DANS LE CADRE DE LA MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL, inéluctablement se pose à un moment donné, quel que soit le secteur d’activités, la nécessaire conciliation entre l’intérêt de l’entreprise et la protection des droits des salariés.
Deux notions s’opposent : la modification ou le simple changement des conditions de travail. Cette difficulté d’appréciation représente une réelle problématique pour les employeurs, d’autant plus qu’elle devient de plus en plus fréquente, eu égard aux évolutions des postes en cours et à venir notamment en raison des mutations technologiques, digitales. Le télétravail, le déménagement des entreprises dans des zones plus dynamiques, l’augmentation des tâches et attributions des salariés, l’articulation avec les accords collectifs peuvent être la cause du questionnement des employeurs : dois-je recueillir dans tous les cas l’accord de mes salariés ?
La jurisprudence encadre les conditions dans lesquelles l’employeur peut, ou non, imposer au salarié des évolutions dans la relation de travail. Si la Cour de cassation consacre la distinction entre une modification du contrat de travail, nécessitant l’accord exprès du salarié, et un simple changement des conditions de travail, que l’employeur peut mettre en œuvre sans requérir cet accord, dans le cadre de son pouvoir de direction, il n’en demeure pas moins que la frontière entre ces deux notions est parfois mince.
Bien qu’il soit admis que dans le cadre du pouvoir de direction toute décision prise par l’employeur s’impose au salarié, excepté lorsque celle-ci a pour incidence de modifier le contrat de travail, force est de constater que la jurisprudence est assez favorable envers les salariés. Un tempérament doit être toutefois apporté, car les juges ne prônent pas une généralisation de leur position, en l’occurrence en faveur des salariés, à chaque cas d’espèce. En effet, si de grands principes sont édictés, une appréciation in concreto de chaque situation demeure nécessaire. La modification du contrat est certes inhérente aux stipulations contractuelles, mais elle l’est également aux éléments essentiels à tout contrat, tels que les fonctions du salarié, sa qualification, sa rémunération, la durée et le lieu de son travail.
Faute de définition légale, il faut donc se référer à la jurisprudence pour distinguer la notion de modification du contrat nécessitant l’accord du salarié, du changement des conditions de travail qui s’imposent à lui. Il est utile de rappeler que ces questions se posant sur des éléments du contrat qui font intrinsèquement partie de la relation contractuelle et a fortiori du consentement de chacune des parties, ce principe s’applique tant aux contrats à durée indéterminée (CDI) qu’aux contrats à durée déterminée (CDD) (Cass. soc., 31 octobre 1996, n° 93-46365). Ce principe s’applique également au temps partiel, mais avec une légère nuance tant les modifications de ce type de contrat demeurent rigides, entraînant de ce fait l’accord quasi systématique du salarié. D’ailleurs, le code du travail précise que le contrat de travail des salariés à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue, la répartition de leurs horaires entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les limites dans lesquelles seront effectuées les heures complémentaires et même les cas de modification de la répartition de ces horaires ainsi que la nature de cette modification, sauf cas spécifique d’un aménagement du temps de travail. Autrement dit, dans le cadre du temps partiel, c’est le principe de la modification du contrat de travail qui prévaut, pas le simple changement des conditions de travail en cas de transformation de la relation contractuelle.
L’employeur dispose d’une très faible latitude pour imposer des changements au salarié. En effet, le changement des conditions de travail excluant de facto l’accord du salarié est peu fréquent. En outre, dans l’un ou l’autre cas, l’employeur doit s’assurer que l’évolution demandée ne constitue pas une discrimination, un abus de droit ou une inégalité de traitement.
Le changement des conditions de travail s’impose au salarié et ne nécessite pas un formalisme particulier. La décision de modifier les conditions de travail des salariés relève, sauf exception, du seul pouvoir de direction de l’employeur. C’est pourquoi, le refus du salarié peut être constitutif d’une faute que l’employeur a la faculté de sanctionner, le cas échéant, par un licenciement. Néanmoins, les parties au contrat sont tenues à une obligation générale de bonne foi dans leurs rapports contractuels, engendrant pour l’employeur le respect d’un délai de prévenance raisonnable à l’égard du salarié. A défaut, le salarié peut demander des dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1104 du code civil qui dispose que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public ».
A titre d’exemple, des salariés n’avaient été informés d’un déménagement qu’un mois à l’avance, alors même que la décision avait été prise plusieurs mois auparavant. Les juges ont statué que « ce bref délai n’avait pas permis aux salariés de prendre leur décision dans les meilleures conditions. Dès lors, l’employeur avait manqué « à l’exigence de bonne foi contractuelle dans la mise en œuvre d’un changement des conditions de travail » (Cass. soc., 4 avril 2006, n° 04-43506).
Il faut insister sur le fait que l’employeur ne doit pas formaliser ce changement par un avenant au contrat de travail car il reconnaîtrait alors, en sollicitant l’accord du salarié, qu’il s’agit d’une modification du contrat de travail, que le salarié peut refuser.
Dans le cadre d’une modification du contrat, cette dernière est soumise à une procédure stricte visant à la proposer au salarié. Par exemple, conformément à l’article L. 1222-6 du code du travail, « lorsque l’employeur envisage la modification d’un élément essentiel du contrat de travail pour l’un des motifs économiques énoncés à l’article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification informe le salarié qu’il dispose d’un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus (ordonnance [Ord.) n° 2014-326 du 12 mars 2014, art. 109). Le délai est de 15 jours si l’entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire. A défaut de réponse dans le délai d’un mois (Ord. n° 2014-326 du 12 mars 2014, art. 109) ou de 15 jours si l’entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée ».
D’une manière générale, en cas d’acceptation par le salarié d’une modification de son contrat, il est donc vivement conseillé de lui faire signer un avenant au contrat de travail, et ce afin d’acter son accord exprès et de s’assurer de son consentement libre et éclairé.
Enfin, il faut rappeler que l’employeur a la faculté d’anticiper une modification, notamment en la contractualisant. En effet, le contrat signé par un salarié lors de son embauche peut prévoir expressément la possibilité pour l’employeur de modifier en cours de contrat certaines modalités d’exercice du travail. Le contrat constituant l’élément de référence de la relation entre l’employeur et le salarié, les clauses qui y figurent sont présumées avoir reçu le consentement de chacune des parties. Par conséquent, lorsque le contrat lui-même prévoit une éventuelle modification, cette dernière, lorsqu’elle se réalise, ne constitue pas, en principe, une modification contractuelle. Il ne s’agit que de la simple exécution du contrat lui-même, à l’instar de la mise en œuvre de la clause de mobilité ou de la clause de non-concurrence. Par exemple, le salarié est informé qu’il est soumis à une clause de mobilité via son contrat. Si l’employeur décide de la mettre en œuvre, il ne peut s’y opposer, sauf à démontrer que la clause est nulle.
Force est de constater que le changement des conditions de travail est consacré dans des situations relatives au temps de travail. En effet, par principe, la modification de la durée du travail prévue par le contrat nécessite l’accord du salarié, alors que les horaires de travail peuvent être modifiés librement par l’employeur (sauf si ces horaires sont contractualisés). En revanche, la qualification à donner ne peut être généralisée tant les situations sont variées. La prudence est donc de mise, car la qualification est soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond. L’appréciation in concreto de chaque situation est ainsi vivement conseillée.
A titre d’exemple, les heures supplémentaires imposées au salarié par l’employeur, dans la limite du contingent dont il dispose légalement ou conventionnellement et librement en raison des nécessités de l’entreprise, n’entraînent pas modification du contrat de travail (Cass. soc., 9 mars 1999, n° 96-43718). De plus, en l’absence d’une quelconque répercussion de la modification de la cadence de travail sur la rémunération ou le temps de travail des salariés, une évolution de la cadence de travail constitue un simple changement des conditions de travail (Cass. soc., 20 octobre 2010, n° 08-44594).
En outre, s’impose au salarié une nouvelle répartition du travail sur la semaine (Cass. soc., 27 juin 2001, n° 99-42462). La Cour de cassation a estimé qu’à défaut d’une clause contractuelle expresse excluant le travail du samedi, l’employeur, en demandant aux salariés de travailler ce jour ouvrable, fait usage de son pouvoir de direction. Il est donc conseillé d’indiquer dans les contrats que « le salarié pourra travailler du lundi au samedi » afin de se prémunir contre un éventuel refus. S’impose également au salarié le passage d’une heure de travail de nuit à une heure de travail de jour sans modification de la durée totale du travail. La suppression de la majoration conventionnelle correspondant à cette heure de nuit est justifiée (Cass. soc., 30 mai 2012, n° 11-10087) ; le décalage des horaires de travail d’une demi-heure de travail s’impose aussi au salarié, sous réserve de la compatibilité du changement d’horaires avec ses obligations familiales (Cass. soc., 23 janvier 2013, n° 11-2.364).
En ce qui concerne le lieu de travail, la distinction entre le changement des conditions de travail et de la modification du contrat de travail dépend du secteur géographique. La mention du lieu de travail dans le contrat de travail est purement informative, à moins qu’il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu, ou que l’employeur ait inséré une clause de mobilité afin d’anticiper la modification du lieu de travail du salarié (Cass. soc., 3 juin 2003, n° 01-43573). La jurisprudence a développé le critère du « secteur géographique », pour déterminer l’existence d’une modification du contrat de travail. A titre d’exemple, dans le cadre du déménagement de l’entreprise, si ce dernier est prévu hors secteur géographique et hors clause de mobilité, il s’agira d’une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié.
La difficulté est double. En effet, d’une part le salarié peut toujours invoquer une atteinte à sa vie personnelle et familiale pour s’opposer à un changement des conditions de travail, c’est-à-dire au cas d’espèce un changement de lieu de travail, dans le même secteur géographique. En effet, si en principe, le changement du lieu de travail dans le même secteur géographique ne constitue qu’un changement des conditions de travail qui relève du pouvoir de direction de l’employeur, il en va différemment lorsque la nouvelle affectation porte atteinte à la vie personnelle et familiale du salarié (Cass. soc., 7 juillet 2016, n° 15-15342, Cass. soc., 29 octobre 2014, n° 13-21192). D’autre part, l’appréciation du secteur géographique par les juges du fond se fonde sur plusieurs critères. La région, une zone urbaine, un bassin d’emploi ou encore la couronne urbaine du chef-lieu de département peut délimiter ledit secteur géographique. En outre, pour définir le secteur géographique, les juges du fond peuvent se fonder sur la desserte en moyens de transports de chacun des lieux de travail concernés (Cass. soc., 3 février 2017, n° 15-21671). Par exemple, une nouvelle affectation se situe dans le même secteur géographique lorsqu’elle est distante de 43 km et est accessible par le train ou le bus (Cass. soc., 16 novembre 2010, n° 09-42337).
En l’absence de jurisprudence illustrant le cas d’espèce auquel peut être soumis l’employeur, la décision de qualifier la situation de changement des conditions de travail pour outrepasser l’accord du salarié n’est pas sans risque.
Il est des cas, à l’instar du chômage partiel, où la Cour de cassation dans un arrêt du 18 juin 1996, a considéré que la mise au chômage partiel indemnisé dans le cadre prévu par l’article L. 5122-1 du code du travail, ne constitue pas une modification du contrat de travail.
La rémunération fait partie des éléments essentiels du contrat de travail qui nécessitent l’accord du salarié. En effet, elle ne peut être modifiée tant à la hausse qu’à la baisse, dans son montant ou sa structure, sans l’accord du salarié (Cass.soc., 18 mai 2011, n° 09-69175). L’employeur doit à cet égard être extrêmement vigilant puisque l’acceptation d’une modification de la rémunération ne peut résulter de la seule poursuite, par le salarié, de son travail (Cass. soc., 16 novembre 2005, n° 03-47560). Il convient de régulariser toute modification par un avenant au contrat de travail, et ce afin qu’elle soit pleinement opposable.
En ce qui concerne les fonctions exercées par le salarié, la nuance entre changement et modification est mince car il faut distinguer les tâches, les attributions et la qualification. La qualification et la fonction du salarié sont considérées comme un élément essentiel du contrat de travail, nécessitant l’accord du salarié pour modification alors que tant que ces missions sont en lien avec la fonction et la qualification du salarié, il s’agit d’un simple changement des conditions de travail.
Si les nouvelles tâches remettent en cause la qualification, le niveau de responsabilité ou la nature même de l’activité du salarié, il s’agit d’une modification du contrat soumise à l’acceptation du salarié. La difficulté est double car il s’agit parfois de l’articuler avec la rémunération. En effet, une diminution des responsabilités nécessite l’accord du salarié, mais également une perte de la fonction d’encadrement, et ce même si la qualification et la rémunération sont maintenues (Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-17605). En outre, si la modification intervient dans un cadre disciplinaire, tel qu’une rétrogradation, c’est-à-dire la déqualification d’un salarié assortie, le cas échéant, d’une diminution de la rémunération correspondante, elle constitue une modification du contrat de travail et, en conséquence, ne peut être imposée à un salarié (Cass.soc, 15 juin 2000, n° 98-43400). Le salarié a donc le choix de la refuser, mais prend le risque de se voir notifier une sanction plus lourde.
Au cas particulier, toute modification du contrat de travail, même consécutive à des préconisations du médecin du travail, doit faire l’objet d’un accord exprès du salarié. C’est notamment le cas dans le cadre d’une procédure de licenciement pour inaptitude (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-14754). Un salarié peut de ce fait refuser une offre de reclassement, mais s’expose alors à la notification de son licenciement consécutive à son refus.
Nul doute que l’insertion d’une clause de non-concurrence ou d’une clause d’exclusivité dans un contrat de travail n’en comportant pas initialement constitue une modification de ce contrat que le salarié peut refuser (Cass. soc., 7 juillet 1998, n° 96-40256). Il en va de même de l’introduction d’une clause de mobilité dans le contrat de travail (Cass. soc., 24 novembre 1999, n° 97-45202).
L’insertion d’une clause d’objectifs, de quotas ou de résultat, dans le contrat de travail constitue une modification du contrat de travail, nécessitant l’accord du salarié. De même, le renouvellement périodique des objectifs nécessite l’accord du salarié, sauf précision dans le contrat que les objectifs pourront être révisés annuellement par l’employeur. La rédaction de ces clauses est délicate et nécessite pour l’employeur de s’assurer au préalable que les objectifs prévus seront raisonnables, pour se passer de l’accord du salarié.
Le salarié, pour s’opposer au refus de la modification de son contrat de travail, a la faculté d’invoquer qu’elle constitue un bouleversement de l’économie du contrat. En effet, à titre d’exemple, dès lors que les horaires sont contractualisés, leur changement constitue une modification du contrat soumis à l’accord du salarié (Cass. soc., 11 juillet 2001, n° 99-42710). Mais tel est le cas également lorsque les horaires quotidiens, à défaut de clause expresse dans le contrat, ont fait l’objet d’un commun accord entre les parties. Une permutation du matin à l’après-midi de ces horaires constitue une modification du contrat de travail. Il est donc vivement recommandé d’indiquer : « A titre indicatif, les horaires sont les suivants et sont susceptibles de modification. »
Le salarié peut refuser un changement d’horaire de travail qui impliquerait un bouleversement très important de ces conditions de travail. Quand l’argument invoqué est avéré, le changement constitue alors une modification du contrat comme le passage d’un horaire fixe à un horaire variant chaque semaine selon un cycle ou en cas de nouvelle répartition de l’horaire de travail ayant pour effet de priver le salarié de tout ou partie du repos dominical, même si la modification était justifiée par des impératifs de fonctionnement (Cass. soc., 5 juin 2013, n° 12-12953). Le refus du salarié est également légitime en cas de passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit (Cass. soc., 25 juin 2014, n° 13-16392).
Il est fréquent que le salarié invoque à l’appui de son refus, une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos (par exemple, en cas de nouvelle répartition des horaires, Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-14702). Dans ce cas, l’accord du salarié est requis. Il ne suffit pas de relever qu’il y a bouleversement des conditions de travail pour en déduire qu’il y a modification du contrat. Il faut que le changement d’horaire porte une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos.
L’employeur doit également tenir compte de la situation des salariés pour imposer des changements, notamment en cas de retour de congé maternité, de difficulté pour le salarié de faire garder ses enfants… Il a été jugé que « caractérise une modification du contrat la décision de l’employeur de faire travailler la salariée le mercredi au lieu du samedi alors qu’il savait, en tant que beau-frère de celle-ci, que ce changement d’horaires portait une atteinte excessive au droit au respect de sa vie personnelle et familiale de l’intéressée » (Cass. soc., 8 novembre 2011, n° 10-19339).
Les juges ne statuent pas toujours en faveur des salariés. En effet, ils ont pu juger que ne constitue pas une modification du contrat car il n’est pas démontré que le changement d’horaire portait atteinte au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, la décision de faire travailler un salarié du lundi au jeudi de 15 h à 17 h 30 et de 18 h à 21 h, le vendredi de 12 h 30 à 15 h. et de 16 h à 21 h. et le samedi de 10 h à 12 h 30 alors qu’il travaillait du lundi au vendredi de 5 h 30 à 10 h et de 15 h à 17 h et le samedi de 7 h 30 à 10 h. Les juges du fond en avaient déduit que l’employeur avait imposé un bouleversement des conditions de travail caractérisant une modification du contrat de travail (Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-14702).
L’appréciation souveraine des juges du fond en matière de modification du contrat de travail crée une insécurité juridique. La caractérisation du trouble invoqué par le salarié doit être vérifiée par écrit. Par exemple, une salariée qui s’oppose systématiquement à travailler tous les mercredis, alors que son contrat ne prévoit pas expressément qu’elle travaille du lundi au vendredi, sauf le mercredi, ne peut opposer un refus légitime pour faire échec au changement de ses conditions de travail, à moins qu’elle démontre et justifie ses raisons familiales et impérieuses l’empêchant d’accepter. Il convient de s’assurer que son refus est justifié par des difficultés de garde d’enfant par exemple (attestation de la nourrice, de la crèche, du parent si l’enfant est en garde alternée…).
Enfin, le salarié peut refuser un changement de ses horaires s’il fait obstacle à l’exercice de son mandat électif régi par l’article L. 2123-1 du code général des collectivités territoriales. Il s’agit d’un motif légitime de refus. Ce n’est pas le cas lorsque le salarié peut bénéficier d’autorisations d’absence et d’un crédit d’heures ; le refus d’un changement d’horaires est alors un motif légitime de licenciement (Cass. soc., 2 avril 2014, n° 13-11060).
En cas de refus de modification du contrat de travail du salarié, l’employeur doit alors choisir entre renoncer à la modification ou engager une procédure de licenciement à l’encontre du salarié.
La mise en œuvre par l’employeur du licenciement à la suite du refus par le salarié d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutif notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ou à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, constitue un licenciement pour motif économique, conformément à l’article L. 1233-3 du code du travail. Une procédure spécifique doit alors être rigoureusement respectée, en l’occurrence celle visée à l’article L. 1222-6.
Le licenciement peut également résulter du refus du salarié d’accepter une modification du contrat de travail prononcée à titre de sanction disciplinaire, telle qu’une mutation hors secteur géographique ou une rétrogradation. La Cour de cassation a précisé que « c’est à l’employeur qu’il appartient soit de prendre l’initiative de la rupture, soit de rétablir l’intéressé dans ses droits » (Cass. soc., 8 octobre 1987, n° 84-41902, Bull. civ. V, n° 541 ; Cass. soc., 14 janvier 1988, n° 85-43742, n° 394 P, Bull. civ. V, n° 41). La procédure de licenciement pour motif disciplinaire sera alors mise en œuvre.
Enfin, hors champ disciplinaire ou économique, le refus du salarié d’accepter une modification de son contrat de travail constitue un licenciement « sui generis ». La procédure applicable est celle du licenciement pour motif personnel.
En tout état de cause, la modification doit être justifiée au risque pour l’employeur que le salarié licencié puisse prétendre à des dommages-intérêts pour « licenciement abusif »(1). Le seul refus d’un salarié d’accepter une modification de son contrat de travail ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement. En cas de contestation du licenciement par le salarié, le juge recherchera si la nécessité pour l’employeur de procéder à la modification de son contrat est justifiée (Cass. soc., 28 janvier 2005, n° 03-40.639).
Le refus du salarié d’un changement des conditions de travail décidé par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, l’expose, et ce dans de nombreuses situations, à une sanction disciplinaire. En pratique, l’employeur engage le plus souvent une procédure de licenciement pour faute, pouvant aller jusqu’à la faute grave, qui rappelons-le est celle qui rend impossible le maintien du contrat de travail. Toutefois, le refus par un salarié d’un changement de ses conditions de travail, s’il rend son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, ne constitue pas à lui seul une faute grave (Cass. soc., 3 mai 2012, n° 10-27152).
Les juges doivent prendre en compte les répercussions sur la vie personnelle du salarié pour qualifier la rupture du contrat de travail. Par exemple, une salariée ayant refusé de travailler un samedi matin sur deux alors qu’elle avait une ancienneté de 19 années pendant lesquelles elle avait disposé librement du samedi matin a vu sa faute grave rejetée (Cass. soc., 17 octobre 2000, n° 98-42264).
Le changement des conditions de travail est présumé répondre à l’intérêt de l’entreprise. C’est donc au salarié qui conteste ce changement de démontrer que cette décision a été prise pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise ou que l’employeur l’a mise en œuvre déloyalement. En effet, la bonne foi contractuelle étant présumée, les juges n’ont pas à rechercher si la décision de l’employeur de modifier les conditions de travail d’un salarié est conforme ou non à l’intérêt de l’entreprise (Cass. soc., 3 octobre 2007, n° 06-45478).
Le licenciement consécutif à un refus de modification des conditions de travail est a priori fondé sur un motif réel et sérieux, dès lors que la modification n’est pas majeure et a été décidée sans abus de pouvoir par l’employeur. Le salarié licencié n’a donc pas droit à des dommages-intérêts pour licenciement abusif.
Enfin, l’employeur qui licencie un salarié à raison du refus par celui-ci d’un changement de ses conditions de travail, sans se prévaloir d’une faute grave, est fondé à lui imposer d’exécuter son préavis dans les conditions nouvellement prévues (Cass. soc., 25 novembre 1997, n° 95-44053, Bull. civ. V, n° 396).
La négociation d’accords collectifs peut créer de nouveaux droits pour les salariés visés dans leur champ d’application et de nouvelles obligations pour les employeurs. L’article L. 2254-1 du code du travail dispose que lorsque l’employeur est lié par les clauses d’un accord collectif, ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables. Cette règle ne pose pas de problème lorsque l’accord collectif était préexistant à l’embauche. Il en va différemment lorsque la conclusion de l’accord collectif est postérieure à l’embauche.
Il faut rappeler que par principe l’accord collectif ne « s’incorpore pas » au contrat de travail et n’engendre donc pas de modification (Cass. soc., 25 février 1998, n° 95-45171). Seule la reprise de ces dispositifs conventionnels par intégration expresse dans les contrats pourrait avoir cet effet. Ainsi, un avantage individuel incorporé au contrat de travail ne peut être remis en cause par accord collectif. Sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut, par exemple, permettre à l’employeur de procéder à la modification du contrat de travail, sans recueillir l’accord exprès du salarié (Cass. soc., 14 septembre 2016, n° 15-21794).
Autre principe utile de rappeler : la conclusion et la révision d’un accord collectif ne constituent pas une modification du contrat de travail. Les nouvelles clauses se substituent aux anciennes, sans que le salarié puisse se prévaloir d’une modification de son contrat pour en écarter l’application. La Cour de cassation a donc considéré comme s’imposant au salarié une modification de la classification résultant d’un accord d’entreprise régulièrement conclu, suite à une fusion-absorption (Cass. soc., 16 juin 1993, n° 91-45102).
Enfin, depuis la loi « El Khomri », le législateur est venu renforcer le fait que les accords collectifs peuvent prévaloir sur le contrat, grâce aux accords dits « de performance collective ». En effet, ce dernier, issu de l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 et de la loi n° 2018-217 de ratification des ordonnances du 29 mars 2018, est destiné à « répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise », ou à « préserver ou développer l’emploi », sans que des difficultés économiques soient exigées. Cet accord peut affecter l’ensemble des éléments contractuels : rémunération, durée et aménagement du temps de travail, lieu de travail, fonction, tout en écartant le principe de faveur. Le salarié qui refuse de se voir appliquer les stipulations de l’accord s’expose à un licenciement individuel qui constituera en tout état de cause une cause réelle et sérieuse. L’article L. 2254-2 (modifié par la loi du 29 mars 2018) dispose que : « (III. – Les stipulations de l’accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise. » Toutefois, « le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord. IV. – Le salarié dispose d’un délai d’un mois pour faire connaître son refus par écrit à l’employeur à compter de la date à laquelle ce dernier a informé les salariés, par tout moyen conférant date certaine et précise, de l’existence et du contenu de l’accord, ainsi que du droit de chacun d’eux d’accepter ou de refuser l’application à son contrat de travail de cet accord. V. – L’employeur dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement. Ce licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse. Ce licenciement est soumis aux seules modalités et conditions définies aux articles L. 1232-2 à L. 1232-14 ainsi qu’aux articles L. 1234-1 à L. 1234-11, L. 1234-14, L. 1234-18, L. 1234-19 et L. 1234-20. » En somme, le contenu de l’accord de performance collective s’impose au salarié.
Ainsi, le législateur a le mérite de créer de la sécurité juridique en encadrant les effets de la négociation collective sur le contrat de travail, et a fortiori de contrer les désaccords éventuels des salariés.
Les représentants du personnel au comité social économique (CSE) ne peuvent se voir imposer ni de modification du contrat de travail ni de changement de leurs conditions de travail. En cas de refus du salarié, il appartient à l’employeur, soit de le maintenir dans ses fonctions, soit d’engager la procédure spéciale de licenciement, nécessitant rappelons-le, l’autorisation de la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi).
Au cours de l’exécution du contrat de travail, l’employeur peut proposer une promotion au salarié et assortir sa décision d’affectation du salarié à un nouveau poste de travail d’une période probatoire. Dans ce cas, une telle condition requiert l’accord du salarié (Cass. soc., 16 mai 2012, n° 10-24308). Cette période probatoire est strictement encadrée dans la mesure où si l’employeur peut mettre fin à la promotion du salarié, unilatéralement pendant cette période, le salarié se trouve malgré tout protégé car il retrouve ses fonctions antérieures.
(1) Sur le montant des indemnités, voir le barème exposé à l’article L. 1235-3 du code du travail.