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L’Ehpad face à la fin de vie

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Parce qu’ils accueillent des personnes plus âgées et plus dépendantes que par le passé, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sont de plus en plus confrontés à la question de l’accompagnement de la fin de la vie. Une évolution qu’analyse la Drees, chargée des statistiques des ministères sociaux, dans une étude quadriennale rendue publique. Le point en quatre idées phares.

UN QUART DES PERSONNES DÉCÉDÉES EN FRANCE RÉSIDENT EN EHPAD AU MOMENT DE LEUR DÉCÈS. C’est l’un des enseignements de la longue enquête de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), menée tous les quatre ans auprès des Ehpad. Selon ce service des ministères des Solidarités et de la Santé, du Travail et du Budget, le nombre de personnes mortes en Ehpad augmente. En 2015, sur 594 000 personnes décédées en France, 150 000 résidaient en Ehpad. Soit 25 % des décès enregistrés sur l’ensemble du territoire contre 23 % lors de la dernière enquête réalisée en 2011. Une proportion qui atteint 35 % si l’on ne prend en compte que les décès survenus chez les personnes de 75 ans ou plus.

La raison de ces évolutions ? L’âge moyen des résidents et leur niveau de dépendance qui augmentent. La moitié des personnes décédées au cours de l’année au sein de l’établissement avaient ainsi plus de 90 ans et 73 % des résidents décédés étaient sévèrement dépendants (GIR 1 et 2). Pour une majorité des résidents, l’Ehpad devient donc leur dernier lieu de vie et le lieu de leur décès. 82 % des sorties définitives sont ainsi dues au décès du résident, contre 77 % en 2011. « Parmi les sorties qui ne sont pas directement causées par le décès du résident, 45 % correspondent à un transfert vers un autre Ehpad », précise le rapport de la Drees.

Les motifs de sortie divergent selon le statut juridique de l’établissement. Dans les établissements privés à but non lucratif et publics non hospitaliers, neuf sorties sur dix correspondent ainsi à un décès. Ce n’est le cas que de 73 % des sorties dans les Ehpad privés commerciaux et de 76 % dans le public hospitalier. Dans le privé lucratif, plus d’un quart des sorties sont dues à un changement de structure ou à un retour à domicile à l’initiative du résident ou de ses proches. Tandis qu’en Ehpad public hospitalier, les sorties à l’initiative de l’établissement en raison de l’état de santé du résident sont plus fréquentes.

Une population plus féminine

Un quart, donc, des personnes décédées résident en Ehpad. Et bien plus encore si l’on ne tient compte que de la population féminine. Un tiers des femmes décédées en 2015 vivaient ainsi en Ehpad, contre 16 % des hommes. Ce déséquilibre s’explique par le fait que les femmes, à l’espérance de vie plus élevée, sont plus nombreuses à vivre en établissement. Elles passent plus fréquemment leurs dernières années de vie en Ehpad. « Les femmes décèdent à des âges plus élevés et après des séjours plus longs que les hommes », souligne la Drees. Les femmes sorties d’hébergement permanent en Ehpad pour cause de décès avaient en moyenne un peu plus de 90 ans. C’est trois ans de plus que les hommes. Et elles vivaient en moyenne depuis trois ans et sept mois au sein de l’établissement (un an de plus que les hommes).

Les hommes accueillis en Ehpad, eux, ont une probabilité plus forte de décéder à l’hôpital plutôt qu’au sein de l’établissement. Il en va de même pour les personnes plus jeunes, moins dépendantes et présentes dans l’établissement depuis moins longtemps. « On peut penser qu’il s’agit de décès plus souvent dus à des maladies aiguës, à des accidents, ou relevant de trajectoires de fin de vie de type 1 (évolution progressive et phase terminale bien identifiée) ou 2 (déclin graduel ponctué par des épisodes aigus de détérioration) », estime la Drees. Ces trajectoires sont associées à des maladies, conduisant à un décès plus jeune et qui touchent davantage les hommes parmi les résidents d’Ehpad : pathologies broncho-pulmonaires et cancers en particulier.

« Le fait d’avoir été reconnu comme handicapé avant 60 ans accroît également la probabilité de décéder à l’hôpital, probablement du fait de comorbidités ou d’une prise en charge plus complexe, ajoute la Drees. Cela constitue peut-être un élément supplémentaire qui témoigne de la difficulté pour les Ehpad de prendre en charge ces personnes, y compris dans la fin de vie. »

La Drees s’est également intéressée à la durée du séjour en Ehpad qui demeure quasiment stable depuis 2011. Les personnes ayant quitté un Ehpad en 2015 étaient restées en moyenne 2 ans et 11 mois, contre 2 ans et 10 mois en 2011. Bien sûr, les personnes qui décèdent au sein de l’établissement y restent aussi plus longtemps que celles qui quittent l’établissement pour d’autres raisons, par exemple à leur initiative ou parce que leur contrat de séjour a été résilié. Mais la durée de séjour varie surtout selon leur parcours avant l’entrée dans l’Ehpad où ces personnes sont mortes. « Le logement antérieur semble être assez révélateur de l’état de santé de la personne à son entrée [dans l’Ehpad], souligne ainsi l’étude de la Drees. Les personnes venant du domicile ou après un séjour en établissement non médicalisé arriveraient en meilleure santé que celles venant de services hospitaliers ou de structures médicalisées, ce qui expliquerait leur espérance de vie plus élevée. » De même, les personnes venues d’établissements psychiatriques ou pour adultes en situation de handicap restent en moyenne plus longtemps que les autres en Ehpad avant de décéder. Et pour cause : même si elles décèdent souvent plus jeunes que les autres résidents, elles entrent aussi en établissement à un âge moins élevé. La moitié des résidents morts en Ehpad après avoir vécu dans un établissement pour adultes handicapés avaient ainsi moins de 70 ans.

Fait positif : la prise en compte de la fin de vie a progressé. Le plan national 2015-2018 pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement en fin de vie y est pour quelque chose. Et au sein des établissements, la sensibilisation à cette problématique s’est accrue. Fin 2015, la majorité des Ehpad avaient mis en place des procédures spécifiques ou passé des conventions pour faire intervenir des personnes externes dans le cadre de soins palliatifs. Près de 5 500 Ehpad, soit trois établissements sur quatre, avaient, à cette date, signé une convention avec une équipe mobile de soins palliatifs (EMSP) ou un réseau de santé en soins palliatifs (RSSP) (voir encadré ci-contre).

Par exemple, fin 2015, près de 64 % des Ehpad avaient signé une convention avec une EMSP alors qu’ils n’étaient que 50 % en 2011. Un bémol toutefois : ils ne la mobilisent que rarement. Seules 12 340 personnes décédées en 2015 auraient bénéficié de l’intervention d’une EMSP en Ehpad et 3 490 de celle d’un RSSP, soit seulement 10 % des personnes décédées. On peut penser que les besoins sont bien plus importants. Selon le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, plus de 62 % des personnes de 65 ans ou plus mortes en 2014 auraient été susceptibles de relever de soins palliatifs. « Et il est vraisemblable, appuie la Drees, que cette proportion soit plus élevée parmi les personnes accueillies en Ehpad. »

Sur cette question des soins palliatifs, les établissements publics hospitaliers affichent quelques spécificités. De manière logique, ils travaillent moins souvent que les autres avec des réseaux de santé ou des équipes mobiles de soins palliatifs. Et pour cause, ces établissements sont souvent rattachés à des structures sanitaires, qui n’ont pas l’utilité de ce type de conventions. Leur projet d’établissement est aussi plus souvent doté d’un volet « soins palliatifs ». Et à l’inverse, les établissements publics non hospitaliers ont davantage recours à des équipes mobiles.

« Les conditions de décès des résidents en Ehpad posent la question du degré de médicalisation souhaitable des établissements », concluent les auteurs de l’étude. Plus globalement, elles interrogent la nature du lieu, à la fois nouveau « chez-soi » et lieu de soins. Et à cet égard, les Ehpad, quels qu’ils soient, ont développé une meilleure culture palliative ces dernières années (voir page 26), prompte à mieux accompagner la fin de vie.

Qui fait quoi ?

• Toutes les données de l’enquête Drees sont en ligne sur son site à la rubrique open-data, établissements de santé sociaux et médico-sociaux.

• En janvier 2018, l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm), aujourd’hui intégrée à la Haute Autorité de santé (HAS), publiait son rapport « Accompagner la fin de vie des personnes âgées en Ehpad » dans lequel elle émet ses recommandations.

• Les EMSP ont un rôle de conseil et d’expertise auprès des autres professionnels. Ils peuvent se déplacer à la demande des établissements, auprès des soignants, du patient et de son entourage.

• Les RSSP mobilisent, coordonnent et conseillent l’ensemble des acteurs sanitaires et sociaux sur un territoire avec pour objectif de permettre aux patients d’accéder à des soins palliatifs de qualité quel que soit le lieu de leur prise en charge.

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