LA « SILVER ÉCONOMIE » A ÉTÉ LANCÉE EN FRANCE en 2013 sous l’impulsion de Michèle Delaunay, ministre déléguée aux personnes âgées et à l’autonomie, et Arnaud Montebourg, ministre de l’Economie. En perte de vitesse ces dernières années, elle a été officiellement relancée le 22 octobre par Agnès Buzyn. Pour la ministre des Solidarités et de la Santé, « le développement de cette filière doit permettre de valoriser un savoir-faire, c’est-à-dire une excellence française reconnue au plan mondial dans les domaines de la médecine, des industries électro-technologiques, du numérique, de la domotique ou encore des services à la personne et des établissements d’hébergement pour personnes âgées [Ehpad] ». C’est dans ce contexte qu’a eu lieu, les 27 et 28 novembre, à Paris, le salon Silver Eco Expo dont l’ambition est « de contribuer à valoriser l’offre de la filière française de la silver économie ». L’un des temps forts de cette sixième édition a été la conférence « Rester autonome plus longtemps grâce aux assistants vocaux et aux robots, quels enjeux pour les seniors ? ».
« Dans le champ des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et encore plus dans celui des services à domicile, la France a un retard tout à fait considérable dans la mise en place de la domotique, de la robotique », souligne en préambule Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées dépendantes (Synerpa) avant d’estimer toutefois que « nous avons fait de grands progrès dans les dix dernières années pour équiper nos Ehpad de dispositifs permettant d’aider les soignants à mieux faire leur travail ». Pour le psychiatre Serge Tisseron, « l’utilisation de robots ou d’assistants vocaux est un phénomène irréversible en raison de la place grandissante que prennent les objets technologiques dans nos vies ».
Cependant, celui-ci nuance quelque peu son propos : « En revanche, rien ne doit être considéré comme irréversible. Par exemple, aujourd’hui, nous nous habituons à interagir avec des voix sans parfois savoir si elles émanent d’un être humain ou d’une machine. Le problème est que si l’on s’habitue à cela, un jour on sera accueilli par des hôtesses sans savoir si ce sont des humains ou des androïdes. »
De son côté, Bertrand Boudin, chef de projet technologies pour l’autonomie chez Médialis, considère que « la question est de savoir comment nous allons négocier les usages de ces technologies ». Selon lui, « il faut intégrer très tôt les utilisateurs dans la conception de ces technologies pour éviter qu’elles ne soient conceptualisées seulement par des ingénieurs qui ne connaissent pas forcément dans le détail le quotidien d’une personne âgée. Il ne faut pas que ces ingénieurs imposent des modes de pensée ou des modes d’accompagnement qui seraient peut-être inadaptés par rapport à l’éthique soignante ou, plus généralement, à la relation humaine. »
« Avec ces outils, nous allons créer de nouvelles pratiques, de nouveaux usages, poursuit-il. Nous allons donc être obligés de créer de nouvelles règles, de nouvelles normes. Dès lors, il est très important que chacun s’empare de ces outils, cherche à les comprendre pour éviter d’être, d’une certaine manière, dominé par eux. » Des propos partagés par Florence Arnaiz-Maumé, pour qui « il faut que les nouvelles technologies participent aux animations, aident le personnel, aident la prise de contact, mais en aucun cas elles ne doivent être le contact à la place de l’humain ». Et de conclure : « Depuis des années, on nous dit que le robot va remplacer l’humain. Non, ce n’est pas du tout comme cela que nous l’envisageons. Le robot doit être une aide à l’humain dans le relationnel. Il ne peut en être autrement. »