LA MALADIE D’ALZHEIMER EST ENCORE MAL CONNUE, mal perçue et insuffisamment prise en charge. Et, elle ne cesse de progresser. Ainsi, aujourd’hui, en France, près de 3 millions de personnes en sont directement affectées, dont 900 000 personnes malades. Avec près de 225 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année (un cas toutes les trois minutes, soit près de 616 chaque jour), la France comptera, si rien ne change, et compte tenu de l’augmentation de l’espérance de vie, 1,3 million de malades en 2020, selon les chiffres de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). A ce jour, il est impossible de guérir de la maladie d’Alzheimer, qui représente la quatrième cause de mortalité en France. Toutefois, il est prouvé qu’une activité cérébrale soutenue et sur le long terme aide à accroître plus durablement la mémoire, et donc réduit les risques de développer cette pathologie. La prévention passe par le maintien d’une activité cognitive, même simple, telle que la lecture, faire des mots croisés, jouer aux échecs, aux dames, au bridge… C’est ici qu’intervient la solution ExoStim, éditée par la société Global Stim et commercialisée depuis 2017.
Concrètement, il s’agit d’un outil d’évaluation et de stimulation cognitive personnalisé, comme l’explique Jennifer Benattar, responsable développement de la société : « C’est un véritable coach cérébral sur tablette, destiné à ceux qui souhaitent entretenir et améliorer la réactivité et les capacités de leur cerveau en termes de perception, de langage, de mémoire, de raisonnement, de décision ou de mouvement, par exemple. » Cette application a été élaborée par Lionel Lamothe, un ergothérapeute qui pratique depuis 1996 la stimulation cognitive en établissements (maisons de retraite, unités de long séjour, maisons d’accueil spécialisées…) comme auprès de particuliers (personnes âgées, enfants). Elle s’adresse, en premier lieu, à un public de professionnels tels que les référents stimulation-animation en établissement (Ehpad, accueils de jour, équipes spécialisées Alzheimer…) et, dans un second temps, à un public de particuliers (personnes âgées à domicile).
Pour l’heure, cette solution cumule 21 activités qui se travaillent de trois manières différentes. La première est le mode « aléatoire ». « Un professionnel qui n’est pas formé à la stimulation cognitive va pouvoir démarrer en deux clics une séance d’animation, affirme Jennifer Benattar. Toutes les activités démarrent au niveau 1 (sachant que chaque activité bénéficie de dix niveaux de difficulté). En fonction des résultats et des scores, ExoStim fait évoluer les niveaux dans un sens ou dans l’autre, au gré des réussites et des échecs du bénéficiaire. Par exemple, en Ehpad, un animateur peut, grâce à cet outil, faire de la vraie stimulation cognitive balisée. »
Il y a ensuite le mode « à la carte », qui favorise la prise en main pluridisciplinaire. « En Ehpad, par exemple, les psychologues sont censés faire de la prise en charge cognitive, mais ne font quasiment pas de prise en charge individuelle, poursuit la responsable du développement. Notre outil va leur permettre de catégoriser les résidents et de les faire travailler en fonction de leur état. Il suffit au psychologue de paramétrer, en moins de trois minutes, une heure de séance et de jeux, qui vont ensuite être déroulés par l’animateur ou par l’aide-soignant. Il y a donc un gain de temps préparatoire considérable pour les équipes. »
Enfin, est proposé le mode « préconisé », qui consiste à faire de la stimulation cognitive sur-mesure par le biais d’une évaluation ludique. « Le résident ou le patient réalise une série de jeux qui vont nous permettre d’évaluer de 1 à 31 fonctions cognitives, nous permettant d’avoir une cartographie complète des fonctions encore stimulables ou non, détaille Jennifer Benattar. A partir de là, nous obtenons un profil cognitif (formalisé et standardisé avec le CNRS) du patient ou du résident. ExoStim préconise alors des jeux et des activités qui vont uniquement cibler les fonctions cognitives stimulables. Le processus s’adapte donc aux capacités de la personne. Cela évite de la mettre en situation d’échec, et l’on va pouvoir évoluer avec elle. C’est-à-dire que si Exostim préconise des activités de mémoire en niveau 3 et si l’entraînement est régulier, nous observons souvent que, en l’espace de quelques semaines, les résidents passent au niveau 4. » Et de préciser : « Dans tous les modes, les maîtres mots sont entraînement et récurrence. »
En un peu moins de deux ans de commercialisation, près de 40 établissements utilisent cet outil, ce qui représente environ 400 professionnels et plus de 1 000 bénéficiaires. Le coût revient à 200 € par mois, sachant qu’ExoStim est un dispositif médical et qu’un Ehpad peut donc le faire passer en budget « soins ». « L’abonnement comprend la tablette, mais aussi et surtout une formation initiale. Car si les équipes ne sont pas formées, il n’y aura pas de résultat, précise Jennifer Benattar. Au cours de cette formation, les professionnels apprennent ce qu’est réellement la stimulation cognitive, son impact pour le bénéficiaire. En effet, quand vous expliquez qu’une anagramme permet de stimuler trois fonctions cognitives ayant chacune un rôle majeur dans la vie de tous les jours, cela permet à l’animation de prendre tout son sens. »
« ExoStim est destiné à tout le monde, conclut-elle. A l’heure actuelle, notre plus jeune utilisateur est une personne d’une quarantaine d’années qui a été greffée d’un rein et dont le traitement antirejet altère certaines de ses fonctions cognitives. Du coup, son médecin lui a prescrit de la stimulation. Mais principalement, en termes de marché, nous nous adressons aux seniors et aux Ehpad. L’usager peut être un senior qui commence à se plaindre de pertes de mémoire ou tout simplement une personne qui souhaite se rassurer sur ses capacités cognitives. »
UNE APPLICATION VALIDÉE PAR LA RECHERCHE
« ExoStim est le seul coach cérébral personnalisé validé par la recherche. C’est-à-dire que la solution est analysée et normalisée par le laboratoire des neurosciences sensorielles et cognitives de Marseille, qui dépend du CNRS, assure Jennifer Benattar. Concrètement, au fur et à mesure que l’on a de nouveaux abonnés, nous envoyons leurs résultats au CNRS, qui les analyse et nous permet de moduler l’application en fonction. » Et la responsable développement d’ajouter : « Alors que peu d’approches non médicamenteuses autour de la maladie d’Alzheimer sont évaluées et validées, nous allons aussi débuter une démarche d’étude clinique en partenariat avec le CNRS. » Si cette étude prouve l’efficacité et les bénéfices d’ExoStim, cela permettra de proposer la solution au grand public. « Ce qui devrait être le cas dès 2019, au moyens d’une levée de fonds », indique encore Jennifer Benattar.