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« Créer des conditions où l’intimité des personnes est respectée »

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Président du Samu social de Paris, Eric Pliez est également directeur général de l’association Aurore, et trésorier de la Fédération des acteurs de la solidarité.
Où en est-on des ouvertures de places d’hébergement pour le plan « hiver », avec 14 000 places annoncées sur tout le territoire ?

En région francilienne, entre un quart et un tiers des places prévues sont aujourd’hui débloquées. La campagne d’appel à projets a démarré plus tôt que l’an passé, avec une volonté d’anticiper. Mais nous sommes dans un retour en arrière puisqu’on recrée des accueils de nuit, des plateformes équipées de lits picot, des gymnases : les conditions d’hébergement des personnes se dégradent. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il vaut mieux avoir un toit sur la tête plutôt que de dormir dehors. Mais quel est notre niveau d’exigence ? Tout n’est pas possible. Par exemple, faire cohabiter des familles avec enfants avec des hommes seuls est source de dangers. La question est d’arriver à créer des conditions où l’intimité des personnes est respectée, même avec de l’hébergement provisoire.

Voyez-vous une évolution dans les profils des personnes sans abri que vous recevez ?

Il y a 25 ans, il s’agissait essentiellement d’hommes seuls ayant passé la quarantaine. Aujourd’hui nous avons tous les profils : les familles sont majoritaires, beaucoup sont monoparentales. Les femmes seules représentent 16 % du public à la rue : le chiffre a doublé en moins de cinq ans. Les situations de ces familles, principalement des femmes avec enfants, et des femmes seules, sont très préoccupantes.

Ce mois-ci, le Samu social de Paris répond en moyenne à 1 500 appels par jour pour 10 000 coups de fil, soit un appel sur sept : il est clair que beaucoup renoncent. Même lorsque l’on décroche, qu’est-ce qu’on leur propose ? Le 115 refuse en moyenne 1 000 demandes par jour.

Ces gens vont se cacher, se mettre à l’abri comme ils peuvent, dans le métro – ce qu’on ne voyait pas il y a quelques années –, dans les hôpitaux… Et on manque de chiffres fiables. En février dernier, 3 000 personnes ont été recensées dans les rues de Paris lors de la Nuit de la solidarité. 3 000 alors que tous les dispositifs hivernaux, en particulier à destination des familles et des femmes, étaient en œuvre.

Comment articuler la saturation de l’hébergement d’urgence avec la perspective du « logement d’abord » ?

Il ne faut donc pas conditionner la mise en œuvre du dispositif « logement d’abord » par une baisse des places d’hébergement. Oui, le secteur associatif doit accompagner l’installation durable des gens dans le logement. Une partie du dispositif des centres va devoir évoluer vers du logement accompagné. Mais il faut garder des filets de sécurité ; or nous n’avons pas assez de places d’hébergement. Le problème doit être pris par les deux bouts de la chaîne. La question est aussi de sortir par le haut de ces dispositifs. Nous avons besoin de logements sociaux accessibles aux travailleurs pauvres. Reste aussi les personnes sans papiers à cause d’un document qui manque ou d’une mauvaise analyse administrative, bloquées sur le territoire depuis plusieurs années ou à l’hôtel sans accompagnement. Cette situation de non-droit bloque le système : pourquoi ne pas accélérer la régularisation ? Le problème de l’hébergement ne peut se régler que par davantage de fluidité en aval.

La réponse politique est-elle à la hauteur de ces enjeux ?

Les politiques budgétaires actuelles attaquent les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), lieux où les grands exclus doivent être accueillis. Les CHRS sont les acteurs les plus actifs au moment de l’hiver dans le déploiement de moyens supplémentaires. Les attaquer, c’est couper la base arrière. On ne peut pas se contenter d’un regard budgétaire sur ces dispositifs, c’est une erreur tactique. Il ne suffit pas non plus de dire « on a créé des places » : quelles sont ces places, pour quelle qualité ? Le Conseil économique, social et environnemental conclut son avis en revendiquant un droit à l’accompagnement pour les personnes. Aujourd’hui cela nous manque cruellement. Or, plus on intervient de manière préventive, ou rapide, quand les gens basculent, plus on va éviter qu’ils s’engluent dans du long terme à la rue.

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