ON EXPLIQUE SOUVENT LES RÉVOLTES, VOIRE LES RÉVOLUTIONS, par le fait que la société légale est en décalage, en retard sur la société réelle. En 1789, l’aristocratie n’a pas vu la montée de la bourgeoisie, et en Mai 68, le pouvoir gaulliste n’a pas compris l’émergence de la génération « jeunes », pour ne prendre que ces deux exemples. Avec l’homophobie et les violences homophobes, on a l’impression d’assister au phénomène inverse. La société légale semble en avance sur la société réelle. Le mariage pour tous a consacré et, d’une certaine façon, légitimé et banalisé l’homosexualité. Même si cette réforme était approuvée par une majorité de Français, elle a donné lieu à d’importantes manifestations au cours desquelles les slogans.
flirtaient avec l’homophobie. Cinq ans après – et alors que le mariage pour tous est entrée dans les mœurs –, des groupes comme Sens commun continuent le combat, d’autant que se profile l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux femmes seules et à celles en couple lesbien.
Notre enquête montre que l’homophobie et les violences contre les homosexuel(le)s augmentent. Pourquoi ce décalage inversé entre la société légale et la société réelle, entre un affichage parfaitement admis, en particulier dans les médias de l’orientation homosexuelle, et ces réactions ?
La raison est sans doute universelle : le rejet de l’autre, de la différence, qui s’exprime d’autant plus que les réseaux sociaux libèrent la parole et peuvent ainsi créer des communautés dont les membres peuvent, à bon compte, se sentir forts et en nombre. Dans une société fracturée, fragilisée, l’autre – le différent – constitue une menace potentielle. C’est un bouc émissaire. Dans un autre domaine, l’antisémitisme n’a pas d’autres ressorts. Les actes antisémites sont d’ailleurs en augmentation. Le gouvernement vient de présenter des nouvelles mesures de lutte contre l’homophobie. Soit, mais il manque toujours à ces plans, la dimension pédagogique, l’explication que la diversité fait partie de la vie.