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Personnes âgées : une convention internationale de protection ?

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Connu pour avoir dénoncé les violences faites aux personnes âgées, Alain Koskas plaide pour la mise en place d’instances dédiées à la protection des seniors.

« Comment passer de la défectologie à la capabilité, à une approche capacitaire de toutes les situations humaines, y compris celles de la vulnérabilité ? Telle est la stratégie proposée par la Fiapa (Fédération internationale des associations de personnes âgées) auprès des nations et de leurs représentations au sein de l’Organisation des Nations unies, au Conseil de l’Europe, à l’Unesco.

Aujourd’hui, nous avons l’impression, malgré toutes les bonnes volontés exprimées, que les choses se répètent dans une sorte de mouvement perpétuel d’horlogerie, de mesure du temps qui prolonge à l’infini les hypothèses déficitaires de l’âge et du vieillissement. Malgré la volonté qui se dessine, notamment autour des concertations vers la loi “grand âge et autonomie”, apparaissent toujours des prises de position qui nous semblent à nouveau refléter une sorte de sidération générale devant les expressions multiples de l’âgisme ; les diagnostics et constats semblent malgré tout partagés sur la nécessité urgente et absolue de changer de paradigme.

Est-ce l’absence de filtres permettant de progresser vers une dimension humaniste, fondée à la fois sur la diversité des personnes et s’appuyant clairement sur le respect de la dignité et des droits fondamentaux ?

Alors que la meilleure volonté existe, on entend à nouveau poser les mêmes questions… Faut-il une Convention internationale spécifique des droits des personnes âgées ? Faut-il que cette convention soit plutôt une convention d’accès au droit ? Faut-il s’inspirer de la convention qui existe déjà et qui concerne les personnes en situation de handicap ? Comment faire pour lutter contre l’âgisme ? Pourquoi les aînés comme leurs aidants familiaux et professionnels subissent et semblent accepter une forme aiguë de déclassement sociétal ? Pourquoi taisent-ils leur souffrance avec honte et pudeur ? Pourquoi subissent-ils en silence au quotidien des situations d’emprise, voire de violences installées et commises en famille, en prédation individuelle ou collective, ou encore en maltraitances institutionnelles ? Comment redonner sens aux métiers du domicile ?

Nous connaissons nombre de réponses. Les études et enquêtes sur leurs attentes, leurs besoins et leurs envies alimentent maintenant l’évidente nécessité de changement des mentalités et de leur expression. Les analyses économiques définissent avec finesse les seuils de participation financière publique en deçà desquels il ne saurait être question de véritable respect de l’avancée en âge ni d’un soutien réel ni, a fortiori, d’accompagnement en cas de vulnérabilité passagère ou chronique. Certes, mais comment faire en sorte, alors que l’on connaît les différents éléments du défi, de construire et d’apporter les réponses adaptées ? Comment bâtir un socle sociétal inspiré à la fois de stratégies interministérielles et de vraies démarches paritaires de coconstruction des décisions et de leur mise en application ?

Le besoin d’un regard transversal

Un regard transversal s’impose et, comme le dit Madelaine Luchini, nommée “ministre des Personnes âgées” par le collectif normand Vieux, debout ! : “Ça suffit ! Brisons le silence !” Les différentes conditions d’un changement de paradigme existent et font encore aujourd’hui l’objet de concertations multiples des partenaires sociaux, de la recherche psychosociale et médicale, des partenaires des autres sciences et, plus largement, de l’ensemble des corps institutionnels autour de la question de l’âge, avec toujours le même débat consensuel. Qu’est-ce que l’âge aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’une personne âgée ? A partir de quand devient-on âgé ? De quel âge s’agit-il ? Doit-on encore parler d’âge et, sinon, quel autre concept y substituer ? Questions complexes et sensibles, car des réponses apportées dépendra l’avenir sociétal des relations entre les territoires, les générations et celles de la relation au travail et à l’éducation tout au long de la vie.

Alors que manque-t-il pour avancer véritablement vers la formalisation de l’exigence de respect et de dignité qui émerge aujourd’hui de tous les corps sociaux ? Manifestement, la Charte sociale européenne ne peut débloquer les consciences et les appréhensions, et le Comité directeur pour les droits de l’Homme porte toujours, au nom de la défense des aînés, un discours militant en faveur de recommandations contraignantes, mais tellement teinté d’âgisme, confondant allègrement avancée en âge et déficits en tous genres.

Je redis qu’il y a là un élément essentiel qui n’est pas suffisamment exploré, celui de la citoyenneté et des droits fondamentaux, celui de l’équité et de la justice, une quête essentielle peu ou mal conduite qui pourrait pourtant nous réunir. Comment organiser aujourd’hui cette démarche sur tous les territoires, observatoire actif d’actions cousues main de promotion et de protection non privative de libertés ?

Depuis des mois, les professionnels et les familles comme les usagers appellent à la mise en place d’une instance spécifique décisionnaire relative aux “âgés” comme elle l’a été en accompagnement des publics en situation de handicap. Depuis des mois aussi, la convergence entre les deux publics s’affirme et la barrière d’âge perd son sens. A quand l’abandon de cet artifice qui bloque nombre d’initiatives ?

Compenser des faiblesses territoriales

Notre cartésianisme nous empêche aussi de reconnaître qu’à territoires différents, réponses différentes, et qu’une compensation juste et équitable de certaines faiblesses territoriales passe par une injection de moyens supplémentaires, la création d’outils spécifiques, de nouvelles formes de lien social, de nouvelles vigilances à bâtir. Oui, il faut regarder les besoins spécifiques de l’avancée en âge partout sur le territoire métropolitain, comme dans les DOM et les TOM, en s’inspirant des diagnostics de Monalisa (Mobilisation nationale contre l’isolement social des âgés), initiant notamment des réponses nouvelles, adaptées, justes et surtout efficaces de lien social.

C’est aussi cela, le respect des différences. Jusqu’à quand allons-nous encore envisager avec désespoir la situation des personnes âgées en perte d’autonomie, des personnes âgées vulnérables, sans parler de leur expression citoyenne, même si la loi d’adaptation de la société au vieillissement a commencé à semer autour de la notion de “consentement” ?

Heureusement, le changement de terminologie est en marche. Laborieusement, certes, mais tout de même, par exemple, le terrible concept de “dépendance” laisse peu à peu sa place au “besoin de soutien”. Le reste suit, même si cela n’est pas simple.

Grâce aux travaux conduits aujourd’hui par les différents cénacles qui réfléchissent et enquêtent sans tabou, de façon sérieuse et bien documentée, comment faire pour qu’on ne répète pas encore les débats anciens face à la complexité avérée des enjeux de société ?

Écouter les attentes de chacun

Il s’agit tout simplement de promouvoir la citoyenneté, telle qu’elle est définie par le respect des droits fondamentaux. Et respecter la citoyenneté signifie d’abord écouter les attentes, les besoins et les envies de chacun, avant de traduire, en termes de prise en compte participative, ces expressions.

Il s’agit en effet de concevoir et d’accepter un nouveau contrat social qui va sans doute bouleverser la donne, qui va dans un premier temps (et seulement dans un premier temps, car les retours sur cet investissement ne seront pas longs à se faire sentir) mobiliser d’importantes ressources. Le coût principal sera beaucoup de renoncements à des attitudes et des pratiques datées et à des peurs et des comportements bien enracinés. Cela va changer les stratégies d’évaluation médico-psychosociale. Cela consistera à abandonner enfin les seuls filtres à l’esprit clairement déficitaire des capacités des “âgés”, mais aussi à évaluer et à adapter constamment l’action publique dédiée au respect et à l’équité.

Faisons confiance aux contributions exigeantes qui ont alimenté ces derniers mois les débats publics, faisons confiance aux idées et aux suggestions qui jailliront des consultations annoncées sur l’ensemble des départements. Le grand chantier semble ouvert, souhaitons-lui force et vigueur, soyons présents et vigilants pour favoriser l’émergence de sa créativité et des suites qui lui seront réservées. »

Contact : kalain2892@gmail.com

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