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« Répondre aux besoins du justiciable »

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Laëtitia Avia et Didier Paris sont les rapporteurs du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice.
Quelle est l’intention prédominante du législateur avec ce projet de loi ?

Didier Paris : Comme tout autre service public, notre justice se doit d’être plus simple, plus accessible, plus moderne et plus efficace tout en conservant un haut niveau de qualité. Avec ce projet de loi, nous avons l’ambition d’une justice qui réponde aux besoins du justiciable et s’adapte à la vie des Français. D’importants moyens y seront consacrés. Nous avons d’ores et déjà voté un budget en forte hausse avec 6 500 emplois créés. Par ailleurs, 15 000 places de prison seront construites pour lutter contre la surpopulation carcérale.

Laëtitia Avia : Il nous faut effectivement renouer le lien de confiance entre nos concitoyens et les institutions judiciaires. Pour de trop nombreuses personnes, la justice est aujourd’hui synonyme de complexité et de lenteur. On ne sait pas toujours auprès de quel tribunal engager une action judiciaire, ni par quels moyens. Quant aux peines pénales, on constate tant un problème d’exécution des peines prononcées, que d’efficacité de celles-ci pour lutter contre la récidive. L’objet de ce projet de loi est de remédier à cela. Il nous faut simplifier les procédures, recentrer chacun des acteurs sur son champ d’action, rendre notre justice plus lisible, plus accessible, et plus efficace. Il s’agit aussi de faire entrer de plain-pied la justice dans le XXIe siècle en passant de l’ère informatique à l’ère numérique. Pour atteindre ces objectifs, et comme l’a indiqué mon collègue Didier Paris, le budget de la Justice va s’accroître de 24 % durant le quinquennat pour atteindre 8,3milliards d’euros en 2022. 500 millions d’euros seront consacrés à la transition numérique de la justice.

Le projet de loi a fait couler beaucoup d’encre chez les professionnels de la justice et même chez le défenseur des droits qui vous a présenté son avis le 31 octobre. Tous s’inquiètent notamment d’une surnumérisation de la justice et de sa déshumanisation. Comprenez-vous cette inquiétude ?

L. A. : Il ne faut pas avoir peur du numérique. Il fait partie du quotidien de nombreux Français. Aujourd’hui, on peut exercer de nombreuses démarches administratives via Internet, mais pas engager d’action en justice. On peut payer les impôts mais pas demander d’aide juridictionnelle. On peut suivre une commande, mais pas une procédure judiciaire. Cela n’a pas de sens. La transformation numérique répond à une demande de nos concitoyens et permettra d’ailleurs à beaucoup de personnes de mieux faire valoir leurs droits, grâce à cette adaptation du système à la modernité.

Mais cela ne veut pas dire que nous oublions ceux qui sont touchés par l’illectronisme. C’est la raison pour laquelle de nombreux garde-fous ont été posés. Le numérique ne doit pas être une contrainte, mais une opportunité.

Sur les réformes en matière pénale, les critiques des avocats ont été particulièrement acides. Le barreau de Paris a notamment fait une conférence de presse pour dénoncer des atteintes aux droits de la défense. Que leur répondez-vous ?

D. P : J’estime que les dispositions concernées suscitent des inquiétudes infondées voire des fantasmes, par ignorance ou incompréhension.

Le projet de loi prévoit la possibilité pour une victime qui le souhaite de porter plainte en ligne, ce qui garantira un traitement rapide des plaintes de masse, type escroquerie à la carte bleue. Elle ne dispensera en aucun cas le déclenchement d’investigations. Nous avons d’ailleurs voté des dispositions garantissant le maintien d’un contact physique avec les services d’enquête. Il s’agit là d’une mesure de proximité, parfaitement respectueuse des droits de la victime. Par ailleurs, l’article 35 du texte clarifie et étend le dispositif de visio-conférence, qui était déjà largement utilisé (auditions, interrogatoires), en prévoyant qu’il pourra y être recouru en cas de prolongation de la détention provisoire. Des précautions majeures sont prises pour garantir les droits de la défense : le prévenu doit pouvoir s’entretenir avec son avocat de manière confidentielle et ce dernier doit pouvoir se trouver auprès de son client ou auprès du juge. Enfin, le prévenu peut refuser la visioconférence lors de l’audience statuant sur son placement en détention provisoire. Ce dispositif est donc équilibré et parfaitement respectueux des libertés individuelles.

Concernant l’expérimentation de l’oralisation de la notification des droits d’une personne entendue, arrêtée ou placée en garde à vue, elle permet de faciliter la tâche des enquêteurs sans que soient nullement remis en cause les droits de la défense. Il s’agit simplement de simplifier le travail des forces de sécurité par l’utilisation de techniques modernes qui ont fait irruption depuis un moment déjà dans notre quotidien.

Un de mes amendements pose le principe d’une dématérialisation qui permettra le déploiement de la procédure pénale dans un format numérique de l’enquête jusqu’à sa transmission au parquet puis à la juridiction de jugement. Mais l’exercice de leurs droits par les victimes et les personnes poursuivies n’est nullement concerné par ce dispositif.

Si vous deviez ne retenir qu’une disposition du projet de loi, laquelle serait-elle ?

L. A. : Je retiendrais deux mesures. La première concerne la réforme du divorce, car c’est malheureusement une procédure qui touche tout le monde, d’une manière ou d’une autre : nous avons tous déjà été confrontés à un divorce ; que ce soit celui d’un membre de sa famille, de son entourage, de ses amis. La procédure actuelle est longue, coûteuse et pénible pour ceux qui divorcent. Nous avons donc voulu simplifier les choses : la longue phase de conciliation obligatoire est supprimée, la procédure réorganisée afin de rendre le divorce le moins conflictuel possible et nous réduisons de deux à un an le délai d’altération définitive du lien conjugal.

En plus de la réforme du divorce, je tiens à souligner le renforcement de la culture du règlement amiable des litiges. En cours de procédure, un juge pourra proposer aux parties de rencontrer un médiateur : c’est un véritable changement de paradigme. C’est assumer que le juge n’est pas l’alpha et l’oméga de la résolution des litiges et que les parties peuvent parfois par elles-mêmes parvenir à un accord.

D. P : Je tiens beaucoup à la nouvelle échelle des peines. La détention doit bien sûr demeurer un recours possible quand le pacte social est rompu mais elle ne peut demeurer la seule référence dans notre droit pénal. La détention de très courte durée n’offre aucun intérêt en termes de réparation et a l’inconvénient d’accentuer la marginalisation de l’auteur des faits. Une peine utile est une peine individualisée, qui sanctionne, répare, prévient la récidive et favorise la réinsertion. Le projet de loi, en plaçant la détention à domicile sous surveillance électronique et le travail d’intérêt général respectivement aux deuxième et troisième niveaux après la détention, donne tout leur sens à ces peines modernes et dynamiques.

Peut-on espérer un accord entre les deux chambres en commission mixte paritaire ? Quels sont les points sur lesquels vous accepteriez de transiger avec le Sénat, qui avait méthodiquement détricoté le texte initial ?

L. A. : Nous espérons évidemment une commission mixte paritaire conclusive. C’est notre objectif. Si l’Assemblée nationale a des points de divergence avec le Sénat, nous avons aussi trouvé beaucoup de points d’accord. C’est notamment le cas de l’article 3 relatif aux obligations des sites Internet de médiation, de conciliation et d’arbitrage tel que voté au Sénat et que nous n’avons que très peu modifié, pour l’équilibrer. Je pense aussi à la nécessité de fusionner les tribunaux d’instance et de grande instance sur laquelle le Sénat et l’Assemblée nationale s’accordent. Aussi, nous n’avons aucune opposition de principe et toutes les observations constructives du Sénat seront discutées lors de la commission mixte paritaire.

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