8 HEURES DU MATIN EN BANLIEUE PARISIENNE, la porte du centre d’accueil de jour s’ouvre. Des femmes rentrent, pressées, des sacs et des Caddie à la main. Angélique leur distribue un gobelet pour le café, un savon pour la douche, des cotons-tiges, des serviettes hygiéniques… La plupart passeront la journée ici à se reposer, à faire une lessive, à rencontrer Audrey, l’assistante sociale, pour s’inscrire au RSA, à faire un CV, à récupérer un ticket de métro… A 18 heures, il faut qu’elles repartent, le centre ferme. Pour dormir au chaud, elles doivent aller ailleurs, dans un centre d’hébergement de nuit à 50 km. A moins qu’il y ait de la place au 115, le numéro d’urgence. Audrey appelle, en vain, la ligne est toujours occupée ou sur répondeur. Selon l’Insee, en 2017, sur environ 143 000 sans-domicile fixe, 37 % sont des femmes. Mais, à la différence des hommes, on ne les voit pas car elles se cachent. La féminité est une proie quand on vit dans la rue, mieux vaut donc ne pas se montrer pour ne pas être agressée… C’est cette réalité méconnue qu’expose Les invisibles. Pour cela, le réalisateur s’est inspiré de plusieurs structures dans lesquelles il s’est rendu. Il pointe la galère des femmes sans domicile, bien sûr, mais aussi la bataille que mène la directrice pour sauver son centre, menacé de fermeture parce que l’administration lui reproche de trop « chouchouter » les accueillies, qui ne sont que 4 % à se réinsérer. Mais pour Audrey, à deux doigts de craquer, « s’il y a une femme qui s’en sort, on sera contente ». Le réalisateur a voulu également rendre hommage aux travailleurs sociaux : « Eux aussi sont invisibles, ils ont la tête sous l’eau, on ne les aide pas à aider les autres, on ne les entend presque pas, alors qu’ils font un travail exemplaire jour après jour. » Un film dans la lignée des comédies sociales anglo-saxonnes, traité avec beaucoup de finesse et d’humour, jamais larmoyant, et soutenu par le défenseur des droits en partenariat avec le Centre national du cinéma. A ne pas rater.
« Les invisibles » – Louis-Julien Petit – Sortie en salles le 9 janvier.