saint-Jean et EricFavereau – Ed. Michalon, 17 €.