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Paro, complément ou substitut de l’humain ?

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La Mutualité française a évalué l’impact de la peluche robotisée dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes auprès de résidents atteints de troubles cognitifs. Son influence sur le lien social entre personnel soignant et résidents ainsi que sur la douleur induite par les soins est notamment mesurée.

GÉNÉRATEUR DE BIEN-ÊTRE SUR PATTES ou gadget électronique ? Pour Paro, le robot-phoque dont l’introduction progressive dans le milieu médico-social a fait grand bruit, c’est l’heure du bilan. Un rapport d’évaluation, mené par la Mutualité française et présenté le 24 octobre, rassemble les conclusions d’une expérimentation lancée en 2016, durant dix-huit mois, dans 11 résidences mutualistes de la Loire et de la Haute-Loire. A partir des observations et des entretiens réalisés, il relève « des effets bénéfiques, tant sur la relation que sur la prise en charge médicale » des résidents atteints de troubles cognitifs. Premièrement, les manifestations comportementales de douleur sont « significativement moins nombreuses lors des soins accompagnés par Paro », employé comme « stimuli distracteur » destiné à détourner l’attention du patient de la douleur potentielle du soin. Il est aussi utilisé dans les Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) comme thérapie non médicamenteuse, afin d’éviter les médicaments distribués « si besoin », en cas de crise du patient.

Une utilisation au Paro-xysme de la crise

Selon le rapport, la « gestion de crise » représente d’ailleurs l’usage majoritaire de Paro. Le robot est alors utilisé pour canaliser le patient lors d’épisodes d’anxiété, de solitude, de déambulation, d’agressivité… Un effet secondaire indésirable est cependant à noter : « L’usage individuel de Paro isole la personne qui s’en sert, notamment – mais pas uniquement – lorsqu’il est utilisé sans soignant accompagnant. » Le patient risque d’oublier l’environnement, de séquestrer jalousement la peluche pour son usage personnel ou d’être montré du doigt par le groupe. La présence du soignant, de manière conjointe à la peluche, paraît ainsi nécessaire pour éviter cet écueil ainsi que les querelles qui peuvent advenir entre résidents se disputant sa propriété. A signaler également, au rang des défauts de Paro, le poids de l’appareil, « unanimement reconnu comme trop lourd », qui empêche qu’un résident puisse le transporter et devient « une cause de rejet après un temps d’usage ». Quant à la potentielle assimilation du robot à un animal, qui permettrait aux patients de jouir des bénéfices de la zoothérapie, elle est balayée par l’étude, qui indique que, « dans la plupart des cas observés », les utilisateurs « jouent le jeu ». Ils ne croient pas que Paro ait « une personnalité et des sentiments », mais se laissent aller « à une projection empathique avec cet objet relationnel et émotionnel ».

L’observation est cependant contradictoire avec les témoignages d’autres Ehpad, dont celui de la Villa du Tertre, à Saint-Parres-aux-Tertres (Aube), première acquéreuse française de Paro. Corinne Noisnel, assistante de soins en gérontologie, rapporte l’histoire d’une patiente, qui, quand elle se trouve en présence du « petit phoque » – dont la professionnelle dissimule l’activation grâce à une pression entre les deux nageoires –, se comporte avec lui « comme si l’animal était réel, lui raconte ses malheurs et en est transformée ». La professionnelle le reconnaît : « C’est un outil de travail attendrissant, avec ses petits yeux langoureux. Même les soignants se prennent au jeu et le caressent parfois machinalement quand ils parlent avec les patients. » Cathy Mignon, la directrice de l’établissement, ne voit pas cette personnification d’un mauvais œil : « Certains résidents dont la capacité de jugement est altérée pensent qu’il est réellement vivant, et il n’est pas nécessaire de les détromper en leur donnant une information qui ne sera pas forcément retenue. »

Un lubrificateur d’interactions sociales

Quand bien même la symbolique accordée au robot diffère selon les résidents, « les échanges de regards, l’expression des émotions, l’usage du toucher et le rapprochement physique entre l’aide-soignant et le résident » sont favorisés, note le rapport. Qui précise que les résidents « sont plus enthousiastes » et manifestent « davantage d’interactions à valeur positive », bien que, de manière globale, les interactions ne soient pas plus nombreuses.

Certaines conditions sont cependant nécessaires à un déploiement efficient de Paro : une « stabilité du personnel référent » dans un « espace restreint », ainsi qu’une « prédisposition des résidents », qui ne doivent être ni « trop agités », ni « trop stables » (la « stabilité émotionnelle » étant entendue comme une conséquence directe de l’adaptation du traitement). Certains n’acceptent d’ailleurs pas la présence du robot, sans que l’étude arrive à dresser un profil type des récalcitrants. Le refus n’est pas systématique, mais correspond plutôt « au choix circonstancié d’une personne » relatif à l’humeur et au contexte – sauf pour les personnes phobiques, notamment des animaux, chez qui il est assez constant. Les craintes des résidents peuvent être liées au coût de l’objet, à la peur de le casser, d’être infantilisés, à l’identification du robot à un nouveau-né…

L’étude soulève également les difficultés d’ordre organisationnel éprouvées par les aides-soignants, qui ne sont pas remplacés lorsqu’ils mettent en place les activités avec Paro. Pour que son introduction dans l’établissement ne soit pas pour l’équipe un énième écartèlement moral entre investissement et rentabilité, le soutien de l’établissement – qui doit également veiller à ce que celle-ci ne se sente pas dépossédée de son travail par le robot – est « primordial », insiste le rapport. Un équilibre crucial, afin que Paro soit une source de valorisation du personnel, de bien-être pour les résidents, et non un facteur de turn-over.

Repères

Peluche robotisée en forme de bébé phoque, qui se recharge grâce à une tétine, Paro est un outil socio-pédagogique utilisé en ateliers d’animation de groupe et en thérapie relationnelle individuelle pour les personnes atteintes d’Alzheimer ou de maladies apparentées. A un stade sévère de la maladie, il peut devenir un élément de thérapie non médicamenteuse en agissant sur la stimulation cognitive et l’amélioration de la communication. Le phoque a été choisi pour l’innocence qu’il véhicule dans l’inconscient collectif, au lieu d’un animal domestique qui pourrait être associé à un mauvais souvenir – frayeur ou blessure – chez certaines personnes.

Equipé de sept moteurs qui lui permettent d’actionner son corps depuis la queue jusqu’à la tête, ainsi que de capteurs et de microphones, il peut interagir avec le patient en adaptant son comportement pour communiquer diverses émotions, comme la joie ou le mécontentement.

Développé dès 1993, le phoque à la fourrure blanche et aux yeux de velours a été commercialisé au Japon en 2005, aux Etats-Unis en 2010 et en France en 2014.

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