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“Une bouffée d’oxygène pour rebondir”

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Avec sa bande de copains, ce jeune entrepreneur a monté le projet « Ocean Peak ». L’idée ? Proposer à des jeunes en difficulté des séjours de rupture alliant sortie en mer et ascension en montagne. Cet ancien cancre défend l’apprentissage par l’expérience et la transmission d’une passion comme vecteur d’intégration.

« SI JE SUIS MILITANT, C’EST QUE J’AI MOI-MÊME ÉTÉ UN CANCRE. » Benoît Lacroix s’apprête à prendre le large avec quatre mineurs en situation de rupture scolaire, sociale ou familiale. Des jeunes cabossés par la vie que ce trentenaire, ancien moniteur-éducateur, a décidé d’embarquer à bord du Trifon, un voilier de 16 mètres et de huit places acheté spécialement pour le projet baptisé « Ocean Peak ». L’idée étant d’associer navigation en mer et ascension en montagne lors d’un séjour à huis clos. Benoît Lacroix y croit dur comme fer : la découverte de grands espaces naturels, en dehors de l’accompagnement traditionnel proposé en institution, offrira à ces adolescents une bouffée d’oxygène et, peut-être, un déclic pour mieux rebondir. Ce pari, c’est d’abord l’aventure d’une bande de copains conquis par la force de persuasion de Benoît Lacroix. Au début 2018, ce touche-à-tout a su convaincre la navigatrice Marta Güemes et le guide de haute montagne Christophe Dumarest de lancer « Ocean Peak ». Ensemble, et bientôt rejoints par toute une tribu, ils ont fondé une association et acquis en Martinique le Trifon, aujourd’hui amarré à La Rochelle, en Charente-Maritime. Epaulés par un éducateur spécialisé, tous trois seront du premier voyage. Ainsi, quatre adultes, avec leurs passions et compétences propres, accompagneront quatre mineurs durant ce périple. La première échappée du projet est fixée au 15 mars : deux semaines dans le golfe de Gascogne. « D’abord jusqu’aux falaises de la pointe de Pen-Hir, en Bretagne, puis en sens inverse jusqu’au Pays basque espagnol », détaille Benoît Lacroix.

Grimper pour ne pas plonger

A 30 ans, ce natif de Haute-Savoie s’apprête, après bien des détours, à renouer avec son premier métier, celui de moniteur-éducateur. Il a travaillé durant sept ans à la fondation Apprentis d’Auteuil, dans l’une de ses multiples structures implantée à Montauban. L’histoire de Benoît Lacroix, c’est celle d’un gamin qui a grandi trop vite et brûlé pas mal d’étapes, d’un « cancre » qui tente aujourd’hui de canaliser toutes ses idées et une folle énergie. « J’aime vivre à fond mes passions. Et les partager, c’est encore plus plaisant, ludique. Cela nous oblige à comprendre ce que l’on vit pour mieux le transmettre. Tout cela crée des liens. Ces liens, ces relations, c’est tout ce qu’il nous reste à la fin. » A 9 ans, Benoît Lacroix intègre les Petits Chanteurs à la croix de bois, chorale itinérante de garçons fondée en 1907. « J’y ai passé six ans, en autarcie complète et en voyage 150 jours par an. On fréquentait aussi bien les milieux populaires que les grands de ce monde… » Arrivé en seconde, il quitte la chorale et intègre un lycée lambda. Le décalage s’avère immense, insurmontable. « Je n’avais jamais côtoyé les filles. Je ne connaissais pas les codes de communication entre ados. Les profs, eux, attendaient un bagage scolaire que je n’avais pas forcément. Ça a “fighté” direct. » Benoît Lacroix quitte le lycée sans un diplôme. Il se découvre alors une passion pour l’escalade, grimpe à n’en plus finir, ce qui lui évitera de plonger…

De son adolescence, ce Rochelais d’adoption a gardé une conviction : « Les connaissances ne se trouvent pas que dans les manuels. Des tas de choses se passent dans la tête des gamins. Mais le système éducatif français ne nous apprend pas à tester, à expérimenter pour acquérir de nouvelles compétences… C’est sur ce terrain-là que je souhaite emmener les jeunes. » Entre deux sessions d’escalade, un copain lui fait pousser les portes d’une association humanitaire. Un déclic. « J’y ai découvert des rapports humains sans filtre. » De projet en projet, Benoît Lacroix trouve sa voie et la fondation Apprentis d’Auteuil sur son chemin. Celle-ci lui met le pied à l’étrier et lui paie une formation, un diplôme. Il a 19 ans, et les idées bouillonnent déjà. En 2009, le jeune moniteur-éducateur lance le projet « Gravir en confiance ». Des jeunes en difficulté âgés de 11 à 14 ans partent gravir un sommet dans les Alpes. Christophe Dumarest encadrait déjà cette aventure collective. Installé près d’Annecy, en Haute-Savoie, le guide de haute montagne brosse un portrait affectueux de son copain vieux de quinze ans : « Son enthousiasme est contagieux. Il a plein de talent pour fédérer, entreprendre. Le revers de la médaille, c’est qu’il doit maîtriser toute cette énergie ! »

A 24 ans, lassé de « l’inertie colossale » du monde socio-éducatif, Benoît Lacroix renoue avec sa passion, l’escalade. Il quitte son emploi de moniteur-éducateur et ouvre à La Rochelle, sans un sou en poche, une salle dédiée à ce sport, « The Roof ». Le concept s’inscrit dans l’économie du partage et la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). C’est un succès. Le modèle est dupliqué à Bayonne, à Brest, à Poitiers ou encore à Toulouse. Le jeune entrepreneur n’oublie pas ses combats : la rentabilité de The Roof alimente des initiatives à destination des publics fragiles. A La Rochelle, le Haut-Savoyard découvre au passage la voile et l’océan. Cette nouvelle passion dévorante le conduit à acheter son premier voilier et à s’engager, six ans après, dans la Mini Transat – sa première sortie en mer… C’était en 2017. De cette traversée de l’Atlantique en solitaire et sans moyens de communication, le baroudeur sortira 24e au classement général à son arrivée à la Martinique.

Arriver au bout de ses idées

C’est lors de cette épreuve qu’il a rencontré Marta Güemes, navigatrice chevronnée et ingénieure de métier. « Benoît se donne les moyens d’arriver au bout de ses idées. Je suis assez impressionnée par sa capacité de persuasion », lâche la jeune femme en moquant ses défauts : « Il a la phobie des dossiers administratifs, et il est bordélique ! » Elle n’a pourtant pas hésité plus de vingt-quatre heures lorsque Benoît Lacroix lui a proposé de rejoindre « Ocean Peak ». Elle a même démissionné de son emploi à Grenoble pour rejoindre cette aventure : « Ce challenge m’intéresse beaucoup. J’ai besoin d’agir utilement. » Avec Christophe Dumarest, Marta Güemes et Benoît Lacroix s’attellent dé­sormais à boucler leur budget. S’ils bénéficient de subventions des collectivités locales, ils défendent « des solutions alternatives » pour financer leurs projets : sponsors, mécènes et vente de prestations de service (conseil, conférence ou événement) à bord du Trifon. « La participation des structures d’insertion accueillant les jeunes doit être symbolique », plaide Benoît Lacroix, qui réfléchit déjà au prochain périple. « Nous avons plusieurs idées. Mais nous attendons de voir comment se passe le premier voyage. En Ecosse, il y a de très belles montagnes », lâche-t-il malicieusement. A terme, l’objectif est de larguer les amarres au moins quatre fois dans l’année.

Navigateur et alpiniste,

Benoît Lacroix a également été moniteur-éducateur pendant sept ans à la fondation Apprentis d’Auteuil, avant de se lancer dans l’élaboration du projet d’intégration « Ocean Peak ».

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