Recevoir la newsletter

Des mesures en attente d’un plan

Article réservé aux abonnés

Image

Des mesures en attente d’un plan

Crédit photo Nathalie Auphant
Le 26 novembre dernier, des mesures pour renforcer la lutte contre les violences homophobes ont été présentées par Marlène Schiappa. Les annonces de la secrétaire d’Etat en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations interviennent alors que le nombre des actes « LGBTphobes » a progressé de 15 % de janvier à septembre 2018 par rapport à la même période en 2017. Des chiffres qui illustrent l’ancrage de l’homophobie et de la transphobie en France.

« LA PEUR, L’IGNORANCE ET LA HAINE NOURRISSENT L’HOMOPHOBIE. Nous, pouvoirs publics, pouvons et devons lutter contre ce fléau par l’éducation et la répression. L’homophobie n’est jamais une opinion », c’est ainsi que Marlène Schiappa a introduit la présentation de sa série de mesures pour renforcer la lutte contre les violences homophobes le 26 novembre dernier. Des annonces qui font suite au discours d’Emmanuel Macron le 12 novembre. Le président de la République déclarait à l’époque : « Le gouvernement combattra les discours de haine, particulièrement envers les personnes LGBT… » Des déclarations et des mesures qui ont été guidées par les chiffres dévoilés par le ministère de l’Intérieur qui fait état d’une progression de 15 % des actes « LGBTphobes » de janvier à septembre 2018 par rapport à la même période en 2017. La place Beauvau avait comptabilisé 1 026 victimes d’infractions à caractère homophobe ou transphobe en 2017, dont 262 actes de violences physiques. Une progression qui se vérifie également par une hausse de 37 % en septembre 2018 du nombre des témoignages reçus par SOS homophobie par rapport à septembre 2017. Certains pourraient expliquer cette progression par une libération de la parole, les victimes osant désormais parler, réagir, témoigner, porter plainte par le fait d’une exposition médiatique plus grande des agressions. Des éléments qui laissent néanmoins penser qu’il y a un ancrage profond de l’homophobie et de la transphobie dans la société française. Le gouvernement a donc décidé de prendre des mesures pour renforcer la lutte contre ces violences.

Éduquer et réprimer

Si l’homosexualité n’est plus une maladie mentale en France depuis 1981 ou encore pénalement répréhensible depuis 1982, elle n’est pas pour autant normalisée dans notre pays. Preuve en est, s’il en fallait une après les chiffres donnés précédemment, cette enquête Ifop réalisée cette année pour l’observatoire LGBT+ de la Fondation Jean-Jaurès et la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah). Ses résultats montrent que 53 % des personnes LGBT ont déjà été confrontées au cours de leur vie à au moins une forme d’agression anti-LGBT, un chiffre qui monte à 65 % pour les seuls homosexuels dont l’orientation sexuelle est généralement plus visible selon l’Ifop.

Ce sont ainsi onze mesures qui ont été annoncées pour lutter contre ces violences par Marlène Schiappa, lors du conseil des ministres du 26 novembre. Parmi elles, des formations obligatoires qui seront mises en place dans les écoles de police et de gendarmerie, des surveillants pénitentiaires, des magistrats et des professeurs – les travailleurs sociaux ne sont pas nommés dans ce plan de formation, une absence qui n’a pas échappé aux associations LGBT qui le regrettent –, le déploiement d’une campagne de sensibilisation contre les violences homophobes et transphobes dans les collèges et les lycées dès janvier prochain ou encore une nouvelle campagne de communication de lutte contre la haine anti-LGBT en 2019. Des mesures qui veulent lutter contre les préjugés.

Néanmoins, l’éducation et la sensibilisation ne peuvent pas tout régler à court terme, les passages à l’acte de violences « LGBTphobies » nécessitent une réponse immédiate avec un volet judiciaire, mais ce dernier existe déjà… Nicole Belloubet, la ministre de la Justice, adressera prochainement, en lien avec la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice, une circulaire rappelant l’arsenal législatif et pénal existant et mobilisant de manière accrue les pôles anti-discriminations contre les « LGBTphobies ». Mais au-delà d’un rappel législatif, certaines associations pointent du doigt la nécessité de repartir sur une nouvelle sensibilisation des magistrats sur les violences homophobes pour éviter des réactions inadaptées. Des situations dont a été témoin notamment l’avocat de l’association Le Refuge, par exemple, lors de la défense d’un jeune homosexuel qui avait dérobé de l’argent à ses parents avant de fuir le domicile familial car il ne supportait plus leur comportement homophobe. Le juge en charge de cette affaire a interpellé le jeune homme en lui disant : « Vous comprenez vos parents, quand même… » Une réaction qui peut interroger sur la sensibilité de ce juge envers la souffrance de ce jeune homme victime d’homophobie par ses propres parents.

Par ailleurs, des référents « lutte contre la haine anti-LGBT » seront désignés dans tous les commissariats de police et les casernes de gendarmerie. Ces derniers bénéficieront d’une formation dédiée à l’accueil des victimes d’actes de haine. Concernant Internet, alors que les réseaux sociaux sont un lieu où les messages et les attaques homophobes sont très répandus et représentaient 22 % des témoignages reçus par SOS homophobie en 2017 (voir graphique ci-dessous), des opérations de « testing » vont être mises en place par la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos) en partenariat avec une association LGBT, ceci permettant de tester la réactivité des réseaux sociaux dans la suppression des messages anti-LGBT. Une mesure très bien accueillie comme celle qui énonce qu’une ligne d’écoute pour les personnes LGBT va être dédiée en Guadeloupe et en Martinique, territoires où les associations sont démunies face à l’ampleur des violences « LGBTphobies », cette ligne d’écoute devant ouvrir courant 2019.

Les associations en demandent plus

Des mesures qui laissent entendre une prise de conscience des pouvoirs publics sur ce problème. Cependant, les associations restent sur leur faim. Pour Joël Deumier, le président de SOS homophobie, ces annonces sont un premier pas : « Certaines mesures doivent être complétées. Je note également l’absence de l’enseignement des luttes LGBT à l’école. Cette histoire doit être enseignée pour sensibiliser et informer les jeunes générations. » Et de rappeler le contexte : « Les personnes LGBT ont longtemps été persécutées par les pouvoirs publics et par la société. L’homophobie, qui est aujourd’hui ancrée dans les mentalités, ne vient pas de nulle part. » Pour aller dans ce sens, le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, s’engage à favoriser le développement des interventions en milieu scolaire des associations agréées engagées dans la lutte contre la haine anti-LGBT. Une mesure qui laisse perplexes certaines associations alors même que depuis 2015, « le sujet de l’homophobie a été explicitement libellé dans les programmes d’enseignement moral et civique ». Et de préciser : « Conjointement, l’institution d’un parcours citoyen de l’élève permet d’inscrire toutes les actions de prévention et de lutte contre les discriminations, notamment homophobes, dans le cadre de la transmission et du partage des valeurs de la République. » Une information que l’on peut lire sur le site Iinternet du ministère de l’Education nationale et qui n’a pas échappé à Frédéric Gal, directeur général de l’association Le Refuge, qui fête ses 15 ans d’existence auprès des jeunes homosexuels isolés. Il témoigne des difficultés à rentrer dans les établissements scolaires : « On se heurte à la réalité du terrain, certains directeurs d’établissement ne veulent pas accueillir les associations LGBT en arguant que c’est un problème mineur. »

Frédéric Gal pose également la question de la planification et de la coordination de ces mesures et des moyens qui vont y être alloués : « Si l’on met en place ces mesures de manière isolée et sans lien les unes avec les autres, on ne fera que reproduire ce que l’on fait déjà et qui n’a pas grand intérêt. En revanche, la mise en connexion de ces mesures est plus utile et pertinente mais cela nécessite des moyens. » Un volet financier qui n’a pas été abordé par Marlène Schiappa lors de la présentation de ces mesures. Cela sera certainement fait à l’occasion de l’annonce du nouveau plan national de mobilisation contre la haine et les discriminations anti-LGBT qui devrait avoir lieu au cours du premier trimestre 2019, suite à l’évaluation anticipée du précédent plan, piloté par la Dilcrah, par la Commission nationale des droits de l’Homme. Rendez-vous donc au plus tard fin mars 2019, selon l’engagement du gouvernement, pour vérifier si ce plan apportera des mesures à la hauteur des demandes des associations LGBT pour lutter contre la recrudescence des actes « LGBTphobies ».

En résumé

• Depuis 1981 l’homosexualité n’est plus une maladie mentale en France et n’est plus pénalement répréhensible depuis 1982.

• + 15 % des actes « LGBTphobes » de janvier à septembre 2018 par rapport à 2017.

• + 37 % du nombre des témoignages reçus par SOS homophobie en septembre 2018 par rapport à septembre 2017.

L’événement

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur