EN MATIÈRE DE FORMATION PROFESSIONNELLE, la loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018 a profondément rebattu les cartes. Aujourd’hui, les entreprises doivent adhérer à un Opca (organisme paritaire collecteur agréé) chargé de collecter et de répartir les fonds de la formation entre leurs entreprises adhérentes. Avec la nouvelle loi, au 1er janvier 2019, les Opca céderont leur place aux opérateurs de compétences (Opco). C’est à ces nouveaux acteurs paritaires que reviendra, demain, la gestion des fonds des entreprises dévolus au plan de développement des compétences des entreprises de moins de 50 salariés, mais aussi aux politiques d’alternance (contrats d’apprentissage et de professionnalisation) des branches.
Problème. Si les Opca étaient 20, les Opco ne seront normalement que 11 et « regroupés par filières cohérentes ». Or les entreprises relevant des activités sanitaires, sociales et médico-sociales se répartissent actuellement entre une demi-douzaine d’organismes : Unifaf pour le sanitaire, social et médico-social à but non lucratif ; Uniformation pour les acteurs du lien familial et social et l’aide à domicile sous statut associatif ; Actalians pour l’hospitalisation privée et les professions de santé exerçant au statut libéral ; Agefos PME pour les services de santé au travail ; Opcalia pour la puériculture…
Dans ces conditions, les négociations qui vont s’engager dans les discussions relatives au futur opérateur de compétences du champ de la santé et du médico-social s’apparentent à un difficile exercice d’équilibriste ! Rien de moins que la constitution d’un opérateur unique chapeautant le financement des politiques de formation de l’ensemble de la filière, dans toutes ses composantes. Une gageure ?
Sept fédérations d’employeurs du champ médical, social et médico-social (la Croix-Rouge française, le Synerpa, la Fehap, la FHP, Nexem, l’UNA et Unicancer) ont appelé, début novembre, les ministres du Travail et de la Santé à la constitution d’un grand Opco santé et médico-social à construire à partir d’Unifaf, l’actuel Opca des activités sanitaires, sociales et médico-sociales à but non lucratif. Plusieurs mouvements de branches vont d’ailleurs dans ce sens : le Synerpa, la FHP et l’UNA ont récemment quitté leur Opca (Actalians, qui regroupait professions libérales et hospitalisation privée) pour rejoindre le futur opérateur de compétences, et Presanse, la fédération de la santé au travail, a fait de même en quittant le giron d’Agefos PME (interprofessionnel).
Mais, en parallèle, d’autres secteurs appelés à intégrer l’opérateur de compétences en construction font de la résistance. C’est le cas des branches des professionnels libéraux de santé, qui semblent bouder le futur Opco de la santé pour lui préférer celui des services de proximité (Opco PEPS), en cours de création sous l’égide de l’U2P, la confédération patronale des artisans et des professions libérales. Pour Michel Chassang, président de l’UNAPL (l’une des composantes de l’U2P), ce choix s’explique avant tout par une question de structuration des entreprises adhérentes : « L’Opco du médico-social sera avant tout l’opérateur des grands établissements de santé. Pas celui des cabinets de libéraux, qui restent des TPE dont le fonctionnement a peu de points communs avec le monde hospitalier », explique-t-il. Comme pour lui donner raison, les fédérations de chirurgiens-dentistes viennent récemment de signer les accords nécessaires à leur ralliement à l’Opco PEPS.
Autres réfractaires, les entreprises relevant du secteur de l’aide à domicile se déchirent sur le choix de leur future adhésion. Sur les huit fédérations d’employeurs du secteur, deux ont fait le choix de l’Opco santé, trois, de celui des services de proximité, et quatre, de celui de la cohésion sociale ! Pas simple, donc. « Le problème, c’est que le secteur des services à la personne n’est pas assez bordé légalement pour appartenir de plein droit au secteur de la santé, partagé entre les entreprises qui font réellement de l’accompagnement sanitaire et social et celles qui proposent de petits services de type jardinage ou bricolage… sans compter celles qui font les deux », résume Eric Deniset. L’exercice s’annonce ardu, mais l’exécutif a d’ores et déjà prévenu : si les Opco ne sont pas jugés suffisamment cohérents, c’est l’Etat qui, en dernier recours, provoquera les mariages forcés…