L’ARTICLE L. 1231-1 DU CODE DU TRAVAIL PRÉCISE : « Le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié, ou d’un commun d’accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre.
Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d’essai. »
Lorsque l’on s’attache à la rupture du contrat de travail par le salarié, le premier mode de rupture envisagé est bien évidemment la démission. Mais en réalité, il existe plusieurs facultés de rupture pour le salarié qui aura ainsi également la possibilité de rompre le contrat de travail aux torts de son employeur et de solliciter du conseil de prud’hommes de qualifier lesdites fautes comme suffisamment graves pour justifier le prononcé d’une rupture à ses torts. Enfin, ce dossier consacrera également un focus sur la rupture commune à l’initiative du salarié comme de l’employeur : la rupture conventionnelle. Pour précision, les modes de rupture envisagés dans le cadre de ce dossier juridique seront limités à la rupture du contrat de travail à la durée indéterminée, mode classique d’emploi salarié. Seront donc exclues les modalités de rupture spécifiques aux contrats à durée déterminée, aux contrats de travail temporaire et aux périodes d’essai, quel que soit le type de contrat.
Le code du travail ne fait pas mention des conditions relatives à la démission, mode de rupture classique du contrat de travail par le salarié. Ne sont ainsi visées que les modalités relatives spécifiques au préavis que le salarié devra effectuer. En pratique, la démission naît de la volonté claire et non équivoque du salarié de rompre son contrat de travail. S’il semble que ce mode de rupture ne nécessite pas de précisions spécifiques, en réalité la rupture à l’initiative du salarié a généré de nombreux litiges : la volonté claire et non équivoque est régulièrement remise en question. La jurisprudence précise à ce titre qu’une démission doit être présentée librement et exclure tout reproche ou grief à l’encontre de l’employeur.
Le code du travail ne s’étant pas saisi de la démission et de la mise en place de ses conditions, il est difficile de prévoir une forme obligatoire à sa remise. Ainsi, le salarié est tout à fait admis à présenter sa démission oralement ou encore par email ou courrier simple. En pratique, il est conseillé au salarié de présenter sa démission selon un mode de transmission permettant de donner une date certaine à cette dernière. En effet, cela permet ensuite de déterminer notamment le point de départ de l’éventuel préavis avant la sortie de l’entreprise.
Si la forme de la démission est tout à fait libre, se pose la question de sa motivation. Le salarié doit-il, lorsqu’il souhaite quitter l’entreprise, expliquer pourquoi il envisage la rupture de son contrat de travail ? La jurisprudence répond constamment par la négative et le salarié ne doit en aucun cas justifier à son employeur d’un motif de rupture de son contrat de travail. En revanche, la Cour de cassation demeure très vigilante quant à une motivation cachée de la rupture du contrat à l’initiative du salarié. En effet, la volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail induit nécessairement que le salarié n’est pas contraint de démissionner à la suite de pressions de son employeur ou d’éventuels manquements de ce dernier (Cass. soc., 9 mai 2007, n° 05-40375 et s.).
La démission, si elle doit être libre et réfléchie, ne peut en principe avoir aucune motivation, qu’il s’agisse de reproches à l’encontre de l’employeur ou d’altérations de la volonté du salarié.
Attention : La Cour de cassation rappelle régulièrement que la démission ne pourra être légalement reconnue qu’en dehors de toute pression de l’employeur. Les menaces illégitimes de licenciement, la « mise au placard » ou encore les pressions exercées constituent un comportement fautif de l’employeur qui viendra souvent exclure la qualification de démission. De jurisprudence constante, la Cour de cassation retient également que la lettre de démission qui serait signée par un salarié à la demande de son employeur ne sera pas constitutive d’une rupture à l’initiative du salarié. Elle pourra conduire l’employeur à être condamné par les juridictions au versement de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail (Cass. soc., 3 avril 2001, n° 99-40010).
Autre interrogation : comment qualifier la démission remise par le salarié à la suite d’un mouvement de colère ou d’humeur ? Peut-on considérer que le fait qu’un salarié claquant la porte après une réunion houleuse et précisant qu’il ne reviendra plus dans l’entreprise est bien constitutif d’une démission ? La Cour de cassation répond régulièrement par la négative : une démission présentée suite à une altercation ou sous l’impulsion de la colère ne doit pas être considérée comme définitive (voir notamment Cass. soc., 10 février 1993, n° 90-41703). Dans ces conditions, il sera indispensable que le salarié précise de nouveau sa volonté de quitter son emploi afin de garantir la réalité de la démission présentée précédemment.
Légalement, la démission présentée par le salarié n’appelle pas de réaction de la part de l’employeur : il ne lui appartient pas de juger de l’opportunité et du bien-fondé de sa démission.
En revanche, la réponse de l’employeur peut être utile pour permettre d’acter la rupture du contrat de travail et surtout de valider la réception du courrier adressé par le salarié ou, si ce dernier a démissionné oralement, de valider le point de départ du préavis à respecter. La réponse de l’employeur peut également avoir pour objet, en adressant un courrier au salarié, de vérifier la volonté claire et non équivoque de l’employé de rompre son contrat de travail en l’absence d’écrit de ce dernier. Cette étape peut ainsi permettre à l’employeur, si le salarié devait contester par la suite la rupture de son contrat devant le conseil de prud’hommes, de démontrer que l’employé qui n’a pas donné suite au courrier avait donc clairement la volonté de quitter librement son poste de travail.
Comme évoqué précédemment, la démission présentée par le salarié doit avoir un caractère clair et non équivoque. La Cour de cassation précise à ce titre que la démission qui présente les caractéristiques précitées ne pourra pas faire l’objet d’une rétractation (Cass. soc., 21 septembre 2005, n° 03-43937). En revanche, si le salarié venait à saisir la juridiction prud’homale pour voir juger sa demande de rétractation comme valable, les juges du fond devraient analyser les circonstances de la rupture afin de vérifier la validité.
Aussi, dès lors que le salarié conteste la réalité ou la liberté de sa démission, il est fortement conseillé à l’employeur de répondre au salarié en analysant les circonstances de la démission pour éviter par la suite que ce dernier ne saisisse le conseil de prud’hommes et obtienne des dommages et intérêts si la juridiction devait considérer la rupture à l’initiative du salarié comme entachée d’irrégularité ou viciée.
Se pose enfin la question de la réaction de l’employeur au courrier du salarié qui, loin de se contenter de présenter sa démission, reproche à l’entreprise ou à l’association différents manquements. Si les griefs énoncés par le salarié n’ont aucun fondement, l’employeur peut alors, au sein du courrier d’accusé de réception de la démission énoncer également qu’il s’étonne des reproches formulés par le salarié et rappeler sa bonne exécution des obligations contractuelles (voir proposition de modèle ci-contre). Il est alors conseillé à l’employeur de prévoir une réponse étayée qui permette de lever tout doute quant à d’éventuels manquements. En revanche, si l’employeur s’aperçoit que les reproches formulés par le salarié sont justifiés, il convient d’être particulièrement prudent. En effet, la démission pourrait alors être requalifiée en prise d’acte de la rupture (voir page 39). Il appartiendrait alors à l’employeur de réparer dans les meilleurs délais les manquements réparables et, en tout état de cause, de tenter de rapporter de l’absence de faits fautifs.
Dans la mesure où il n’appartient pas à l’employeur d’accepter ou de refuser la démission présentée par le salarié mais simplement d’en prendre acte, la conséquence principale est la question du préavis. Le code du travail qui ne s’attache pas aux conditions de la démission précise cependant les modalités relatives au préavis. Ainsi, son article L. 1237-1 prévoit qu’en cas de démission, l’existence comme la durée du préavis sont fixées par la loi, la convention ou l’accord collectif ou les usages. Il est à noter que la loi ne prévoit de préavis que pour certaines catégories de personnel intégrant notamment les journalistes ou les VRP (voyagistes représentants placiers).
En dehors de ces situations particulières, le préavis est régulièrement déterminé par les conventions collectives. Il est donc indispensable de prendre connaissance du texte conventionnel applicable à la structure – entreprise ou association. A titre d’exemple, dans le cadre des entreprises de services à la personne, la convention collective prévoit une durée de préavis de 1 mois si le salarié compte une durée d’ancienneté comprise entre 6 mois et inférieure à 2 ans et un préavis de 2 mois dès lors que le salarié compte a minima 2 ans d’ancienneté.
A noter : Le préavis fixé par usage ne peut s’appliquer qu’à défaut de convention collective comprenant des dispositions sur la durée du préavis. Afin d’éviter tout litige, il est conseillé à ce titre à l’employeur de préciser dans le contrat de travail la durée de préavis de démission telle que fixée par la convention collective applicable. En revanche, la fixation d’une durée de préavis de démission différente de celle de la convention collective n’est pas souhaitable dans le contrat de travail car la Cour de cassation estime alors que doit être retenue la durée la plus favorable au salarié. Or, selon les circonstances, peut se poser la question de savoir si la durée la plus favorable est celle qui est la plus longue ou la plus courte. La Cour de cassation retient, contrairement au préavis de licenciement, que les prescriptions les plus favorables au salarié sont celles qui prévoient un préavis plus court que les dispositions conventionnelles ou les usages (voir notamment Cass. soc., 12 janvier 1993, n° 88-43033, jurisprudence constante).
Il est toutefois possible que le salarié, dans la lettre de démission, ait sollicité une dispense totale ou partielle de préavis. Cette demande, qui n’a aucun caractère impératif, devra être analysée par l’employeur qui pourra accepter ou refuser la dispense. Il est conseillé alors d’intégrer la dispense de préavis à l’initiative du salarié acceptée par l’employeur au courrier d’accusé de réception de la démission (voir proposition de modèle). En effet, il n’appartient pas à l’employeur de dispenser le salarié de son propre chef du préavis, sauf à le rémunérer pendant toute la période de dispense. La mention dans la lettre d’accusé de réception de la démission de la demande de dispense du salarié et de l’acceptation par l’employeur permet d’écarter tout litige éventuel quant à l’initiative de la dispense et donc à l’obligation de paiement de la période.
A noter : Si les salariés doivent en principe respecter un préavis lors de la démission, la salariée en état de grossesse constatée médicalement a la possibilité de rompre son contrat de travail sans préavis et sans devoir d’indemnité de rupture (code du travail [C. trav.], art. L. 1225-34). Il en va de même pour les salariés à l’expiration d’un congé maternité ou d’adoption qui ont la possibilité, sous conditions, de rompre le contrat de travail sans devoir respecter de préavis ni régler d’indemnité de rupture (C. trav., art. L. 1225-66).
Attention : Côté salarié, si l’employeur décide de refuser la demande de dispense de préavis, aucun moyen ne permet d’obtenir une dispense en dehors des cas visés ci-dessus. En pratique, l’employeur serait fondé à solliciter devant le conseil de prud’hommes des dommages et intérêts pour non-respect de la période du préavis pour laquelle le salarié n’avait pas obtenu l’autorisation de dispense.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail et la résiliation judiciaire, modes de rupture moins connus dans la pratique, constituent des voies de rupture alternative du contrat de travail à l’initiative du salarié. Il s’agira toutefois de rupture de contrat intervenant régulièrement dans un contexte dégradé ou conflictuel quand le salarié entend en définitive imputer la rupture du contrat de travail à son employeur.
A titre liminaire, il est rappelé que ces deux modes de rupture sont totalement interdits à l’employeur qui, s’il souhaite rompre le contrat de travail, ne peut recourir qu’au licenciement.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail comme la résiliation judiciaire sont issues d’un développement de la jurisprudence de la Cour de cassation. Il n’existe donc aucune mention ou condition fixée dans le code du travail.
Les conditions relatives aux manquements reprochés à l’employeur sont identiques dans le cadre de la prise d’acte de la rupture et de la résiliation et seront donc abordées ensemble.
Ce mode de rupture est constitutif de la rupture la plus abrupte du contrat de travail. Le salarié qui décide de rompre le contrat de travail met en réalité en avant une impossibilité de poursuivre le travail dans le cadre de ses fonctions, mettant en cause la violation d’obligations contractuelles par son employeur.
En réalité, la prise d’acte de rupture du contrat de travail peut prendre deux formes distinctes. Ainsi, la Cour de cassation reconnaît une prise d’acte de la rupture lorsque le salarié adresse un courrier à son employeur motivé par différents griefs. Il en ira également de même lorsque le salarié présente une démission dans laquelle il explique que cette dernière est due à des fautes commises par son employeur.
Contrairement à la prise d’acte, la résiliation judiciaire ne rompt pas le contrat de travail. Il s’agira pour le salarié de formuler des reproches à l’encontre de son employeur et de saisir en parallèle le conseil de prud’hommes.
C’est en effet la juridiction qui devra décider des conséquences à donner à la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur.
Intégralement issus de la jurisprudence, ces modes de rupture connaissent une liberté importante tant quant au fond concernant la motivation que sur la forme de la présentation à l’employeur. A ce titre, la Cour de cassation retient que le salarié aura la possibilité de présenter une prise d’acte de la rupture du contrat de travail ou une demande de résiliation judiciaire par le biais d’une lettre recommandée avec accusé de réception comme d’une lettre remise en main propre contre décharge. Il n’est pas exclu de prévoir l’acceptation de la prise d’acte ou la demande de résiliation par email ou présentée oralement : il appartiendra cependant au salarié de rapporter la preuve de son existence et de son contenu. Il n’est donc pas conseillé au salarié de recourir à ces dernières formes.
Quant à la motivation de la prise d’acte de la rupture ou de la demande de résiliation contrairement à la démission, il est impératif que le salarié énonce les éléments qui l’ont poussé à présenter une prise d’acte de la rupture du contrat de travail. Il appartient au salarié qui formule des reproches à l’encontre de son employeur de définir précisément les griefs invoqués (circonstances de temps, lieu, montant sollicité…). En revanche, le salarié peut également comme précisé auparavant présenter une démission intégrant des reproches à l’encontre de son employeur. Dans ces conditions la Cour de cassation requalifie la démission motivée en prise d’acte de la rupture du contrat de travail (Cass. soc., 9 mai 2007, n° » 05-40315).
Comme dans le cadre précédemment évoqué de la démission, il n’appartient pas à l’employeur d’accepter ou de refuser la rupture du contrat de travail par le salarié. En revanche, s’agissant de la prise d’acte de la rupture ou de la demande de résiliation, il est constant que le salarié, pour rompre le contrat de travail, va expressément formuler des reproches à l’encontre de son ancien employeur. En toute hypothèse, il sera impossible pour l’employeur de mettre en demeure le salarié de réintégrer son poste de travail ou de prévoir une notification de licenciement car la prise d’acte de la rupture rompt définitivement les relations contractuelles. En revanche, il apparaît utile que l’employeur qui se voit reprocher différents éléments – comme le non-paiement de salaire, d’heures supplémentaires ou encore le manquement à certaines obligations relatives à la sécurité ou à la santé – puisse tenter de déclencher un dialogue avec le salarié. Ainsi, il est alors conseillé à l’employeur de répondre au courrier de prise d’acte du salarié en proposant la fixation d’un rendez-vous. Cet entretien devra lui permettre de connaître plus précisément les faits fautifs reprochés par le salarié et éventuellement d’y faire face afin d’éviter le litige à venir.
Il demeure toutefois une difficulté car la Cour de cassation retient que le salarié ne peut en principe rétracter sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail (voir notamment Cass. soc., 9 décembre 2009, n° 07-45521). Dès lors, la rétractation ne semble pouvoir intervenir qu’en cas de commun d’accord entre le salarié et son employeur pour poursuivre la relation contractuelle ce qui pourrait intervenir si les parties se rencontrent, décident de régler les éventuelles difficultés et d’abandonner la rupture du contrat de travail.
Attention : Cette possibilité de rétractation d’un commun d’accord, si elle n’est pas exclue par la jurisprudence n’est pas pour autant expressément acceptée. Il conviendra donc de prendre cette possibilité avec précaution et de garder en tête qu’un litige peut toujours survenir.
Rupture brutale du contrat de travail, la prise d’acte de la rupture induit l’absence de préavis. Ainsi, le contrat de travail devra prendre fin à la date même de prise d’acte et il n’est pas question pour le salarié d’exécuter un préavis (Cass. soc., 20 janvier 2010, n° 08-43471).
Quant aux effets de la prise d’acte de la rupture, il ne s’agit en réalité pas d’un mode de rupture définitive : le salarié est dans l’obligation de saisir le conseil de prud’hommes afin de laisser la juridiction juger si la rupture doit avoir les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul selon la situation ou les effets d’une démission.
A noter : La démission assortie de griefs, en ce qu’elle est requalifiée en prise d’acte de la rupture du contrat aux torts de l’employeur aura les mêmes effets que ceux exposés ci-avant.
Quant à la demande de résiliation judiciaire, les effets seront moins lourds de conséquence pour le salarié. Comme dans le cadre de la prise d’acte, si les griefs reprochés à l’employeur sont suffisamment graves, sera obtenue une requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul en fonction des manquements retenus.
En revanche, dès lors que les conseillers prud’hommaux viendront à considérer que les griefs reprochés à l’employeur sont inexistants ou insuffisants, le salarié poursuivra son contrat de travail dans l’entreprise, sans autre conséquence.
Les juges qui doivent examiner les reproches formulés par le salarié dans le cadre de la prise d’acte de la rupture devront, s’ils estiment les manquements suffisamment graves, requalifier la prise d’acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul selon la situation. Dans cette hypothèse, le salarié pourra alors obtenir une indemnité compensatrice de préavis, des dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse selon les barèmes fixés par les ordonnances « Macron », et l’indemnité prévue pour les licenciements (C. trav., art. L. 1234-9).
Pour rappel, l’indemnité est due dès lors que le salarié compte 8 mois d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur et son montant est égal à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté puis 1/3 au-delà de 10 ans d’ancienneté.
Attention : L’employeur pourra également être condamné à rembourser tout ou partie des indemnités chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d’indemnités chômage lorsque le salarié a pu s’inscrire et bénéficier de la prise en charge de Pôle emploi suite à la rupture de son contrat de travail (C. trav., art. L. 1235-4).
En revanche, dès lors que les juges considèrent que les griefs invoqués par le salarié ne sont pas justifiés, la prise d’acte de la rupture produira invariablement les effets d’une démission (jurisprudence constante depuis Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-42355). Dès lors, et c’est ici que les effets de la prise d’acte apparaissent les plus graves, le salarié pourra être condamné à verser à son employeur une indemnité compensatrice correspondant à la période de préavis qu’il aurait dû effectuer s’il avait démissionné. En effet, il apparaît dans cette situation que la prise d’acte étant requalifiée en démission, le salarié aurait normalement dû respecter un préavis (voir notamment Cass. soc., 4 février 2009, n° 07-44142). Il appartiendra toutefois à l’employeur d’avoir clairement sollicité cette indemnité dans le cadre du litige prud’homal.
Au fil des années, la Cour de cassation a développé une jurisprudence importante autour du fait que l’employeur, alerté par la lettre de la prise d’acte de la rupture ou de la demande de résiliation, décide de réparer les manquements commis en régularisant la situation (exemple : versement des salaires manquants ou rappel d’heures supplémentaires). La Cour de cassation apprécie ici différemment en fonction du manquement de l’employeur. Ainsi, en matière d’obligation de sécurité ou de discrimination, la jurisprudence retient que la cessation des faits fautifs ne pourra pas permettre de considérer que les manquements ne sont plus suffisamment graves (voir notamment Cass. soc., 23 janvier 2018, n° 11-18855 ; Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12-12995).
A l’inverse, lorsque la demande du salarié est fondée sur des manquements de l’employeur de type financier à titre d’exemple, la Cour de cassation a pu retenir récemment que la régularisation par l’employeur ne permettait pas de retenir l’existence d’un manquement suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail (Cass. soc., 21 avril 2017, n° 15-19353). Il ne s’agissait pas ici d’une régularisation au cours de la procédure devant la juridiction mais d’une régularisation antérieure. En effet, le salarié reprochait à son employeur de n’avoir pas réglé correctement une prime pendant plusieurs années mais n’avait évoqué ce motif à l’appui de la prise d’acte qu’après la régularisation par son employeur. Dans ces conditions, la Cour de cassation avait estimé que le manquement qui avait été régularisé ne pouvait pas être constitutif d’un manquement suffisamment grave.
La Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence en précisant dans un arrêt rendu le 30 mai 2018 que le salarié devait agir concomitamment aux manquements de l’employeur et ne pouvait ensuite formuler de demande permettant de justifier la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur dès lors que, dans la pratique, ledit manquement n’avait pas été de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail pendant plusieurs mois, voire plusieurs années (Cass. soc., 30 mai 2018, n° 16-26088). Il apparaît donc, au regard des arrêts récents rendus par la Cour de cassation, que la régularisation de la situation par l’employeur aura un effet si elle est antérieure à la saisine de la juridiction. En tout état de cause, la régularisation suite à la prise d’acte du salarié permettra tout de même de démontrer une certaine bonne foi de l’employeur et de restreindre la qualification des faits par les juges ou le montant de l’indemnisation allouée.
A savoir : Dans le cadre de la résiliation judiciaire, les manquements de l’employeur sont appréciés au moment où les juges prennent leur décision. Dans ces conditions, la jurisprudence constante retient que si l’employeur a régularisé les manquements avant la date de jugement, la demande de résiliation deviendrait sans effet (voir notamment Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 14-24951).
En revanche, lorsque les manquements sont susceptibles d’être qualifiés de nuls comme en matière de harcèlement moral, de discrimination ou de manquement à l’obligation de sécurité, la cessation des faits fautifs ne pourra pas permettre à l’employeur de se libérer au simple motif que les agissements ne se sont pas poursuivis (voir notamment Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12-12995).
La rupture conventionnelle instaurée par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail, permet au salarié et à l’employeur de rompre le contrat de travail d’un commun accord. L’article L. 1237-11 du code du travail précise ainsi que tant l’employeur que le salarié peuvent être à l’origine de la demande de rupture :
« L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties. »
La jurisprudence a eu l’occasion de préciser, au fil du temps, que la possibilité de recourir à la rupture conventionnelle était ouverte à tous les salariés et pouvait notamment être acceptée dans un cadre conflictuel. Dès lors que le consentement des parties n’est pas vicié, une rupture conventionnelle peut être conclue alors même que l’employeur et le salarié ont un différend (Cass. soc., 13 mai 2015, n° » 14-10048).
De même, la Cour de cassation a admis également sous réserve la faculté de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié en arrêt de travail, d’origine professionnelle ou non. La Haute Juridiction a ainsi précisé que, « sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, non invoqués en l’espèce, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle » (Cass. soc., 30 septembre 2014, n° 13-16297).
Attention : Si le salarié parvient à établir que son consentement a été vicié, sous la contrainte, la pression ou la menace de son employeur, les juges pourront invalider la rupture conventionnelle.
La rupture conventionnelle induit le versement par l’employeur d’une indemnité de rupture équivalente a minima à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (C. trav., art. L. 1237-13).
Le formalisme de la rupture conventionnelle est entièrement régi par le code du travail et les parties devront remplir un formulaire Cerfa fixé par arrêté du ministère du Travail. Ce dernier prévoit que les parties devront tenir au moins un entretien afin d’échanger sur la rupture envisagée et de signer le formulaire de rupture en triple exemplaire dont l’un devra impérativement être remis au salarié. La remise d’un exemplaire au salarié constitue une formalité substantielle : à défaut, la rupture sera considérée comme nulle par les juges (Cass. soc., 26 septembre 2018, n° 17-19860). S’ouvrira alors un délai de rétractation de 15 jours calendaires pendant lequel les deux parties auront la faculté de revenir sur l’accord de rupture. Enfin, le formulaire devra être adressé par la partie la plus diligente à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) pour homologation ou autorisation si le salarié est protégé. Il est à ce titre conseillé à l’employeur d’informer le salarié qu’il procédera à l’envoi du formulaire et de prévoir en conséquence de conserver deux originaux (l’un pour transmission à la Direccte et l’autre pour classement). Enfin, la Direccte disposera d’un délai de 15 jours ouvrables pour valider la rupture (l’absence de réponse vaudra accord tacite).
Attention : Le formalisme est plus important dans le cas de rupture avec un salarié protégé comme un membre du comité social et économique (CSE). Dans cette hypothèse, il conviendra de consulter le CSE et d’obtenir l’autorisation de l’inspection du travail.
A savoir : Les employeurs peuvent recourir au site gouvernemental www.telerc.travail.gouv.fr afin de préremplir le formulaire Cerfa et de procéder au calcul de l’indemnité spécifique de rupture. Il est à noter de surcroît que l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est soumise à forfait social depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.
En toute hypothèse, le formulaire papier devra être imprimé et signé par les parties puis envoyé dans les délais indiqués au sein du schéma présenté ci-dessus.
La gestion des absences injustifiées du salarié interroge régulièrement les employeurs sur la possibilité de considérer ce dernier comme démissionnaire. Le fait que l’employé ne se présente plus sur son poste de travail peut-il conduire l’employeur à décider que son salarié a manifesté une volonté claire et non équivoque de rompre son contrat de travail ? La Cour de cassation ne l’admet pas et il est impossible pour l’employeur de considérer ces absences injustifiées comme une volonté de démissionner. En effet, la définition jurisprudentielle de la démission précise expressément une volonté claire et non équivoque. Or le fait de ne pas se présenter à son poste de travail ne peut être constitutif d’un caractère non équivoque (Cass. soc., 27 février 1991, n° 88-40955, jurisprudence constante).
De même, l’absence de reprise du travail suite à une période de repos, d’arrêt maladie ou encore après une mise à pied disciplinaire ne pourra pas permettre à l’employeur de considérer son salarié comme démissionnaire. Ainsi, en toute hypothèse, l’absence injustifiée et l’abandon de poste ne pourront pas conduire l’employeur à décider que le salarié a, de cette manière, entendu démissionner.
Quid d’une convention ou d’un accord collectif prévoyant l’obligation de justifier pour le salarié de son absence dans un délai déterminé à défaut de se voir considéré comme démissionnaire ?
Aucune convention ou accord collectif ne peut prévoir de telles dispositions qui dérogent aux dispositions légales et jurisprudentielles. L’employeur ne pourra en aucun cas considérer son salarié comme démissionnaire même si la convention collective impose au salarié une justification dans un délai restreint de son absence. Ces prescriptions pourront uniquement permettre à l’employeur de prendre les sanctions adéquates en l’absence de justificatif dans le délai indiqué.
Madame, Monsieur,
Nous prenons acte de la démission que vous avez adressée par « à compléter-------------------- » en date du « à compléter-------------------- » et présentée à la société « à compléter -------------------- » le « date à compléter-------------------- ».
Votre préavis d’une durée de « à compléter-------------------- » débutant à compter de « à compléter : première présentation de la lettre recommandée ou de la lettre remise en main propre contre décharge ou de la démission orale-------------------- », il se terminera donc le « date à compléter-------------------- » au soir, date à laquelle vous cesserez de faire partie de nos effectifs.
Nous nous tenons à votre disposition pour règlement définitif de votre compte dès la fin de votre préavis et remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, certificat de travail et solde de tout compte).
Nous vous prions de croire, Madame, Monsieur, en l’expression de nos sincères salutations.
Aux termes du préavis, l’employeur aura l’obligation de remettre au salarié différents documents :
• certificat de travail ;
• attestation Pôle emploi ;
• reçu pour solde de tout compte.
Il conviendra également de vérifier si le salarié avait des droits à l’épargne salariale, à titre d’exemple, et de fournir les documents afférents.
En revanche, aucune indemnité de rupture n’est prévue par le code du travail et le salarié n’aura ainsi en principe droit à aucune indemnité au moment du départ de l’entreprise.
Il appartiendra également à l’employeur de vérifier l’existence éventuelle de congés payés qu’il conviendra alors de payer et de mentionner dans le solde de tout compte.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail du salarié aux torts de son employeur, tout comme la demande de résiliation judiciaire, n’est pas réservée à une catégorie spécifique d’employés. Ainsi, pourront être admis les salariés protégés tels que les représentants du personnel (Cass. soc., 5 juillet 2006, n° 04-46009). Les salariés bénéficiant d’une protection relative à l’état de grossesse ou encore à l’inaptitude physique pourront bénéficier par ailleurs de la prise d’acte de la rupture également.
Il conviendra de prêter attention au statut du salarié protégé quant aux effets de la prise d’acte de la rupture car ces derniers seront différents des conséquences classiques.