LE CODE DU TRAVAIL A CONNU CES DERNIÈRES ANNÉES DE PROFONDES MODIFICATIONS et un remaniement conséquent de la procédure d’inaptitude a été engagé. Un nouveau régime de l’inaptitude est ainsi entré en vigueur au 1er janvier 2017, suite à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi « travail », et à son décret d’application du 27 décembre 2016(1). Enfin, les ordonnances « Macron » ont achevé cette réforme de grande envergure(2). Réforme qui est en réalité la conséquence du rapport du groupe médical « aptitude et médecine du travail » n° 2014-142R publié en mai 2015, communément appelé rapport « Issindou ». La synthèse de ce rapport mettait en avant de manière évidente l’absence d’efficience tant de la surveillance médicale des salariés que des procédures permettant de définir l’aptitude de ces derniers ou encore des conséquences de l’inaptitude des salariés au travail.
On précisera à titre liminaire que cette étude vise à traiter de la procédure applicable à l’ensemble des salariés ne bénéficiant pas de protection particulière tels que les représentants du personnel ou les membres du comité social et économique qui bénéficient d’une protection dérogatoire et d’une procédure d’inaptitude renforcée. Ce dossier sera consacré à l’étude de l’inaptitude médicale du salarié suite à un arrêt de travail, qu’il soit d’origine professionnelle ou non professionnelle. Il s’agira d’étudier les conséquences des suites d’un arrêt de travail pour les salariés en matière de constatation de l’inaptitude comme de reclassement et enfin d’envisager, en l’absence d’autre possibilité, la rupture du contrat de travail du salarié.
La constatation de l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail peut intervenir dans le cadre de différents contextes : lors d’une visite médicale périodique, d’une visite médicale effectuée à la demande de l’employeur ou du salarié, ou encore de manière plus classique après un arrêt de travail pour accident ou maladie de droit commun ou accident de travail ou maladie professionnelle.
En pratique, le code du travail [C. trav.] prévoit que tout arrêt de travail de plus de 3 mois doit donner lieu à une visite de préreprise chez le médecin du travail permettant de vérifier l’aptitude du salarié à son poste de travail (C. trav., art. R. 4624-29). De même, doivent bénéficier d’un examen de reprises les salariés de retour après un congé maternité, une absence pour maladie professionnelle, ou encore une absence d’une durée d’au moins 30 jours pour cause d’accident de travail, de maladie ou d’accident non professionnel (C. trav., art. R. 4624-31). Au cours de toutes les visites précitées, l’aptitude du salarié à son poste de travail est vérifiée, particulièrement dans le cadre des visites suite à un arrêt de travail.
A savoir : L’employeur ne peut se dispenser de la visite médicale qui permettra de vérifier l’aptitude du salarié au poste de travail. A défaut, le salarié qui subirait un préjudice pourrait solliciter des dommages et intérêts devant le conseil de prud’hommes. L’employeur pourrait également en cas d’accident se voir reprocher l’existence d’une faute inexcusable.
Depuis la réforme relative au suivi médical des salariés et à l’inaptitude, seul le médecin du travail demeure compétent pour déclarer une inaptitude. Aucun autre membre de l’équipe médicale pluridisciplinaire ne dispose d’un tel pouvoir. On parle de compétence exclusive du médecin de travail ce que la Cour de cassation rappelait déjà auparavant (voir notamment Cass. soc., 7 juillet 2016, n° 14-26590 : la jurisprudence rendue antérieurement à la réforme de l’inaptitude demeure applicable).
L’inaptitude ne pourra être constatée lors d’une visite d’information et de prévention de manière immédiate mais nécessitera une orientation du salarié vers le médecin du travail si ce n’est pas lui qui était présent pour la visite d’information et de prévention. En effet, la nouvelle visite d’information et de prévention qui remplace la visite médicale d’aptitude à l’embauche ne vise en principe pas à déterminer une aptitude du salarié à son travail par la pratique d’un examen médical et peut être effectuée par un professionnel de santé appartenant à l’équipe médicale pluridisciplinaire.
Quant à la visite de préreprise, elle pourra permettre de constater l’inaptitude du salarié mais devra être suivie d’une visite de reprise au cours de laquelle l’inaptitude pourra être légalement déclarée.
Jusqu’à la loi « travail » et son applicabilité au 1er janvier 2017, la procédure d’inaptitude connaissait des différences entre l’inaptitude d’origine non professionnelle et professionnelle. De surcroît, le constat d’inaptitude physique intervenait en deux étapes et en principe le salarié devait subir deux examens médicaux espacés de 15 jours pour voir son inaptitude constatée. La loi « travail » introduit une simplification de la procédure et l’inaptitude physique du salarié peut dorénavant être constatée par le médecin du travail à l’issue d’un unique examen médical (C. trav., art. R. 4624-24). Ce n’est que si le médecin estime un second examen médical nécessaire que l’inaptitude sera alors déclarée à l’issue de deux visites. Dans ces conditions, la seconde visite médicale devra avoir lieu dans un délai qui n’excède pas 15 jours après le premier examen médical, de manière identique à l’ancienne procédure de déclaration d’inaptitude médicale.
Au-delà de la visite de reprise, la procédure de constatation d’inaptitude intègre d’autres étapes obligatoires. Dorénavant, le médecin du travail ne pourra constater l’inaptitude physique du salarié qu’après étude de son poste et des conditions de travail dans l’établissement (C. trav., art. R. 4624-42). A l’étude de poste par le médecin du travail s’ajoutera une procédure concertée, nouveauté de la loi « travail » du 8 août 2016. Désormais, le médecin du travail devra faire précéder le constat d’inaptitude physique du salarié d’un échange avec l’employeur et le salarié concerné.
En effet, l’article R. 4624-42 du code du travail énonce les strictes conditions qui doivent être respectées par le médecin du travail.
La réalisation de l’examen médical du salarié s’accompagne d’un échange sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste, mais également sur l’éventuelle nécessité de lui proposer un changement de poste. Le salarié est donc totalement investi dans la procédure et aura en conséquence la possibilité d’exprimer ses souhaits au médecin du travail qui pourra, dans la mesure du possible, les prendre en considération. Quant à l’échange avec l’employeur, cette condition a été intégrée afin de favoriser la possibilité réelle de reclassement. L’échange avec l’employeur peut se faire par tout moyen et correspondra en pratique à un échange téléphonique entre l’employeur et le médecin du travail. Il est utile pour l’employeur de regarder cet échange comme une réelle possibilité d’envisager un reclassement efficace du salarié ou d’adaptation du poste de travail du travailleur concerné.
Si les échanges entre le médecin du travail et l’employeur ont eu lieu au téléphone, il est conseillé à l’employeur d’effectuer un rapide compte rendu d’entretien par e-mail ou tout autre moyen afin de se garantir la preuve des échanges qui ont pu avoir lieu.
En résumé, la constatation de l’inaptitude physique du salarié devra obligatoirement intégrer un examen médical du salarié incluant un échange avec ce dernier, une étude du poste du salarié, une étude des conditions de travail dans l’établissement grâce à la fiche d’entreprise et un échange avec l’employeur.
La notification de l’avis médical d’inaptitude devra enfin intervenir au plus tard 15 jours après le premier examen ou l’unique examen médical.
Dès lors que l’inaptitude médicale du salarié est déclarée par le médecin du travail, doit s’ouvrir en principe une seconde période intégrant l’obligation pour l’employeur de chercher un procédé au reclacement du salarié. En effet, au moment où le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, il n’est plus placé en arrêt de travail. Le point de départ de l’obligation de reclassement à la charge de l’employeur est fixé dorénavant suite à l’unique examen médical de reprise (C. trav., art. R. 4624-31) ou, lorsque le médecin l’a estimé nécessaire, suite au second examen médical pratiqué dans un délai qui n’excède pas 15 jours suite au première examen (C. trav., art. R. 4624-42).
Ainsi, à compter de l’examen médical de reprise, l’employeur dispose d’un délai de 1 mois pour tenter de reclasser le salarié. Il est important de retenir que ce délai n’est pas un délai fixe et que, en réalité, le code du travail précise que le salarié doit être reclassé dans un délai de 1 mois ou licencié et si tel n’est pas le cas, l’employeur aura l’obligation de reprendre le versement des salaires correspondant à l’emploi que le salarié occupait avant la suspension de son contrat de travail (C. trav., art. L. 1226-4, concernant l’inaptitude d’origine non professionnelle, et art. L. 1226-11, concernant l’inaptitude d’origine professionnelle).
Jusqu’au 1er janvier 2017, la procédure de reclassement différait selon que l’inaptitude du salarié était d’origine professionnelle ou non professionnelle. Depuis le 1er janvier 2017 et la loi « travail » du 8 août 2016 et son décret d’application, la procédure de reclassement est unifiée et le médecin du travail devra toujours procéder de manière identique, que le salarié soit déclaré inapte en raison d’un accident ou d’une maladie de droit commun, d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Il appartiendra à l’employeur, dès lors que le médecin du travail préconise le reclassement du salarié, de respecter la procédure suivante :
• consultation du comité social et économique (CSE) – ou des délégués du personnel – concernant les possibilités de reclassement du salarié compte tenu des préconisations du médecin du travail ;
• recherche des postes de reclassement correspondant aux capacités du salarié intégrant les préconisations du médecin du travail et éventuellement l’avis des représentants du personnel si la société en dispose ;
• proposition du ou des postes de reclassement du salarié.
Afin de vérifier que l’employeur a bien satisfait à son obligation de reclassement, il est indispensable de définir quel doit être le cadre de ce reclassement et son étendue. Le code du travail précise expressément les conditions aux articles L. 1226-2-1 concernant le reclassement suite à une inaptitude d’origine non professionnelle et article L. 1226-12 du code du travail relatif à l’inaptitude d’origine professionnelle.
L’emploi proposé au salarié doit être approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin en mettant en œuvre des mesures telles que mutation, transformation ou aménagement de poste ou du temps de travail. Afin de définir le type de poste, il appartiendra à l’employeur de prendre en considération l’avis émis par le médecin du travail qui a l’obligation de prévoir des indications relatives au reclassement du travailleur. Il est donc obligatoire que l’avis d’inaptitude formulé par le médecin du travail intègre des précisions quant aux possibilités de reclassement ou au contraire aux contre-indications de reclassement sur certains types de postes ou tâches afin que l’employeur puisse de manière effective proposer des emplois compatibles avec les préconisations du médecin. De surcroît, l’employeur aura la possibilité d’interroger le médecin du travail pour avoir son avis sur les postes qu’il entend proposer au titre de reclassement du salarié (voir notamment Cass. soc., 6 mars 2017, n° 15-19674).
De même, il sera utile de consulter de nouveau le médecin du travail postérieurement à l’avis d’inaptitude si, lors de la proposition du poste au salarié, ce dernier conteste la possibilité de reclassement : la sollicitation de l’avis du médecin sur le poste proposé permettra de vérifier si ce dernier est en adéquation avec ses recommandations (Cass. soc., 22 juin 2017, n° 16-10267). En toute hypothèse, il est conseillé à l’employeur qui interrogerait de nouveau le médecin du travail sur les possibilités de reclassement après la visite d’inaptitude de prévoir une communication par écrit ou à tout le moins de confirmer la conversation téléphonique éventuelle par un e-mail ou courrier adressé au médecin du travail.
Quant au niveau d’appréciation du reclassement dans l’entreprise en cas d’inaptitude, le code du travail a restreint le périmètre de l’obligation depuis l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations du travail. Cette restriction du périmètre de reclassement est utile dans le cadre de structures appartenant à un groupe. Ainsi, depuis l’ordonnance qui s’applique désormais (entrée en vigueur le 14 septembre 2017), dès lors que l’entreprise appartient à un groupe, la recherche de reclassement est limitée. Le poste ou les postes de reclassement ne pourront être recherchés qu’au sein du territoire national, peu importe que le siège de l’entreprise dominante se situe à l’étranger ou en France. De surcroît, l’employeur ne devra opérer la recherche de reclassement au sein des différentes entreprises du groupe que dans le cadre des entreprises dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Lorsque l’employeur constate l’impossibilité totale de proposer un poste adapté au salarié, il lui incombera d’apporter la preuve de l’impossibilité totale dans laquelle il se retrouve pour procéder au reclassement.
La Cour de cassation retient en effet de manière constante que l’employeur aura l’obligation de démontrer, au besoin en interrogeant de nouveau le médecin du travail suite à l’avis d’inaptitude, qu’il ne peut pas parvenir au reclassement de son salarié (Cass. soc., 5 octobre 2016, n° 15-18205).
Les propositions de reclassement doivent toujours être sérieuses et précises afin de considérer l’obligation remplie. L’employeur doit donc formuler une offre précise et sérieuse dans un emploi compatible avec les capacités du salarié et les conclusions écrites du médecin du travail. Ce n’est que dans ces conditions qu’il pourra éventuellement évoquer l’impossibilité de reclassement.
Depuis le 1er janvier 2017, l’employeur est réputé avoir satisfait à son obligation de reclassement dès lors qu’il propose un emploi intégrant l’avis et les préconisations du médecin du travail. Cette précision n’est pas sans conséquence car la jurisprudence antérieure prévoyait que l’employeur ne pouvait prétendre avoir respecté son obligation de reclassement lorsqu’il ne proposait qu’un unique poste. Depuis la réforme de la procédure de reclassement suite à une inaptitude physique d’un salarié, les articles L. 1226-2-1 concernant l’inaptitude d’origine non professionnelle et L. 1226-12 du même code concernant l’origine professionnelle précisent expressément que l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur aura proposé un emploi prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail, dans les conditions précitées relatives à la procédure de reclassement.
Attention : Il n’existe actuellement pas de jurisprudence quant à cette nouvelle limitation de l’obligation de reclassement de l’employeur qui a très considérablement assoupli la procédure antérieure. En toute hypothèse, si l’employeur peut dorénavant se limiter à proposer un unique poste pour satisfaire la présomption de respect de l’obligation de reclassement, il conviendra d’être particulièrement prudent quant au fait que ce poste comporte de manière cumulative le fait d’être approprié aux capacités du salarié, de respecter les indications du médecin de travail et d’avoir procédé à la consultation des représentants du personnel (CSE ou, à défaut, délégués du personnel) concernant la proposition de reclassement.
L’impossibilité de reclassement peut être également due au refus du salarié du poste proposé. Afin de déterminer les conséquences, il conviendra en amont de préciser si la proposition de poste de reclassement entraîne ou non une modification du contrat de travail. En effet, conformément au droit commun, dès lors que l’employeur propose au salarié un poste intégrant une modification de son contrat de travail, le salarié est en droit de refuser sans que ce refus puisse lui être préjudiciable. Le refus de la modification du contrat de travail ne pourra en outre jamais fonder un licenciement pour l’employeur sur un motif disciplinaire dès lors que la modification ne peut intervenir qu’après acceptation du salarié.
En réalité, les propositions de postes de reclassement vont régulièrement induire une modification du contrat de travail. Ainsi, lorsque le médecin du travail proposera d’abaisser le volume horaire de travail ou limitera les mouvements du salarié, la proposition intégrera régulièrement des modifications d’éléments essentiels du contrat de travail, comme la durée de travail, le lieu de travail ou encore le poste et les attributions professionnelles. Dans cette hypothèse, en cas de refus du salarié, l’employeur ne pourra pas le sanctionner et devra, si cela lui est possible, proposer un nouveau poste de reclassement. A défaut, l’employeur caractérisera une impossibilité totale du reclassement du salarié. La Cour de cassation a ajouté de plus que le poste de reclassement, même s’il n’emporte aucune modification du contrat de travail mais un simple changement des conditions de travail, ne pourra conduire le salarié à être obligé d’accepter la proposition. Ainsi, la juridiction considère que le refus du salarié ne sera pas constitutif d’une faute grave hors cas d’abus (voir notamment Cass. soc., 26 janvier 2011, n° 09-43193). De même, si le salarié ne répond pas aux propositions de reclassement formulées par l’employeur, la Cour de cassation retient que l’employeur ne pourra de nouveau pas procéder au licenciement pour un motif disciplinaire mais devra licencier le salarié suite à l’impossibilité de reclassement après déclaration d’inaptitude (voir notamment Cass. soc., 18 avril 2000, n° 98-40314).
En principe, le salarié n’est soumis à aucune contrainte d’acceptation des propositions de reclassement de l’employeur quand bien même ces dernières seraient formulées en intégrant toutes les obligations légales. Même si le refus du salarié est constitutif d’un abus dès lors que le poste correspond exactement aux prescriptions du médecin du travail et, suite à l’avis du CSE, aux préconisations diverses et aux échanges avec le salarié, ce dernier n’a jamais d’obligation d’accepter le poste de reclassement. Qu’il s’agisse d’un refus suite à une modification du contrat ou un simple changement des conditions de travail, il appartiendra à l’employeur de prononcer le licenciement pour impossibilité de reclassement suite à l’inaptitude du salarié. En aucun cas l’employeur ne pourra décider de prononcer le licenciement pour un motif disciplinaire. En réalité, la seule sanction du refus abusif du salarié du poste de reclassement sera la privation de l’indemnité spéciale de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis fixées par l’article L. 1226-14 du code du travail dans le cadre de l’inaptitude d’origine professionnelle.
Enfin, on peut s’interroger sur la mise en œuvre d’une clause de mobilité prévue au contrat de travail du salarié pour permettre à l’employeur de satisfaire à son obligation de reclassement. La Cour de cassation répond de manière claire que l’employeur ne pourra mettre en œuvre la clause de mobilité que lorsqu’il justifie ne pas pouvoir procéder au reclassement dans un poste plus proche du lieu de travail actuel du salarié. A ce titre, il est également utile de rappeler que le fait pour le salarié de préciser à son employeur un périmètre géographique de reclassement n’est pas suffisant pour dispenser l’employeur de son obligation de reclassement sur l’intégralité du territoire couvert par l’entreprise (voir notamment Cass. soc., 26 octobre 2010, n° 09-65687).
Depuis 2015, le législateur a entendu intégrer au processus de déclaration d’inaptitude et de reclassement certaines exceptions issues de problèmes rencontrés dans la pratique. La loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue sociale et à l’emploi avait déjà introduit une exception à l’obligation de reclassement pour les salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle dès lors que l’avis d’inaptitude mentionnait que : « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ». Dorénavant, et depuis la loi « travail », cette faculté de dispense de l’obligation de reclassement lorsque le maintien du salarié dans un emploi est gravement préjudiciable à sa santé a été ouverte à l’inaptitude d’origine non professionnelle. De surcroît, il convient de relever que l’avis retient que le maintien du salarié est gravement préjudiciable dans un emploi et non plus dans l’entreprise comme cela était prévu précédemment. Cette rectification permet d’éviter aux entreprises ou aux structures appartenant à un groupe de devoir, faute de précision, rechercher éventuellement un reclassement dans les autres entreprises du groupe alors même que le médecin du travail a déclaré le salarié inapte sans possibilité réelle de reclassement.
Cette exonération d’obligation de recherche de reclassement pour l’employeur a été complétée par un second cas introduit par la loi « travail » s’appliquant à partir du 1er janvier 2017. Lors de la visite de reprise, le médecin du travail peut décider que : « L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi » et exclure de ce fait l’obligation de reclassement de l’employeur.
Dans le cadre des deux dispenses, l’employeur pourra en conséquence engager la procédure de licenciement sans avoir à rechercher et démontrer une impossibilité de reclassement.
En conclusion, dès lors que le reclassement du salarié s’avérera impossible et quelle que soit la raison évoquée, l’employeur n’aura d’autre choix que de prononcer au licenciement pour impossibilité de reclassement et inaptitude.
La contestation des avis, propositions, conclusions écrites ou indications rendus par le médecin du travail a fait l’objet de profondes modifications issues de la loi « travail » du 8 août 2016 puis de la réforme « Macron » (dernière modification issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018). L’employeur qui entend contester l’avis médical d’inaptitude rendu par le médecin du travail a l’obligation de saisir le conseil de prud’hommes en référé dans un délai de 15 jours suivant la notification de l’avis médical. L’employeur comme le salarié ont ainsi la possibilité de saisir la juridiction de toute contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale. L’article L. 4624-7 du code du travail prévoit que l’employeur aura la faculté de désigner un médecin pour obtenir la transmission des éléments médicaux ayant fondé la décision du médecin du travail. Il est en pratique indispensable de prévoir un recours à la désignation d’un médecin qui sera seul habilité à prendre connaissance du dossier médical du salarié. Il ne s’agira toutefois pas, pour le médecin désigné par l’employeur, de procéder à une contre-expertise médicale mais d’indiquer à l’employeur sans révéler d’éléments soumis au secret médical un avis permettant de l’éclairer sur la proposition ou l’avis du médecin du travail.
Le médecin du travail est informé de la contestation mais ne sera pas partie au litige devant la juridiction prudhommale.
La décision rendue par le conseil de prud’hommes, après éventuelle mesure d’instruction auprès du médecin inspecteur du travail compétent, se substituera à l’avis, à la proposition, aux conclusions écrites ou aux indications contestés.
A savoir : Le conseil de prud’hommes peut décider, par décision motivée, de ne pas mettre tout ou partie des honoraires et frais d’expertise à la charge de la partie perdante mais de les répartir entre les deux parties au litige lorsque l’action en justice n’était ni dilatoire ni abusive (C. trav., art. L. 4624-7).
La constatation de l’inaptitude ne peut être effectuée que par le médecin du travail. Cependant, certaines situations peuvent amener le salarié à présenter un arrêt de travail à son employeur émanant de son médecin traitant précisant une éventuelle inaptitude à son poste. Cette situation n’est pas sans conséquence. Il est en effet impossible pour l’employeur de donner pouvoir à la visite d’inaptitude qui serait prononcée par le médecin traitant du salarié. De jurisprudence constante, il appartiendra à l’employeur qui se verrait opposer un avis d’inaptitude médicale établi par un médecin traitant de saisir immédiatement le médecin du travail afin de fixer une visite médicale pour constater l’aptitude ou l’inaptitude du salarié à son poste de travail (Cass. soc., 8 octobre 1987, n° 84-45449).
Attention : La rupture du contrat de travail suite au prononcé d’une inaptitude par un médecin traitant entraînera invariablement la nullité du licenciement prononcé : l’absence d’avis du médecin de travail conduit à considérer que le salarié a été licencié alors même qu’il n’était pas déclaré inapte à son poste de travail.
La visite médicale de reprise du salarié suite à un arrêt de travail doit avoir lieu dans les 8 jours suivant la date de fin de l’arrêt prescrit par le médecin traitant. Le code du travail précise qu’elle doit intervenir en principe le jour prévu de reprise et à défaut dans les 8 jours qui suivent la reprise. Une question récurrente se pose quant au fait de laisser le salarié reprendre son poste de travail dans l’attente de cette visite qui pourra éventuellement conduire à une inaptitude au poste de travail. Afin de vérifier par avance l’aptitude ou non du salarié, il est conseillé en premier lieu de déclencher auprès des services de médecine du travail une visite de préreprise. En l’absence de cette dernière, nous conseillons à l’employeur de dispenser le salarié d’activité dans l’attente de la visite de reprise et de la déclaration d’aptitude ou d’inaptitude au poste.
Si le code du travail prévoit que la rupture de la période d’essai est libre pour l’employeur comme pour le salarié (voir ASH n° 3077 du 28-09-18, p. 40), se pose la question de cette liberté s’agissant d’une situation dans laquelle le salarié serait inapte à son poste de travail. De jurisprudence ancienne et constante, la Cour de cassation retient que la procédure d’inaptitude demeure applicable pendant la période d’essai (voir notamment Cass. soc., 25 février 1997, n° 97-40185). Il appartiendra à l’employeur, si l’inaptitude du salarié devait être reconnue, de respecter la procédure de déclaration d’inaptitude et son obligation de tentative de reclassement dans les conditions légales : l’employeur ne pourra à aucun moment se dispenser de la procédure classique.
Attention : Si le salarié parvenait à rapporter la preuve d’un lien de causalité entre la rupture du contrat de travail et son état de santé, la rupture de la période d’essai revêtirait un caractère nul car fondée sur l’état de santé du salarié.
Avant le 1er janvier 2017, la procédure prévoyait l’obligation de constater l’inaptitude physique en deux visites médicales espacées de 15 jours. Pendant cette période, le salarié n’était pas rémunéré et ne percevait par ailleurs plus d’indemnités journalières de la sécurité sociale car l’arrêt de travail avait pris fin. Le code du travail n’a pas intégré de dispositions relatives à la rémunération du salarié pendant cette période et l’on peut considérer alors que le salarié ne sera pas rémunéré, comme dans le cadre du régime antérieur.
L’obligation de reclassement n’est prévue par le code du travail que dans le cadre du prononcé d’un avis d’inaptitude par le médecin du travail, hormis les deux cas de dispenses (voir ci-contre). Qu’en est-il cependant de l’avis du médecin du travail qui intégrerait une aptitude et des réserves ? L’avis d’aptitude avec réserves ne justifie à aucun moment l’engagement d’une procédure de reclassement. En effet, l’aptitude qu’elle soit prononcée avec ou sans réserves entraîne obligatoirement le retour du salarié sur son poste de travail et la fixation d’éventuels aménagements de poste. Il n’est en aucun cas possible pour l’employeur de déclencher la procédure de reclassement et éventuellement de licenciement suite à l’impossibilité de reclassement du salarié.
On pourra noter que les modèles d’avis d’aptitude et d’inaptitude fixés par arrêté du 16 octobre 2017 ne prévoient pas la possibilité d’indiquer sur l’avis d’aptitude des réserves. Le médecin du travail sera alors dans l’obligation de fournir un document annexe précisant les mesures individuelles d’aménagement du poste qu’il souhaite voir prendre par l’employeur.
« Le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que :
1° s’il a réalisé au moins un examen médical de l’intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ;
2° s’il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ;
3° s’il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l’établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée ;
4° s’il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l’employeur.
Ces échanges avec l’employeur et le travailleur permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le médecin du travail entend adresser.
S’il estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, le médecin réalise ce second examen dans un délai qui n’excède pas quinze jours après le premier examen. La notification de l’avis médical d’inaptitude intervient au plus tard à cette date.
Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
(1) Décret n° 2016-1908 relatif à la modernisation de la médecine du travail.
(2) Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail complétée par le décret n° 2017-1698 du 15 décembre 2017.