« IL NOUS FAUT DÉSORMAIS PASSER LE CAP DE LA MATURITÉ. » David Séguéla, le président du Groupement national des animateurs en gérontologie (GAG), a le regard résolument tourné vers l’avenir. Et ce 13e Congrès national de l’animation et de l’accompagnement en gérontologie (Cnaag) l’a rappelé avec force. Confronté au défi du vieillissement, face à l’évolution démographique, à la dépendance accrue des personnes et à une institution en crise, le métier d’animateur social doit se réinventer et repenser son rôle. Les enjeux sont clairs : gagner en pertinence, affirmer son identité et ses valeurs pour ne pas perdre de vue sa vocation… sociale. « En 2000, lorsque le GAG s’est créé, les animateurs professionnels n’étaient pas nombreux. Les emplois jeunes ont donné un élan à la profession et permis de la structurer, rappelle David Séguéla. Dix-huit ans après, on entend les inquiétudes, notre responsabilité n’est pas d’attendre que beaucoup de professionnels soient en difficulté mais de donner les clés pour innover dans l’accompagnement des personnes âgées. »
Et cette innovation passera par la capacité des équipes à penser le quotidien social des personnes, au-delà de la seule réponse soignante trop longtemps privilégiée en établissement. « Le poids médical et la dépendance sont une réalité qu’on ne peut pas nier. La question, c’est de savoir comment les contrer pour apporter aussi de la vie, explique Valère Socirat. Pour ce directeur d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) dans l’Oise, la personne accueillie doit recomposer sa vie autour d’un trépied : le soin, l’hébergement et la restauration – « le moral des troupes, donc un sujet important ! » – et l’animation. A condition de penser cette animation, non selon une notion d’activité mais de relation à l’autre, qui constitue le véritable ciment de la vie sociale. « Pour un établissement, le défi du quotidien social, c’est de parvenir, malgré les contraintes institutionnelles, à garantir cette relation. C’est elle qui permettra à la personne de faire émerger ses propres envies », poursuit Valère Socirat. Et c’est en quelque sorte ce que confirme une micro-enquête réalisée auprès des professionnels et présentée en ouverture du congrès. Pour eux, le quotidien social relève d’abord de la relation quotidienne avec le personnel avant d’être une question d’activités et d’animation.
Le rôle de l’animateur est ainsi de comprendre l’individu comme personne pour répondre à ses besoins et à ses souhaits. « L’animateur doit connaître l’histoire des événements de la personne mais aussi son récit de vie, c’est-à-dire la manière dont elle a été imprégnée de ces événements, considère le sociologue Richard Vercauteren. Cela nécessite de s’interroger sur la personne construite par la société et sur ses réactions personnelles. » Concrètement, penser le lien social implique d’abord d’éviter les ruptures, qui commencent par le départ du domicile, puis d’assurer au mieux un continuum de vie en adoptant une conduite adaptée. « A nous de rechercher ce qui fait le quotidien social de la personne, pour comprendre comment elle peut réagir », souligne le sociologue.
Cette notion de quotidien social s’inscrit nécessairement au sein d’équipes pluridisciplinaires. « L’animation est l’affaire de tous », rappelle David Séguéla. Et elle implique un partage des compétences. La question est de savoir comment on l’organise, avec quelle dynamique d’équipe. Choisit-on de privilégier la transférabilité des compétences ? L’établissement se saisit de compétences, les personnes sont alors interchangeables. Ou met-on l’accent sur la transversalité des compétences ? Ce qui suppose que chacun puisse les exprimer librement pour les transmettre et tendre vers une harmonisation des visions. « Les deux dynamiques s’opèrent sans qu’elles soient opposables, convient le président du Groupement national des animateurs en gérontologie. Mais ce sont des stratégies qu’il convient de maîtriser pour organiser l’action collective et faire participer les différents experts au projet personnalisé des résidents. »
Moment de réflexion, ce 13e congrès était aussi l’occasion d’annoncer et de préfigurer une 14e édition un peu particulière. Quinze ans après une première édition, les deuxièmes Etats généraux de l’animation sociale auront lieu à Bordeaux les 26 et 27 novembre 2019. Et toute l’année sera consacrée à sa préparation. Un peu partout en France, le GAG veut s’appuyer sur les réseaux de l’animation pour opérer ce que l’association appelle un « GAG tour ». Objectifs : amorcer la réflexion ensemble et identifier les problématiques du quotidien, issues des territoires. « On veut poser les bases de l’animation à dix, quinze ou vingt ans », explique le président David Séguéla. Un objectif ambitieux mais ô combien nécessaire pour faire face aux défis de l’animation.
Tout le monde a en mémoire le succès d’Huguette the Power, chorale décoiffante récompensée l’an dernier aux Anim’Awards et propulsée par la suite sur la scène du Grand Rex à Paris. Cette année, le jury de ce concours organisé dans le cadre du congrès, a remis son prix à l’Ehpad de la baie d’Audierne (Finistère) pour son projet intergénérationnel « Guerre et paix, les résidents d’Audierne portent et passent l’histoire ». Depuis 2011, la structure travaille en partenariat avec une classe de CM2 du territoire. Cette année, elle avait proposé à ses résidents de témoigner de la manière dont ils avaient vécu la Seconde Guerre mondiale. Une trentaine de personnes, âgées de 80 à 95 ans, se sont prêtées à l’exercice. La plupart avaient, à l’époque du conflit, l’âge des enfants scolarisés aujourd’hui en CM2. « Les résidents étaient contents de transmettre leur histoire et de partager, aussi, ces témoignages avec leurs familles qui ont parfois découvert des éléments de ce vécu », explique Marie-Laure Jan, animatrice à l’Ehpad. Outre les moments de témoignage, le projet a fait l’objet de rencontres autour de jeux pour apprendre à se connaître, ou de séances d’écriture de poèmes sur le thème de la paix…