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“Pour rendre un bon service, il faut avoir des tarifs libres”

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Dans le cadre du débat autour de la future loi « dépendance », le dirigeant de la filiale service à domicile du groupe d’établissements pour personnes âgées dépendantes défend une approche libérale de la prise en charge de la dépendance. Il considére que l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) devrait être transformée en participation au maintien à domicile (Pamad), le reste à charge devant être supporté par les personnes ou leur famille, directement ou par la souscription d’une assurance vieillesse.
À la tête de DomusVi-domicile, vous êtes chargé de développer l’offre « domicile » d’un groupe jusqu’alors centré sur l’établissement. Quel est le ressort de cette évolution stratégique ?

En fait, Yves Journel, qui est à l’origine du groupe, a toujours pensé qu’il fallait, autour des établissements, avoir des équipes qui portent à domicile le même type de services qu’en établissement. Il a été assez précurseur dans ce domaine. Il a toujours raisonné en termes de services à domicile. Il a commencé par des services de conciergerie, avant de créer DomusVi. Son idée est que l’aide à domicile doit être un mélange de différents services : d’aides à domicile, mais aussi de soins infirmiers à domicile. C’est l’intégration de ces services qui permet d’avoir une offre globale. Et il a tout de suite pensé à intégrer des équipes Alzheimer. Nous avons 57 agences en France, 19 qui intègrent soins et aide et 7 qui ont des équipes Alzheimer.

Avec cette intégration, nous sommes capables de créer de véritables parcours globaux de soins, c’est-à-dire de répondre à tous les besoins de la personne, de la course aux soins à la toilette, en passant par les activités psychosensorielles.

DomusVi a commencé sur cette base. Aujourd’hui, nous réalisons 45 millions d’euros de chiffre d’affaires, faisons travailler 2 300 personnes et réalisons 6 000 interventions par jour.

Le domicile est un marché comme un autre. Dans ma stratégie, je suis assez indépendant du groupe, mais je travaille en collaboration. On a tort d’opposer le domicile à l’établissement. Ce ne sont pas deux métiers qui s’opposent. C’est le même métier que l’on exerce de manière différente. Il peut être utile à un moment d’aller de l’Ehpad au domicile, du domicile à la résidence services. Nous venons d’ailleurs de répondre à deux appels à projets d’Ehpad à domicile. Avec nos trente ans d’expérience, nous sommes bien placés.

Pour être opérationnel, le parcours de soins doit reposer sur le partage d’informations entre les intervenants. n’est-ce pas un obstacle dans le système actuel ?

Tout à fait. Une des difficultés, lorsqu’on a commencé à travailler sur l’Ehpad à domicile était le partage ou plutôt l’absence de partage d’informations entre les agences d’aides, celles de soins et les autres prestataires. On a développé des outils fondés sur des applications qui permettent de mettre en commun les informations.

Vous participez directement ou via le Synerpa à la concertation « grand âge », en prélude à la réforme de la dépendance prévue pour 2019. Quelles sont vos demandes dans ce cadre-là ?

Sur la partie « domicile », nous demandons la liberté tarifaire. Nous sommes convaincus que pour rendre un bon service, il faut avoir des tarifs libres. On ne peut pas, avec des prix qui sont inférieurs à nos coûts de revient, proposer des prestations de qualité.

Cette liberté tarifaire laisserait un reste à charge important… Comment solvabiliser la demande ?

Tout le monde est d’accord pour dire que l’APA est une antiquité. Il n’est pas normal que le niveau soit différent selon les départements. L’APA doit devenir nationale et avoir trois niveaux, calculés en fonction du degré de dépendance (le GIR) et du niveau de revenu. Ce ne serait plus plus une aide, mais une participation au maintien à domicile (Pamad). En fonction de cette participation, les professionnels construiront un programme, un projet d’aide à domicile.

Mais rien ne dit, encore une fois, que cette participation couvre l’ensemble des charges. Il pourrait y avoir encore un reste à charge. Comment le financer ?

Il faut arrêter de croire que si l’on veut un service de qualité, il ne peut être financé que par l’Etat. Il y a un vrai travail d’éducation à faire. Quand on est parent, on aide ses enfants, notamment au moment de leurs études. On a cette culture européenne d’aider ses enfants. On a beaucoup moins la culture d’aider ses parents. Tout ne peut pas être pris en charge par la solidarité. Il faut envisager une participation des personnes et des descendants directement ou à travers des assurances vieillesse.

La création du risque « dépendance » va amener des moyens importants sur le secteur. Selon vous, comment devraient être gérés ces nouveaux moyens ?

Il faut inverser la logique. Je pense qu’il faut distribuer cet argent aux personnes et aux familles qui, à partir de cette aide « socle », bâtissent – avec des conseils de professionnels, un médecin référent – leur projet de prise en charge. Cet argent-là sera utilisé pour faire un programme le plus adapté possible. L’idée est de laisser plus de liberté aux personnes et aux familles. Cela aurait aussi pour effet de diminuer les coûts de gestion des structures, qui passent beaucoup de temps à monter des dossiers de demande d’aide aux différentes administrations. Je crois beaucoup à la notion de « guichet unique ». La distribution de cette aide passerait par un seul canal.

On oppose souvent les structures publiques aux structures privées, les premières ayant une approche sociale, les secondes étant en quête de profitabilité…

C’est débile, parce qu’on a tous un rôle à jouer, mais différent. Quand j’ai repris cette structure, elle allait mal parce qu’elle avait une approche sociale avec de l’empathie pour les personnes, ce qui est très bien, mais il n’y avait aucune démarche économique et commerciale. Du coup, elle avait les mêmes difficultés que les structures publiques et associatives, sauf que, étant privée, elle n’avait aucun parachute. On avait calqué les schémas du public sur le privé. J’ai changé cette donne en faisant venir des personnes venant d’autres secteurs : l’hôtellerie, la distribution… Ensuite, on s’est fixé des ambitions, notamment d’être le leader et le référent dans l’aide à domicile, parce que, actuellement, il n’y en a pas.

Un parcours atypique

Directeur général de DomusVi depuis 2017, Charles Dauman, 58 ans, a effectué une grande partie de son parcours dans l’industrie. De 2000 à 2011, il a été successivement directeur général de Canon, Neopost et Xerox, avant de se rapprocher du secteur des services à la personne en prenant la direction générale de Shiva.

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