Pierre Bachelet chantait : « Flo, c’est bien le nom que tu voulais… » Pas vraiment, non, mais on n’est pas là pour parler musique. Flo, c’est mon surnom.
Je suis Florence, je travaille, je pose des questions, je cherche des réponses, et j’écris.
Je suis Flore, aide-soignante un peu idéaliste, un peu débordée aussi, parce qu’il y a tant de choses à faire et que je n’ai que deux bras.
Je suis Florent, éducateur spécialisé un peu blasé, parce que c’est bien beau toutes ces procédures et tous ces projets à écrire, mais concrètement, là, maintenant, on fait quoi ?
Je suis Florimonde, octogénaire un peu fatiguée, parce qu’après toute une vie passée à m’occuper des autres, j’aimerais bien qu’on s’occupe de moi maintenant.
Je suis Floyd, tout jeune homme qui trace sa route, un peu perdu, parce qu’il y a la route, le carrefour, le stop, le sens unique, et personne pour m’indiquer le chemin.
Je suis Florine, assistante de service social un peu désespérée, parce que j’avais fantasmé le rôle principal dans Pause-café et que je me retrouve figurante dans « Pas de pause-café ».
Je suis Florian, adulte porteur du syndrome de Down, un peu déçu que les beaux discours sur la différence, le handicap, l’inclusion… ne restent que des beaux discours.
Je suis Flower, le chat aux nombreuses vies. J’ai traversé les époques, les pays et les lois. J’ai vu et entendu tellement de choses !
En fin de compte, Flo, c’est bien le nom que je voulais. Mon nom. Et celui des autres.
Et pour inaugurer cette rubrique (il faut un début à tout), une petite histoire de mots et de temps qui passe.
Il y a quelques jours, je discutais avec un monsieur qui a de forts troubles cognitifs, lesquels se manifestent, entre autres choses, par un manque du mot. On parlait de lui, de sa vie en institution, de son humeur, de ses projets. Il butait sur les phrases, cherchait ses mots, hésitait, bégayait, s’agaçait un peu. J’écoutais, je reformulais parfois, cherchant avec lui le mot, le sens, la tournure. Nous avions le temps, et le prenions.
Et, soudain, la phrase a jailli, limpide, féroce, implacable : « Le temps est vide ! »
Je me suis tue. Lui aussi.
L’ennui, l’attente, la résignation… tout était là, dans ces mots connus et cette phrase inconnue. Le temps est vide. Mes journées si bien remplies, et les siennes qui lui semblaient si vides. La même journée, le même temps qui passe, et pourtant…
Je ne travaille pas pour passer le temps. Je ne vis pas pour passer le temps. Et pourtant, passer le temps, c’est peut-être tout ce qu’il reste à faire pour certains d’entre nous.
Passer le temps, et voir le temps qui passe. C’est long, le temps, quand il n’y a que du vide à regarder.