Le travail réalisé par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) et l’objectif des pensions de famille portent leurs fruits : les premiers résultats qu’ils obtiennent sont positifs. Par ailleurs, les prérogatives du logement sont dans les mains de nombreux acteurs qui fonctionnent peu ensemble. Cette stratégie permet de les mettre tous à la même table et de pouvoir fixer des objectifs communs. La stratégie « logement d’abord » a créé une dynamique, et l’Etat se repositionne comme chef d’orchestre et essaye de faire avancer tout le monde dans le même sens. Mais cela risque de ne pas suffire. Pour faire du « logement d’abord », il faut d’abord avoir du logement. Et les objectifs tels qu’ils ont été décidés, pour les 40 000 prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) et pour les intermédiations locatives, ne permettent pas de lever cet obstacle. Les chiffres des expulsions s’aggravent, eux, d’année en année, puisque l’année dernière nous avons dépassé les 15 000 expulsions avec le concours de la force publique. Il y a, d’un côté, la stratégie quinquennale qui met tout le monde d’accord dans sa philosophie et, de l’autre, un certain nombre de mesures sur les bailleurs sociaux, les aides personnalisées au logement qui viennent la contredire. C’est pour cela qu’aujourd’hui le Haut Comité sort ce rapport afin de rappeler la philosophie du « logement d’abord », dont on est en train de s’éloigner.
Ce qu’il se passe dans les centres d’hébergement aujourd’hui est le fruit du dysfonctionnement d’autres politiques. Dans l’hébergement, il y a des personnes qui ne peuvent pas accéder à un logement car la politique du logement dysfonctionne ; il y a des demandeurs d’asile qui n’ont pas trouvé de place en centre d’accueil pour demandeurs d’asile, car la politique de l’asile dysfonctionne ; il y a des personnes qui ont des troubles psychiatriques et on ferme des lits en psychiatrie… Les crédits qui augmentent dans l’hébergement sont le résultat des budgets sous-dimensionnés des autres politiques publiques. Dans un système où le « logement d’abord » fonctionne, il y aurait des économies sur les postes de santé, d’emploi, de scolarité… Une personne en errance coûte deux fois plus cher qu’une personne dans un logement avec de l’accompagnement. Le « logement d’abord » requiert une logique de long terme. Or, travailler toujours dans l’urgence, comme nous le faisons, c’est ce qui nous coûte très cher.
Leur métier a changé. On est sorti de la politique du guichet et on devrait être dans de « l’aller vers », et dans la coordination avec l’ensemble des acteurs. Sur le droit au logement, la formation progresse. Il leur faut de la formation continue, mais il faut aussi des moyens : les travailleurs sociaux sont contraints de travailler dans l’urgence et dans des situations difficiles. On a pu voir énormément de souffrance du côté des professionnels dans les services de l’Etat et du côté des travailleurs sociaux qui travaillent dans l’hébergement et le logement. Le sens même de l’accompagnement est à réinterroger dans cette pratique d’urgence continue et de gestion de la pénurie. On a l’impression d’une perte de sens, d’une perte d’objectif. La logique du « logement d’abord », loin d’être un concept qu’on vient de découvrir, pousse à retrouver l’essence même du droit au logement, qui est inscrit dans la loi comme un droit fondamental et sur lequel des filtres ont été apposés petit à petit pour gérer la pénurie de places.