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La liberté d’aller et de venir dans les essms

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COMMENT CONCILIER D’ÉVENTUELLES RESTRICTIONS À LA LIBERTÉ D’ALLER ET DE VENIR en établissement social et médico-social et le droit à la vie privée de la personne accueillie ? Des outils comme le livret d’accueil, le règlement de fonctionnement et le contrat de séjour permettent d’organiser le quotidien et d’assurer des règles de vie en collectivité.

LA LIBERTÉ D’ALLER ET DE VENIR EST QUALIFIÉE JURIDIQUEMENT DE LIBERTÉ FONDAMENTALE(1), ce qui lui confère une protection renforcée sur le plan juridique. Elle prend, au surplus, une dimension particulière pour les personnes vulnérables et dépendantes des établissements ou des services sociaux ou médico-sociaux (ESSMS), car il pourrait sembler évident que leur « fragilisation » doive entraîner des mesures de protection pour leur propre sécurité au détriment de leurs déplacements ; or, en réalité, un tel raisonnement peut être une source de maltraitances.

L’exercice des droits et libertés individuels est garanti à tout individu pris en charge par des établissements et services sociaux ou médico-sociaux (code de l’action sociale et des familles [CASF], art. L. 311-3). La volonté du législateur en la matière est de protéger les usagers car la dépendance ne doit pas signifier une aliénation des actions et, par là même, de l’autonomie. Il y a même, expressément, une énumération hiérarchisée des domaines qui doivent être respectés (CASF, art. L. 311-3) : la dignité, l’intégrité, la vie privée, l’intimité, la sécurité, le droit à aller et venir librement, le choix de la prise en charge, la recherche du développement, de l’autonomie et de l’insertion, la confidentialité, l’information sur les aspects juridiques et sur la prise en charge et la participation à l’élaboration du projet d’accueil et d’accompagnement.

La liberté d’aller et de venir y figure juste après la sécurité. Cette « hiérarchie » n’est pas anodine car la difficulté pratique est là : articuler un droit individuel dans un rapport nécessairement collectif pour des citoyens qui ont besoin plus que les autres d’une protection particulière liée à l’âge et/ou à l’handicap.

Si certains éléments de premier rang (dignité, intégrité, vie privée, intimité, sécurité et liberté d’aller et de venir) prévalent sur d’autres, en cas de conflit ils doivent néanmoins se concilier entre eux, et pour cela, ce sera nécessairement au détriment de l’un ou de l’autre (ex. : sécurité/liberté) (décision du Conseil constitutionnel n° 94-352 DC du 18 janvier 1995 « loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité » ; CASF, art. L. 311-9).

Il convient de préciser que si législateur a récemment inséré la libre circulation dans cette énumération(1), c’est pour qu’elle ne soit pas systématiquement mise en échec par d’autres impératifs. Certes, des dispositions législatives existaient déjà en ce sens (confortées par la jurisprudence), mais il est apparu nécessaire pour les pouvoirs publics de la réaffirmer en posant un cadre déontologique pour les différents acteurs pour mettre fin à certaines dérives motivées par de nombreuses considérations (financières, manque d’éthique…).

Il y a donc eu une prise de conscience que, dans certains cas, au nom d’une bienveillance face à une personne vulnérable ou d’une protection sécuritaire, les contraintes imposées (soins, organisations d’une vie en collectivité…) apparaissent comme non respectueuses du consentement ou de la volonté de l’usager. Il est parfois invoqué la réalisation des soins, ce qui est paradoxal puisque toute personne (capable de discernement et informée des conséquences de ses choix) peut librement refuser les actes médicaux, sauf dans certains cas particuliers prévus par la législation (notamment pour les situations d’urgence) (code civil [C. civ.], art. 16-3 ; code de la santé publique [CSP], art. L. 1111-4, R. 4127-35 et R. 4127-36).

Dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux, la garantie des libertés, y compris celle de circuler, connaît différents outils communicationnels qui sont des mécanismes censés permettre la protection effective des usagers(2) : le livret d’accueil, ses annexes, et le contrat de séjour, dont l’importance ne doit pas être sous-estimée en raison de sa nature qui est essentiellement contractuelle.

Le livret d’accueil est remis à la personne ou à son représentant légal lors de l’admission de l’usager (CASF, art. L. 311-4). Il a été créé pour garantir l’exercice effectif des droits des résidents en évitant l’écueil d’être standardisé, ce qui laisse à l’équipe de direction et aux professionnels intervenant la possibilité de l’adapter à la structure et au public concerné.

Doivent être joints à ce document, notamment (CASF, art. D. 311-39), la charte des droits et libertés de la personne accueillie(3) et le règlement de fonctionnement qui doivent être également affichés dans l’établissement ou le service (CASF, art. R. 311-34).

Cependant, en pratique, la liberté d’aller et de venir dans les structures médico-sociales n’est effective que dans les limites de la sphère liée au collectif ; en outre, cette application est aussi biaisée par le contrat de séjour (et ses annexes donc), souvent standardisé alors qu’il devrait être adapté et individualisé au profit des personnes.

I. La liberté d’aller et de venir : un droit individuel aménagé pour la vie collective

Le cadre de cette liberté personnelle apparaît comme insuffisant car ses aspects concrets ne sont pas suffisamment garantis, et ce pour diverses raisons.

A. Le consentement de l’usager aux limitations de la liberté d’aller et de venir

Le consentement (libre et éclairé) du résident pris en charge devrait être au cœur des préoccupations des différents acteurs du social et du médico-social puisqu’il est établi que sa volonté doit être systématiquement recherchée, tout au moins lorsqu’il est apte à s’exprimer et à collaborer à la décision. En tout état de cause, cette capacité et la possibilité de se rendre à l’extérieur pour exercer ses droits (pratiques religieuses, vote…) lui permettent aussi de conserver sa dignité, même si cela n’est pas toujours explicitement consacré par les textes (Charte, art. 9 à 12). Bien entendu, en cas de difficulté, les « aidants juridiques »(4), le représentant légal, s’il y a une sauvegarde de justice, ou la personne de confiance seront sollicités (CASF, art. D. 311-0-4 et annexe 4-10, créée par le décret n° 2016-1395 du 18 octobre 2016). Le but de cette prise en compte est un accompagnement individualisé de qualité favorisant le développement, l’autonomie et l’insertion des usagers (Charte, art. 2).

1. Droit à l’information

Il convient de préciser que le droit à l’information a son utilité pour le consentement (CASF, art. L. 311-3 et Charte, art. 3 et 4). En principe, tout résident doit connaître de manière claire, compréhensible et adaptée à sa situation personnelle l’organisation et le fonctionnement de l’établissement (ce qui lui permettra de déterminer quand et comment il lui est possible de se déplacer) et les associations d’usagers œuvrant dans le domaine, de manière à accepter ou refuser son environnement (d’où l’intérêt de savoir également quelles sont les voies de recours disponibles). Des éléments sont également posés pour protéger la personne : confidentialité et accès aux données la concernant, notamment pour la protection de ses droits fondamentaux dont la liberté d’aller et de venir (CASF, art. L. 311-3 et Charte, art. 7).

2. Libre circulation

Le principe de pouvoir circuler librement ne doit pas être oublié de la direction et du personnel des structures pour garantir aux personnes leur autonomie (Charte, art. 8). Cette finalité doit cependant être adaptée à leur âge et à leurs besoins, ce qui renvoie nécessairement à une limitation, au nom de leur propre sécurité (CASF, art. L. 311-3 et L. 311-10 ; Charte, art. 7), par la réalisation de la prise en charge ou de l’accompagnement (Charte, art. 8).

Le moyen de remédier à des dérives éventuelles est censé être la contractualisation des rapports dans les prestations offertes dans le cadre d’un service à son domicile comme lors d’une admission au sein d’un établissement spécialisé. Or, bien souvent, la personne ne consent pas à sa situation ni à son accompagnement, elle le subit, sans perspective réelle d’évolution, et, en fin de compte, les relations avec la société et l’extérieur sont plus favorisées que préservées (Charte, art. 4).

De même, restent problématiques les hypothèses de situations intermédiaires (susceptibles en outre de variations), celles où la manifestation de la volonté n’est pas si claire et si déterminée, la notion même de personnes vulnérables étant diversifiée (déficiences sensorielles, trouble du discernement et/ou moral)(1). En effet, si des mécanismes procéduraux sont prévus pour les personnes juridiquement protégées (conseil de famille…) (C. civ., art. 458 et 459), les solutions demeurent complexes pour celles qui se trouvent simplement en perte d’autonomie dont l’état est (encore) insusceptible d’ouvrir une mesure de sauvegarde de justice(2). Le consentement sera souvent alors au mieux « assisté », au pire suppléé, voire « résigné ».

3. Comité éthique et projet d’établissement ou de service

Le seul remède semble consisiter en la mise en place d’un comité éthique (parfois appelé « comité de pilotage ») permettant une réflexion collégiale et une aide à la décision individuelle face aux particularités des personnes quand bien même certains dispositifs existeraient déjà.

Il est donc nécessaire que l’établissement ait une politique éthique de la prise en compte de la liberté d’aller et de venir des résidents.

Pour que celle-ci se retrouve dans les différents documents (contrat de séjour et annexes, règlement de fonctionnement), il est nécessaire que le projet d’établissement ou de service (PE-PS), qui encadre les activités, soit aménagé dans une perspective d’évolution positive permanente des pratiques professionnelles afin de promouvoir la bientraitance des usagers et d’éviter une routine maltraitante. Cette « conduite du changement » doit permettre un positionnement institutionnel interdisciplinaire en vue de donner des repères aux pratiques professionnelles tout en étant en interaction avec les rapports d’activité, dans une perspective dynamique : la difficulté étant l’épuisement pour les professionnels par une remise en cause continuelle.

En tout état de cause, le PE-PS doit définir des objectifs, notamment en matière de coordination, de coopération des activités et de la qualité des prestations, ainsi que les modalités d’organisation et de fonctionnement (CASF, art. L. 311-8). Il doit être revu tous les 5 ans, après consultation du conseil de la vie sociale (CVS), ou, le cas échéant, après mise en œuvre d’une autre forme de participation des usagers.

Il peut y être ainsi inscrit l’ouverture permanente de la structure sur l’environnement (sorties individuelles des personnes en capacité de le faire sans autorisation préalable), parfois en utilisant les ressources territoriales (accès du parc d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes [Ehpad] aux habitants du quartier, participation aux animations locales), des nouveaux modes d’encadrement (groupes de travail, souplesse d’organisation…), une participation des usagers et des familles renforcée (enquêtes, questionnaires, entretiens), des formations qualifiantes pour le personnel (pour pratiquer tout en préservant la liberté d’aller et de venir), une coopération extérieure développée (stagiaires) mais aussi contrôlée (cahier des charges précis, détermination des besoins). Il en ressortira ainsi une dynamique générale avec des axes privilégiés et des valeurs dont l’enjeu est une meilleure connaissance du public accueilli et de son entourage pour répondre à des attentes in concreto qui peuvent varier selon les structures (nombre de résidents, handicap…). Dans une perspective idéale, le PE-PS devrait permettre le choix de l’établissement d’accueil.

Ce document peut donc permettre des rééquilibrages entre des principes en tension (liberté/sécurité, protection/autonomie), en mobilisant et en croisant les différentes compétences des professionnels qui interviennent, avec un suivi régulier et des réunions, de manière à ce que la révision quinquennale ne soit que l’aboutissement logique d’une réflexion commune continue : il s’agit ainsi d’anticiper les difficultés en appréciant les actions et les moyens mis en œuvre ainsi que les objectifs et les obstacles. Ici aussi, il est recommandé la mise en place d’un comité de pilotage.

B. Le règlement de fonctionnement

Le règlement de fonctionnement, qui doit être également revu au maximum tous les 5 ans, définit concrètement les droits de la personne accueillie et les obligations et devoirs nécessaires au respect des règles de la vie collective au sein du service ou de l’établissement et en cas de déplacements ou de transferts à l’extérieur (CASF, art. L. 311-7 et R. 311-37).

Il s’agit d’organiser et de préciser le quotidien (CASF, art. R. 311-37) : l’affectation à usage collectif ou privé des locaux et bâtiments, ainsi que les conditions générales de leur accès et de leur utilisation pour permettre la circulation des usagers dans le respect de tous ainsi que les modalités d’association de la famille à la vie de l’établissement ou du service (CASF, art. R. 311-35 ; Charte, art. 6 et 9). Seront ainsi fixés (CASF, art. R. 311-37) :

• les rythmes collectifs (accès aux parties communes) ;

• le comportement à l’égard des autres personnes (accueillies, prises en charge, membres du personnel) ;

• le respect des biens et des équipements collectifs et les prescriptions d’hygiène nécessaires.

Seront également précisées les conditions d’organisation des prestations éventuelles à l’intérieur ou hors de la structure et des transports sur un plan matériel (CASF, art. R. 311-36).

Il est recommandé déontologiquement que les restrictions à la liberté d’aller et de venir soient codifiées dans le règlement de fonctionnement en évitant l’écueil d’avancer automatiquement des motifs liés à la sécurité préventive. Et ce, même si une prise en charge optimale du résident peut paraître tranquillisante, pour la famille comme pour le personnel (qu’il soit médical ou non) intervenant en institution. En effet, cette « facilité » se fait en définitive au détriment d’une existence autonome, digne et dynamique du résident et de sa vie privée.

Dès lors, les clauses dans ce document doivent permettre une identification des règles relatives à la liberté d’aller et venir au sein de l’établissement, avec toujours comme ligne directrice un maximum d’adaptabilité et de souplesse (ouverture 24 h/24 h, accès aux espaces collectifs).

En d’autres termes, les restrictions doivent rester minimales (même si les absences et sorties peuvent faire l’objet d’une information préalable), sauf justifications précises et circonstanciées.

Ceci implique que les mesures de prévention à la déambulation et aux risques de sorties inopinées doivent toujours être relationnelles (présence humaine permanente aux sorties de la structure) et spatiales (limitation de zones contrôlées telles que la réserve de médicaments). Il faut donc des aménagements suffisants des locaux (architectures adaptées, de préférence en zone non urbaine dense), de manière à ce que les dispositifs de contrôle électronique (ou pire médicamenteux) soient réduits pour permettre une optimisation de la circulation horizontale (adaptateurs aux déficiences sensorielles, couleurs contrastées, portes à ouverture facilitée, déambulateurs à disposition) et verticale (ascenseurs…)(1). Cela implique bien entendu des moyens humains (familles, bénévoles, personnels) et matériels appropriés.

Le règlement de fonctionnement ne doit prévoir que des mesures à prendre en cas d’urgence ou de situations exceptionnelles (CASF, art. R. 311-35), ce qui permet d’éviter la réitération de comportements ponctuels attentatoires à la liberté (confinement, horaires de repas anormaux dans le but de favoriser ceux du personnel). Certains motifs (circonstanciés) peuvent néanmoins les justifier sur une courte période : lorsque la personne a des comportements qui peuvent la mettre en danger (tentatives de suicide, automutilation…), lorsque la protection des tiers s’avère nécessaire (violences, agressions, sevrage…) ou lorsque le lieu présente un risque (non-conformité temporaire d’un local aux normes d’hygiène ou d’incendie). Il faut donc impérativement identifier et quantifier objectivement des désordres physiques (chute, fugue) ou psychologiques (désorientation), le danger potentiel ne pouvant suffire.

En outre, toute limitation doit être individualisée et proportionnée pour privilégier un contact relationnel. Dès lors, il est recommandé d’établir un protocole pour le mettre en place : recherches d’alternatives préalables et réévaluations périodiques journalières, prescription médicale motivée et de courte durée, surveillances et accompagnements accrus, déclaration dans le registre de l’établissement, information de la personne, des aidants juridiques et des proches, préservation de la vie privée et de la dignité.

Le règlement de fonctionnement est arrêté collégialement par l’instance compétente de l’organisme gestionnaire, après consultation des instances représentatives du personnel de l’établissement ou du service, du CVS ou bien après mise en œuvre d’une autre forme de participation (CASF, art. R. 311-33, D. 311-3 à D. 311-32), de manière à ce que les usagers puissent également participer à son élaboration (CASF, art. L. 311-6 et D. 311-5). Il ne s’agit donc pas d’une émanation unilatérale d’une organisation collective dans une perspective de sécurité et de discipline.

En fin de compte, ce document est un cadre des responsabilités réciproques des professionnels et des usagers pour garantir le bon fonctionnement de la structure. Dans cette logique, il doit prévoir également une échelle de sanctions (entretien, avertissement…) (CASF, art. R. 311-37) en fonction de l’intensité des violations des obligations (répétées ou pas, atteintes aux personnes ou aux biens, aux règles de sécurité…) jusqu’à une éventuelle exclusion (violences, incivismes envers autrui), cette graduation devant être proportionnelle aux faits (CASF, art. R. 311-35). En cas de manquements graves ou répétés au règlement de fonctionnement, le contrat de séjour peut être résilié par le gestionnaire d’un établissement sauf s’il existe une justification médicale (état physique et/ou psychique) (CASF, art. L. 311-4-1 et D. 311-0-3).

En outre, des procédures contradictoires devront être prévues (possibilité pour le résident concerné d’être accompagné, connaissance des fautes ou manquements reprochés, temps nécessaire à la préparation de la défense) et les modes de règlements des conflits alternatifs aux voies de recours juridictionnelles comme une médiation devront être favorisés (personne de confiance, par exemple) car le cadre juridictionnel n’est pas toujours approprié aux résidents eu égard à leur vulnérabilité.

Dans certains établissements et services(2), les mesures collectives relatives à l’exercice de la liberté d’aller et de venir des résidents, qui figurent dans le règlement de fonctionnement, font l’objet d’une évaluation pluridisciplinaire de leur proportionnalité par rapport aux risques encourus par les résidents (CASF, art. L. 312-1 et R. 311-37-1).

Il doit s’agir véritablement d’un temps collégial de réflexion entre la famille, les bénévoles et les professionnels pour déterminer une balance risques/mesures attentatoires à la liberté d’aller et de venir, quitte à utiliser les dispositifs « tiers » institutionnels existants (MDPH, consultations de gérontologie). Cet espace, conduit dans un souci d’équilibre et de réciprocité, permet de mobiliser les proches pour les responsabiliser et pour qu’ils acceptent également les décisions prises en la matière.

Cette procédure intervient après une évaluation de la perte d’autonomie des personnes hébergées dans l’établissement donnant lieu à un classement de chaque personne dans l’un des six groupes de la grille nationale dits « groupes iso-ressources » (GIR) (CASF, art. L. 312-1, R. 314-170 et D. 311-37-1).

Le règlement de fonctionnement fait l’objet d’une publicité obligatoire par affichage et est remis à chaque personne qui intervient dans la structure concernée (CASF, art. R. 311-34).

II. Le contrat de séjour

Le contrat de séjour (et ses annexes, en particulier celle relative à la liberté d’aller et de venir) est une notion clef d’individualisation de la libre circulation pour les usagers dans les structures sociales et médico-sociales. Malheureusement, l’insuffisance de son encadrement juridique nécessite une mise en pratique éthique pour être efficace.

A. La mise en place d’un outil juridique équivoque pour préserver les déplacements des personnes vulnérables

En ce qui concerne le document individuel de prise en charge(1), le principe de participation directe de l’usager ou avec un aidant juridique (CASF, art. L. 311-4, L. 311-5-1, D. 311-0-2 et C. civ., art. 459-2) est posé en ce qui concerne la conception et la mise en œuvre de l’accueil et de l’accompagnement (CASF, art. L. 311-3).

Il est ainsi détaillé la liste et la nature des prestations offertes ainsi que leur coût prévisionnel (CASF, art. L. 311-4 et L. 311-5-1). La finalité est de définir contractuellement les objectifs et la nature de la prise en charge ou de l’accompagnement dans le respect des principes déontologiques et éthiques ainsi que les recommandations de bonnes pratiques professionnelles du projet d’établissement ou de service (pour un équilibre entre la préservation de l’intégrité physique du résident, sa sécurité et la promotion de son autonomie).

Un décret du 15 décembre 2016(2) a ainsi précisé les mesures individuelles qui permettent de garantir la liberté d’aller et de venir de l’usager et qui doivent figurer dans l’annexe (qui, elle, est facultative) des contrats de séjour des structures qui accueillent des personnes âgées et/ou dépendantes ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale (CASF, art. L. 311-4-1, L. 312-1, L. 342-1 et R. 311-0-5).

Le projet de ces documents devrait être issu d’un processus d’entrée et d’une phase d’élaboration consensuels pour aboutir à proprement parler à un acte individuel personnalisé, notamment pour adapter le règlement de fonctionnement et pour la prévision de modalités particulières d’accompagnement (Charte, art. 4).

Un entretien confidentiel (CASF, art. D. 311-0-4), effectué et conduit par le directeur ou toute autre personne à laquelle il a délégué cette compétence, est censé permettre de déterminer la volonté du futur usager vis-à-vis notamment de ses droits et de la liberté d’aller et venir, tout en s’assurant de sa compréhension (s’il y a lieu avec des « aidants juridiques » et/ou la participation du médecin coordinateur) (CASF, art. D. 311-0-2 et D. 311-0-3). A cet effet, préalablement, une notice explicative, qui se présente cependant comme un guide destiné aux professionnels, sera communiquée aux personnes concernées dans le but de « soutenir » cette liberté (CASF, art. L. 311-4-1 et R. 311-0-7).

En réalité, la conclusion du contrat de séjour et de son annexe (facultative au demeurant) n’est souvent qu’une limitation préventive des déplacements, même si cela demeure sous-jacent (allées et venues contrôlées, heures de repas imposées) alors que le but ne devrait être que d’assurer l’intégrité physique et la sécurité du résident (CASF, art. R. 311-0-6 et R. 311-0-7)(3). L’unilatéralité quasiment généralisée de la convention ne peut permettre en réalité qu’une responsabilisation des résidents sans de réelle individualisation de la prise en charge, ce qui méconnaît les fondements mêmes du médico-social. L’accompagnement dans certains cas sera dès lors standardisé sans prendre en compte les particularités de la personne, ce qui peut être un facteur de maltraitance (horaires déterminés et limités des visites des proches).

L’enjeu n’est pas moindre, car lorsque les besoins et les attentes des personnes dites « fragiles » ne sont pas promus, il en ressort que leur autonomie n’est pas respectée et qu’elles ne sont pas protégées. La répercussion en est qu’elles peuvent être exclues de la cohésion sociale et devenir ainsi encore plus dépendantes (CASF, art. L. 116-1 et L. 116-2).

Le mécanisme est donc ambivalent et, au mieux, paradoxal. Concrètement, les seuls moyens de faire obstacle à ce contrat d’adhésion, dont le choix du résident se cantonne à signer ou ne pas signer, voire à se rétracter ou à résilier (CASF, art. L. 311-4-1), sont, outre une réforme législative, une pratique éthique et déontologique des établissements et des services et un choix pragmatique et adapté de la structure choisie, ce qui est également assez complexe puisque les places en institution sont réduites, même si un accès équitable devrait être garanti (CASF, art. L. 116-2).

Il convient de mentionner que le contrat (comme l’annexe) peut être résilié, avec préavis, par le gestionnaire de l’établissement notamment lorsque la personne accueillie n’exécute pas ses propres obligations (non-respect des horaires…) ou en cas de manquements graves ou répétés au règlement de fonctionnement, sauf lorsqu’un avis médical constate que cette inexécution ou ce manquement résulte de l’altération psychique ou physique de l’usager (Alzheimer, sénilité…) (CASF, art. L. 311-4-1 et D. 311-0-3). Certes, une action considérée comme une faute inexcusable par la direction d’une structure sera sans doute requalifiée par le juge en cas d’« abus » de l’établissement (telle une personne sanctionnée du fait d’être allée au cinéma sans autorisation), mais la difficulté demeure, pour une personne fragilisée, de se retrouver sans résidence alternative et/ou avec une voie contentieuse, source d’anxiété.

La procédure est néanmoins présentée comme étant collégiale et donc comme permettant une application concrète et soucieuse de la liberté d’aller et de venir (CASF, art. R. 311-0-7 et D. 311-0-3).

Ainsi, après examen du résident, le médecin coordonnateur ou traitant réunit, autant que de besoin, l’équipe médico-sociale pour réaliser une évaluation pluridisciplinaire, qui sera conservée dans le dossier médical, sur l’autonomie de la personne (CASF, art. R. 311-0-7). En réalité, il pourrait être nécessaire ici d’envisager une orientation vers un autre mode de prise en charge à domicile ou un autre type d’établissement, mais, dans ce dernier cas, la difficulté à trouver des places disponibles peut réduire les alternatives, lorsque ce ne sont pas des raisons économiques qui y procèdent.

En outre, l’outil utilisé pour cette évaluation est une « catégorisation » (sorte de grille préétablie) censée promouvoir la bientraitance. Néanmoins, elle demeure restrictive par rapport aux préconisations de la Haute Autorité de santé (HAS) car elle cantonne la liberté d’aller et de venir à des déplacements matériels sans prendre en considération d’autres facteurs (sociaux, familiaux, économiques…). Au demeurant, la référence à la charte est biaisée puisqu’il n’est mentionné que l’alinéa 1er de l’article 8 de ce texte alors que l’autonomie forme un tout en prenant en compte plusieurs domaines. En effet, il est nécessaire de mesurer les capacités (pénibilité/accessibilité) de l’usager mais aussi ses besoins (pathologies/traitements par rapport à son état de santé), ses souhaits (vécu/sensibilité) selon le type de séjour ; une vie sociale et la relation avec les proches doivent être également prises en compte.

Dès lors, il faut envisager la participation de la famille aux activités de la vie quotidienne ou de les favoriser afin de préserver les liens familiaux (Charte, art. 6) et de programmer des actions de soutien individuel et collectif pour maintenir ou « réimpulser » les déplacements à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement en toute sécurité (détermination de points de repères, soulagement de la douleur, donner du sens aux sorties : achats dans le commerce, rencontres d’amis).

B. La nécessité d’une procédure éthique pour garantir la liberté d’aller et de venir

En l’état actuel, le directeur d’établissement arrête, sur proposition du médecin coordonnateur, ou à défaut du médecin traitant, le projet d’annexe au contrat de séjour qui respecte le modèle fixé à l’annexe 3-9-1 du décret du 15 décembre 2016 relative à la liberté d’aller et de venir spécifiquement.

Sur cette base, le responsable de la structure avise le résident par tout moyen et, s’il y a lieu, la personne de confiance (après accord de l’usager) et, dans le cas d’une mesure de protection juridique, celle chargée de prendre en charge ses intérêts (ce qui donne date certaine au futur document). Cette information permet alors aux intéressés d’être reçus par le médecin coordonnateur ou, à défaut, par une personne de l’équipe médico-sociale ayant participé à l’évaluation pluridisciplinaire ou par le médecin traitant, pour bénéficier d’explications complémentaires avant toute signature de l’acte en cause. En tout état de cause, 15 jours après réception du projet d’annexe, le résident ou les « aidants juridiques » sont reçus par un membre ou un représentant de la direction.

La phase de négociation, qui devrait être possible dans un contrat « classique », est totalement occultée ici car la procédure ne prévoit pas de modification du projet qui doit être signé à l’issue de l’entretien et être communiqué dans les 15 jours au résident et aux aidants.

En outre, l’adaptabilité des mesures attentatoires à la liberté d’aller et de venir est rigide.

Actuellement, les « aménagements » à la liberté d’aller et de venir pris par la structure apparaissent comme décidés par la direction et la personne concernée y adhère ou pas, voire peut y formuler des observations(1). Il est d’ailleurs intéressant de constater que même dans la charte, il est consacré un droit à la renonciation ou au changement mais uniquement des prestations et non des mesures d’organisation notamment relatives à la liberté d’aller et de venir (Charte, art. 5).

Néanmoins, en théorie, l’annexe relative à la liberté d’aller et de venir peut être révisée à tout moment à la demande du principal intéressé ou des personnes qui participent à sa protection, mais aussi du médecin coordonnateur, ou du médecin traitant, et du directeur d’établissement (CASF, art. L. 311-4-1 et R. 311-0-9). Cependant, si la procédure prévoit l’information de l’usager et des aidants juridiques (lorsqu’il y a lieu de les avertir), le résident ne fait qu’intervenir et n’est donc pas nécessairement recentré au sein du dispositif. De même, la seule périodicité prévue est une évaluation automatique tous les 6 mois (CASF, art. R. 311-0-7).

Cette anomalie rédactionnelle vient sans doute du fait que, par ailleurs, l’établissement, auteur des mesures attentatoires à la liberté d’aller et de venir d’une personne, doit y mettre fin lorsqu’elle le demande, sauf cas particulier, car dans le cas contraire, de tels faits seront passibles de sanctions et qualifiables d’infractions(2). En d’autres termes, la structure doit promouvoir et conserver dès que possible les déplacements des personnes accueillies. Mais, là aussi, le refus institutionnel de s’adapter ou une carence peut être problématique(3) car la simple prévision d’une révision de l’efficacité des mesures ne peut pas permettre de la garantir dans le temps et encore moins régulièrement. Le suivi automatique n’est donc pas prévu (calendrier des activités prévues et de celles réellement mises en œuvre, intervenants ou professionnels concernés et modalités), pas plus que la désignation d’une personne référente qui pourrait servir de lien entre l’équipe et le résident et son entourage.

Il convient de préciser que, dans certains cas, il est prévu expressément que des mesures provisoires, inscrites dans l’annexe à la circulation au contrat de séjour, peuvent être révisées à tout moment. Il s’agit d’hypothèses un peu « fourre-tout », qui sont « l’impossibilité manifeste pour le résident de signer », « l’attente de l’aboutissement de la signature » (qui peut sans doute recouvrir la réflexion ou le refus de signer de l’usager) ou « la force majeure » (CASF, art. R. 311-0-8), qui permettent l’application collégiale de restrictions (prises par le médecin coordonnateur et le directeur d’établissement ou son représentant) à la liberté d’aller et de venir sans prendre en compte l’avis du résident. Ces limitations doivent être proportionnelles (« strictement nécessaires ») pour mettre fin au danger que l’usager fait courir à lui-même par son propre comportement du fait des conséquences des troubles qui l’affectent. Les aidants juridiques doivent être informés, s’il y a lieu, et à défaut une procédure de sauvegarde de justice peut être engagée (CSP, art. L. 3211-6).

Enfin, il n’est pas prévu de modalités particulières de résolution des conflits non juridictionnelles (tiers extérieur), si ce n’est la personne qualifiée, sorte de défenseur des usagers, en cas de litiges entre l’ensemble des parties (établissement, résident, aidants juridiques et/ou famille). Ce conciliateur, choisi sur une liste institutionnelle, est un moyen de contrôle indirect puisqu’il doit rendre compte notamment de ses interventions aux autorités chargées du contrôle des établissements ou services concernés (CASF, art. L. 311-5 et L. 313-13 et s.).

A défaut de conciliation, reste la voie contentieuse (CASF, art. L. 311-5). Mais est-il réellement plausible que des personnes vulnérables y recourent ? L’effectivité du droit fondamental d’aller et de venir repose alors sur la seule volonté de l’établissement.

Le questionnement de ses propres pratiques professionnelles étant difficile, les directions des structures médico-sociales devraient créer une forme de veille avec un comité de pilotage permettant d’examiner éthiquement la pertinence des mesures prises (réponses proportionnelles – nécessité et étendues des restrictions –, ponctuelles et pragmatiques, par rapport aux risques identifiés pour l’intégrité physique du résident) et leur adaptation régulière (Charte, art. 7) avec une participation active de l’intéressé, des aidants juridiques et, dans une certaine mesure, de la famille, ce qui permettrait véritablement de garder « un contact » dans la prise en charge(1).

La prise de conscience des difficultés matérielles et le manque de personnel pour la mise en œuvre de la liberté d’aller et de venir conduisent actuellement à un intérêt pour la géolocalisation des personnes vulnérables. Or, justement, cette population fragilisée a besoin d’assistance adaptée dans laquelle la relation sociale est primordiale, ce qui devrait exclure un simple « traçage » mécanique. Pour cette raison, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a posé plusieurs recommandations de bonnes pratiques pour les « systèmes de suivi et d’assistance électroniques des personnes âgées ou désorientées » en 2013 et une charte sur la géolocalisation a été lancée en 2014(2). Les principes qui en sont issus sont censés permettre une autonomie accrue et un mécanisme subsidiaire à ce qui existe déjà (consentement et information de la personne, adaptabilité et facilité du dispositif, labellisation, traitement des données à caractère personnel, démarche qualité). Mais une nouvelle fois, les difficultés ont pour origine des anomalies éthiques et des moyens pratiques. Le positionnement déontologique est en réalité une condition sine qua non de la mise en œuvre de la liberté d’aller et de venir, même si certaines structures ont déjà une telle posture ou tentent de l’avoir.

III. La responsabité des établissements

Les personnes se voient souvent privées de liberté par les professionnels au motif fréquemment inavoué que ces derniers craignent de voir leur propre responsabilité (civile, pénale ou administrative) mise en jeu, même s’ils ne sont tenus qu’à une obligation de moyens ce qui implique qu’une faute (dans l’organisation ou le fonctionnement du service) doit être prouvée (défaut de surveillance…)(3). La responsabilité de l’établissement peut être également engagée(4). Il y a donc une interaction entre la protection du patient et celle des acteurs des structures médico-sociales qui, comme la famille, souhaiteraient le risque « zéro ».

A. Le contrôle

Les structures sont contrôlées, selon les cas, par les services de l’Etat, l’agence régionale de santé (ARS) concernée et le département en cause et, dans toutes les hypothèses, par l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et peuvent faire l’objet notamment de sanctions, d’inspections et de mesures de police administrative (CASF, art. L. 131-13 et s.). Il y a plusieurs possibilités qui sont prévues : injonctions, astreintes, nomination d’un administrateur provisoire, suspension ou cessation de tout ou partie des activités, du lieu de vie et d’accueil (ce qui peut entraîner des transferts notamment d’usagers et de subventions vers d’autres structures), sanctions financières (CASF, art. L. 313-14, L. 313-17 et L. 313-18). Il s’agit de protéger la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes accueillies ou accompagnées lorsque les conditions d’installation, d’organisation ou de fonctionnement d’un établissement ou d’un service méconnaissent la législation ou présentent des risques ou mettent en cause des droits (dont la liberté d’aller et de venir), voire en cas d’urgence ou lorsque le gestionnaire refuse de se soumettre au contrôle.

Dès lors, la volonté de mettre fin à des pratiques de maltraitance a conduit à poser un cadre juridique spécifique au domaine social et médico-social :

• tout d’abord, en cas de dysfonctionnement grave, la direction d’une structure doit en informer les autorités de contrôle (CASF, art. L. 331-8-1) ;

• ensuite, le législateur a évité que les lanceurs d’alerte qui révèlent des atteintes aux personnes ou qui témoignent de faits graves subissent des répercussions dans leur vie professionnelle : sur leur embauche ou le déroulement de leur carrière contractuelle ou statutaire (en cas de licenciement ces salariés peuvent être réintégrés) (CASF, art. L. 313-24). Il faut néanmoins que ce type de dénonciation soit faite dans le seul but de protéger une personne qui, en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, n’est pas en mesure de se protéger ;

• enfin, le secret médical n’est pas une justification à l’omerta face à la violation de droits (code pénal, art. 226-13 et 226-14).

B. la sanction

Sur le plan pénal, les personnes – physiques ou morales – ayant exécuté ou décidé de mesures abusives à la liberté d’aller et de venir, notamment, peuvent être poursuivies pénalement et frappées d’incapacités professionnelles (CASF, art. 133-6). Il est en effet interdit de détenir ou de séquestrer une personne, c’est-à-dire de la retenir en un lieu quelconque (enfermement dans un placard ou une pièce), contre son gré (code pénal, art. 132-23, 224-1 et 224-2). L’infraction est constituée par la volonté d’empêcher la victime d’aller et de venir librement, peu importe la durée effective de la séquestration, ou de l’isoler du monde extérieur. Une telle privation non justifiée est ainsi susceptible d’être sanctionnée pénalement par 20 années de réclusion criminelle et sera aggravée (actes de torture et de barbarie) ou allégée (si la personne concernée est libérée et bien traitée volontairement avant le 7e jour d’enfermement) dans certaines circonstances(1).

De même, les violences habituelles (menaces de privation de sorties, entraves au fauteuil,..) sur une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique sont punies d’amende et/ou de 5 à 30 ans de réclusion, selon les conséquences (mort de la victime, incapacité temporaire inférieure ou supérieure à 8 jours ou permanente) (code pénal, art. 222-14, 132-20 et R.624-1 ; Cass. crim. 2 décembre 1998, n° 97-84937 P). Il s’agit d’une circonstance aggravante qui ne pourra s’appliquer que si l’auteur de ces infractions avait connaissance de la fragilité de la personne (handicap apparent…) ce qui est normalement le cas en établissement (ou service) médical ou médico-social.

Le dispositif pénal est ici particulièrement protecteur puisque la non-information des autorités judiciaires ou administratives – sauf dans certains cas, en cas de secret professionnel (code pénal, art. 226-13)  – de certains cas de maltraitance (qui ne sont pas limitativement énumérés comme tels[2]) est punie de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende (code pénal, art. 434-3). Il s’agit d’éviter les conséquences des mesures privatives interdisant les déplacements qui aboutissent à la non-assistance à personne en danger (en cas d’omission de porter secours ou d’empêchement d’une infraction), à l’homicide, aux blessures ou aux violences volontaires ou non, à la mise en danger d’autrui et à l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse, voire, dans certains cas, à des discriminations ou des atteintes à la vie privée et à la représentation des personnes(3).

Plus spécifiquement, les personnes (membres de la direction, par exemple) qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation d’un dommage, ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont également responsables pénalement (code pénal, art. 121-3). Cette culpabilité est établie lorsqu’il est prouvé qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer du fait de leur fonction. Il faut donc au moins effectuer des diligences normales (dangers signalés de manière apparente, réparations effectuées dans des délais raisonnables…).

Malgré les mécanismes de responsabilisation et de sanction, les abus aux restrictions de la liberté d’aller et de venir sont des facteurs importants de violences institutionnelles parfois sous-jacentes (défaut de surveillance, escarres, infantilisation…), même s’il existe d’autres difficultés (défaillance professionnelle, banalisation d’actes graves…). La répression ne peut donc pas être une réponse suffisante et unique, il sera aussi nécessaire que la prévention soit déontologique ou, au minimum, éthique.

Une telle orientation interne, guidée par de bonnes pratiques, apparaît ainsi comme la voie la plus appropriée aux établissements et structures sociaux et médico-sociaux, dont le cadre reste dérogatoire et spécifique en raison du public accueilli.

Notes

(1) Constitution de 1958, art. 66 ; Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, art. 2 et 4 ; Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et de libertés fondamentales, art. 5 et art. 2 de son Protocole n° 4 ; décision du Conseil constitutionnel n° 79-107 DC du 12 juillet 1979.

(1) Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

(2) Circulaire DGAS/SD 5 n° 2004-138 du 24 mars 2004, NOR : SANA0430132C, relative à la mise en place du livret d’accueil prévu à l’article L. 311-4 du CASF.

(3) Arrêté du 8 septembre 2003 relatif à la charte des droits et libertés de la personne accueillie, NOR : SANA0322604A, mentionnée à l’article L. 311-4 du CASF.

(4) Généralement un tiers proche ou ami de l’usager ou un membre de la famille, choisi librement pour l’assister dans ces rapports avec la structure médico-sociale (CASF, art. L. 311-3 et L. 311-5-1). Sinon la famille n’a pas réellement de place institutionnalisée dans la mesure où il s’agit de personnes majeures.

(1) Avis du CNCDH sur l’effectivité des droits des personnes âgées du 27 juin 2013, NOR : CDHX1320078V.

(2) Avis du CNCDH sur le consentement des personnes vulnérables du 16 avril 2015, NOR : CDHX1513727V.

(1) Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, art. 41.

(2) Ceux qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale.

(1) Nommé en principe « contrat de séjour » bien qu’il puisse être nommé « contrat de soutien et d’aide au travail » dans certains établissements et services d’aide au travail.

(2) Décret n° 2016-1743 relatif à l’annexe au contrat de séjour dans les établissements d’hébergement sociaux et médico-sociaux pour personnes âgées.

(3) La situation de l’usager est d’ailleurs considérée comme étant dans une situation légale et réglementaire selon le type de structures : CAA Nancy, 30 mai 2011, n° 10NC01016, Centre hospitalier de Gérardmer et Conseil d’Etat, 5 juillet 2017, n° 399977.

(1) Décret n° 2016-1743 du 15 décembre 2016, annexe 3-9-1, art. 3.

(2) Conseil d’Etat, 19 mai 1933, Benjamin ; et notamment art. 222-14, 132-20 et R. 624-1 du code pénal.

(3) Décret n° 2016-1743 du 15 décembre 2016, art. 3.

(1) Décret n° 2016-1743 du 15 décembre 2016, art. 3.

(2) Voir également désormais : règlement de l’Union européenne, n° 2016/679, dit « règlement général sur la protection des données » (RGPD).

(3) CAA de Lyon, 25 janvier 2018, n° 16LY01833 ; CA de Paris, 7 mai 2018, n° 2018/81.

(4) Elle se joue pour une bonne part autour de la distinction entre structures privées (juridictions de l’ordre judiciaire) et publiques (juridictions de l’ordre administratif).

(1) La différence entre les deux étant marquée par les conditions de détention. Bonne dans le premier cas, mauvaise dans le second.

(2) Le Code pénal énumère en réalité les différents cas : privations, mauvais traitements ou agressions ou atteintes sexuelles infligés à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique.

(3) Voir spécifiquement les articles du code pénal 221-1, 221-6, 221-7, 222-7, 222-16, 222-16-1, 222-16-2, 222-19, 222-21, 223-1, 223-2, 223-15-2, 223-6, 225-4, 226-7, 226-7 à 226-8, R. 624-1 et R. 625-1.

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