« L’existence des CEF n’est pas remise en cause mais des difficultés structurelles persistent », voici ce que l’on peut lire dans le compte-rendu du 5e comité de pilotage national qui s’est tenu le 13 décembre. Cet état des lieux est le résultat de la synthèse des constats et recommandations émanant de l’inspection générale de la justice (IGJ) sur les CEF depuis 2013, intégrant également les rapports annuels du contrôleur général des lieux de privation de liberté. 333 recommandations, classées en six thématiques, ont été formulées pour améliorer le fonctionnement des CEF.
La première difficulté, et pas des moindres, est celle du recrutement et du turn-over des personnels de ces centres éducatifs fermés, un sujet qui a fait débat lors de ce comité. Alors que l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) s’interroge sur le fait que les éducateurs spécialisés ne restent pas dans ces structures, la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (Cnape – la fédération des acteurs de la protection de l’enfance) amorce une explication en avançant le décalage entre leur formation et la réalité du quotidien des CEF. Une analyse partagée par l’IGJ, qui parle d’une « carence de la qualification des professionnels », tant dans les établissements publics qu’associatifs. Il recommande ainsi de sensibiliser les nouveaux arrivants à la spécificité du travail des CEF, plus concrètement de former et d’informer sur le cadre judiciaire et la connaissance de la procédure pénale, sur le principe de laïcité ou encore de neutralité. Un positionnement que ne partage pas l’Ecole nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ), pour qui le problème n’est pas la formation : « Aujourd’hui, les éducateurs spécialisés sont formés à être des coordinateurs de projets plus que des accompagnants du quotidien. Il importe donc de sortir de ces représentations autour de la question de la formation des éducateurs spécialisés. » Une analyse partagée par Jean-Michel Vauchez, le président de l’Organisation nationale des éducateurs spécialisés (Ones), qui pour sa part n’a pas été invitée à ce comité : « La formation est un faux débat, il faut une mise en plat des missions des CEF et de leurs projets éducatifs. Les professionnels sont formés à s’inscrire dans un projet institutionnel mais encore faut-il qu’il ait du sens. » Un point sur lequel la Cnape rejoint l’Ones : « S’agissant de l’attractivité des CEF, il faut développer une communication positive. Aujourd’hui, ces centres sont décriés et cités comme des lieux répressifs, sans éducation, des lieux de violence et de maltraitance… ce qui n’incite pas à y travailler. »
Cette problématique de l’attractivité de ces CEF est liée à la question du volet éducatif de ces centres. Depuis leur création en 2002, ce caractère est régulièrement remis en cause par différents acteurs du secteur. Pourtant cette question n’a pas fait l’objet de débats après l’ouverture de ce comité par la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), Madeleine Mathieu, qui a rappelé que « le CEF permet d’éloigner le jeune de chez lui, de lui offrir un cadre éducatif structurant. Il peut être un facteur de désistance. »
A ce sujet, l’inspection générale de la justice a relevé un déficit de référentiel commun pour guider l’action éducative dans les structures qui dysfonctionnent. L’IGJ recommande donc de doter ces centres de projet d’établissement et de règlement de fonctionnement en s’assurant de leur approbation. Un déficit de référentiel commun qui se retrouve également au niveau des sanctions. Sur ce volet répressif, un référentiel permettrait, à en croire l’IGJ, d’établir un protocole sur la contention avec un cahier spécifique laissant une trace afin d’analyser les incidents pour éviter qu’ils ne se reproduisent.
Ce 5e comité de pilotage national des CEF intervient alors que la création de 20 nouvelles structures a été actée par le gouvernement, l’une d’entre elles sera d’ailleurs dédiée aux filles alors que la question de la mixité du public accueilli pose question à certains professionnels. Les ouvertures commenceront à partir de 2021, en espérant que les dysfonctionnements soulevés lors de ce comité ne se retrouvent pas dans ces nouveaux CEF.