Recevoir la newsletter

« L’enferment des enfants est extrêmement violent »

Article réservé aux abonnés

Professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris Descartes, cheffe de service de la Maison de Solenn et spécialiste de psychiatrie trans­culturelle.
Le nombre d’enfants en centre de rétention administratif a été multiplié par sept entre 2013 et 2017. Concrètement, quels sont les effets d’un tel enfermement sur les enfants ?

Les effets ne sont pas les mêmes selon l’âge. Les plus grands, les adolescents, se représentent un peu mieux ce qui est en train de se passer, ils peuvent ainsi s’imaginer que c’est transitoire et qu’il n’y a pas de risque de mort. C’est différent pour les plus petits, l’enfermement est d’une violence terrible car ils ne perçoivent pas que cette situation est temporaire et la notion de temps est floue. Les empêcher d’être des enfants – de jouer, de sortir, de se promener, d’avoir une vie normale – a des conséquences catastrophiques notamment sur leur sommeil et leur appétit. Certains enfants s’arrêtent de grandir, c’est leur développement même qui est compromis. D’autres ont des symptômes tels que des pelades, des décolorations, de l’eczéma… Mais outre les fonctions vitales, cela touche la confiance que les enfants ont dans le monde des adultes, qui est censé les protéger. L’enfermement est extrêmement violent aussi bien dans leur corps que philosophiquement.

Aujourd’hui, 11 centres de rétention sont habilités pour accueillir les familles, des airs de jeu et des activités sont proposés. Est-ce que cela change l’impact que cet enfermement peut avoir sur les enfants ?

Aménager les conditions à l’intérieur de ces centres de rétention n’est pas suffisant, c’est le principe même d’enfermement qui fait du mal aux enfants. J’ai ainsi vu des enfants qui sortaient de centre de rétention qui suçaient leur pouce, ils étaient devenus énurétiques, ils avaient peur de tout.

Les effets sont certainement plus visibles chez les plus petits mais on ne peut pas dire qu’il n’y a pas d’effet sur les adolescents. Il y a par exemple un sentiment d’injustice très prégnant. C’est le cas notamment des mineurs isolés, alors qu’ils ont subi un parcours très difficile pour arriver en France, le fait de se retrouver dans un centre de rétention et face à l’échec, c’est très dur.

Certains pourraient se cacher derrière le principe de résilience pour justifier le maintien des enfants en rétention, qu’en pensez-vous ?

La résilience ne veut pas dire que l’enfant n’a pas de traumatisme face aux violences qu’il a subies. Les enfants qui deviennent résilients parviennent à transformer les violences vécues en quelque chose qui les rend plus forts, mais cela ne veut pas dire qu’ils n’en souffrent plus.

Mais tous les enfants ne sont pas résilients, certains d’entre eux sont totalement perdus après cet enfermement, ils ont parfois des syndromes post-traumatiques. Cette privation de liberté est une forme de violence absolue pour les enfants et adolescents, ils perdent souvent l’estime d’eux-mêmes et la confiance aux autres, et particulièrement envers les adultes. Il est très difficile de se construire en partant de ce traumatisme.

L’événement

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur