C’EST UN OVNI DANS LE PAYSAGE SOLIDAIRE FRANÇAIS. Fondé en 1949 par l’abbé Pierre, le mouvement Emmaüs se définit selon un principe : mêler le social, l’aide aux personnes en situation de grande précarité et la solidarité, et redonner à chaque personne sa dignité en lui permettant d’aider à son tour. Singulier, ce mouvement s’est d’abord développé par la base, en créant des structures indépendantes partout en France. Il faudra attendre 1985 pour voir le réseau se coordonner autour d’un siège fédéral, à Paris.
Cette histoire explique l’organisation de la fédération. Si le siège vient en soutien de toutes les entités sur des fonctions transversales (communication, finances, plaidoyers…), il ne « dirige » pas le réseau. L’ADN du « mouvement », c’est une alliance de structures autonomes aux valeurs communes.
Historiquement, Emmaüs a commencé par deux piliers. D’un côté, un maillage toujours plus étendu de communautés (119 à ce jour) où, chaque année, 8 000 compagnons en situation de rupture sociale, souvent à la rue, peuvent vivre, travailler et se reconstruire. « Déprogrammateur d’obsolescence », le réseau des communautés est pionnier de l’économie circulaire, assurant son indépendance financière par la récupération, la réparation et la revente de meubles, d’objets ou d’appareils d’occasion.
L’autre activité historique consiste à offrir un toit à chacun, par l’intermédiaire d’un réseau d’hébergement d’urgence (logements semi-autonomes, foyers, pensions de famille…) permettant plus de 500 000 nuitées par an.
Au fil du temps, Emmaüs a dû s’adapter à l’évolution du profil des pauvretés, notamment à l’apparition du chômage de masse. Le mouvement a ainsi agrégé de nombreuses associations, fédérations ou entreprises sociales pour répondre à de nouveaux enjeux tels que l’insertion.
Aujourd’hui, Emmaüs France fédère 288 « groupes » aux profils divers, dans 94 départements. Et, à côté des communautés, 77 structures se dédient à l’action sociale et au logement : SOS Familles (58 antennes accompagnant les familles en difficulté), la Fondation Abbé-Pierre (logement), Emmaüs Solidarité (hébergement d’urgence)… Une troisième branche se spécialise dans l’économie solidaire et l’insertion, avec des entités comme Emmaüs Défi (innovation sociale et chantiers d’insertion), Le Relais, etc.
Récemment, Emmaüs Connect a été créé pour s’emparer d’un nouveau défi : la précarité numérique et la lutte contre l’illectronisme. Une vague digitale qui a abouti à la création, il y a trois ans, du site marchand solidaire Label Emmaüs, vitrine de vente pour tous les acteurs du mouvement.
• 18 000 personnes participant au mouvement Emmaüs (compagnons, salariés, bénévoles, personnes accueillies…).
• 470 espaces de vente répartis en France, plus une boutique en ligne.
• 127 300 tonnes de produits collectées par les communautés.
• 12 600 personnes domiciliées dans les structures d’hébergement.
Lors de l’assemblée générale, à la fin mai, Hubert Trapet a pris la succession de Thierry Kuhn à la présidence de la fédération. Agé de 72 ans, cet ingénieur a fait carrière dans les ressources humaines et la formation, étant successivement DRH d’une division de Thomson-CSF (ex-Thales) ou consultant chez Cegos, leader de la formation pour adultes. En 1997, il participe à la création de l’INSTA Paris, centre privé de formation d’apprentis qu’il préside toujours, formant 600 étudiants aux métiers de la comptabilité, de la gestion et de l’informatique. De 2005 à 2014, il devient maire du village de Pontigny (Yonne) et vice-président de la communauté de communes de la vallée du Serein.
Depuis sa retraite, Hubert Trapet se consacre au mouvement Emmaüs, d’abord comme président de la communauté d’Auxerre, puis, de 2012 à 2018, comme président de l’UACE, structure immobilière du mouvement. Depuis 2014, il est trésorier de la fédération. Un administrateur ne pouvant effectuer plus de trois mandats consécutifs, il devra, à son tour, passer la main en 2020.