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Un phénomène sous-estimé

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Le 3 977, numéro d’appel national d’écoute et de lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des adultes handicapés, témoigne d’une augmentation de 32 % des appels en un an. Ces maltraitances, qui prennent différentes formes – psychologique, financière, physique, médicale ou par négligence passive –, nécessitent un suivi. Quelles sont les raisons de cette progression et comment lutter contre cette dérive ? Révélations.

LE 3 977, NUMÉRO D’APPEL NATIONAL D’ÉCOUTE et de lutte contre la maltraitance des plus âgés et des adultes handicapés, témoigne d’une augmentation de 32 % des appels en un an. Ainsi, 8 392 signalements ont été reçus en 2017. Ces maltraitances, qui prennent différentes formes, peuvent être d’ordre psychologique, financier, physique, médical ou encore le fait d’une négligence passive. Dans tous les cas, elles nécessitent un suivi, mis en place toujours avec l’accord de l’appelant. Le 3 977 constitue ainsi une porte d’entrée pour trouver un accompagnement.

La difficulté, lorsqu’on parle des maltraitances des personnes âgées et des adultes en situation de handicap, est qu’il n’existe aucun chiffre sur le sujet. Longtemps méconnues, voire taboues, ces maltraitances sont aujourd’hui une vraie préoccupation. Preuve en est avec l’élaboration en cours d’une prochaine stratégie nationale pour lutter contre ces maltraitances, qui doit être annoncée courant 2019, comme l’a confirmé Sophie Cluzel, la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, lors du colloque annuel de la Fédération 3 977, le 24 octobre dernier. Faute d’observatoire sur les maltraitances et les données qui pourraient en découler, les chiffres concernant l’activité du 3 977 en sont un indicateur.

Le 3 977, un point d’entrée

Ouvert du lundi au vendredi, de 9 heures à 19 heures, les écoutants professionnels du 3 977 accueillent les appelants. Cela peut être la victime elle-même (dans 22 % des cas), mais, le plus souvent, ce sont des membres de la famille (46 %). Des appels qui, après analyse, sont réorientés vers les centres départementaux, grâce au maillage de l’association Alma (Allô Maltraitance des personnes âgées et des personnes handicapées).

L’an dernier, le 3 977 a reçu 8 392 appels, soit une augmentation de 32 % par rapport à l’année précédente. Les hypothèses pour expliquer cette progression sont multiples : une parole qui se libère sur le sujet, une meilleure connaissance du numéro de la plateforme unique ou encore une augmentation du nombre des actes de maltraitance. Rien n’est sûr…

En revanche, ce qui est certain, c’est que ces appels ont entraîné la constitution de 5 789 dossiers, dont 4 032 relevant de la maltraitance présumée. Ces dossiers ont concerné pour 82 % d’entre eux des personnes âgées, et les victimes présumées étaient, à hauteur de 67 %, majoritairement des femmes, ce qui n’est pas étonnant lorsqu’on observe la pyramide des âges. Parmi ces maltraitances présumées, 74 % ont été commises à domicile, et souvent (à 71 %) par des membres de la famille de la victime. Ces maltraitances prennent différentes formes : elles peuvent être d’ordre psychologique (40 %), physique (19 %), le fait de négligence passive (11 %) ou encore d’ordre financier (10 %).

Dans tous les cas, elles nécessitent un accompagnement au niveau de l’un des 57 centres départementaux de l’association Alma. Ces structures mettent en place une deuxième écoute, ce qui permet d’approfondir la situation de la victime présumée et de travailler avec elle. « Les meilleures solutions sont celles que les appelants trouvent eux-mêmes. Le fait d’exposer leur situation les amène à réfléchir », commente un conseiller référent d’Alma Alsace. « Pour faire baisser le niveau de la maltraitance, ? il faut permettre à la personne maltraitée de cheminer, y compris avec son maltraitant, ajoute Alain Koskas, président de la Fédération 3 977. La perspective d’alerter les autorités administratives ou judiciaires est souvent rejetée par les aînés, car ils ne veulent pas couper le lien familial avec leurs proches. » Les maltraitances familiales sont ainsi des situations très difficiles à détricoter du fait de l’attachement de la victime à l’auteur des actes.

Une majorité des cas à domicile

Alors que ces dernières semaines ont été marquées par de nombreux reportages mettant en lumière certaines maltraitances en Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), le fait que les dossiers créés par le biais du 3 977 concernent principalement le domicile peut interpeller. Pourtant, cela n’a rien de surprenant, étant donné que le nombre de personnes en institution vise une minorité par rapport à l’ensemble des plus de 60 ans et des adultes handicapés.

Aujourd’hui, les aidants familiaux représentent 11 millions de personnes, et même si leur rôle est reconnu, ils n’ont pas pour autant la formation et l’accompagnement nécessaires pour s’occuper de leurs proches en perte d’autonomie. Des conditions qui peuvent entraîner, par épuisement, des actes de maltraitance involontaires mais bien réels. Ainsi, 71 % des cas de maltraitance à domicile sont le fait de la famille. Une problématique prégnante pour les associations de service à domicile, qui ont un rôle de vigilance sur le sujet. « A domicile, nous avons une exigence qui est celle de signaler rapidement les signes de maltraitance. Les aides à domicile sont parfois les seuls personnels extérieurs à intervenir dans la cellule familiale, c’est pourquoi les salariés sont formés à détecter ces violences », explique Jean-Pierre Riso, président de la Fnadepa (Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées). Un positionnement partagé par la fédération Adessadomicile, qui est convaincue de l’impact positif que peut avoir une intervention à domicile. Fort des résultats de l’étude sur les gains socio-économiques des aides à domicile, publiés le 16 octobre dernier, Jérôme Perrin, responsable aide et accompagnement à Adessadomicile, revient sur une de ses conclusions : « Plus il y a d’aide à domicile, plus il y a d’impact positif sur la santé psychologique des aidants. » Une donnée importante, donc, pour rompre l’isolement des aidants qui sont face à une difficulté. Tous les acteurs du secteur s’accordent à dire que les demandes d’intervention – notamment celles des conseils départementaux –, de façon ponctuelle avec des temps d’action réduits, ont des conséquences sur la qualité de l’accompagnement de la personne et de l’aidant. Jean-Pierre Riso précise la situation : « La réduction des plans d’aide “allocation personnalisée d’autonomie” peut entraîner une forme de maltraitance liée à de l’empressement. Quand on demande en une heure de temps à une aide à domicile de préparer le repas, d’aider à l’alimentation, de faire la vaisselle et de transporter la personne dans sa chambre ou son fauteuil, cet empressement fabrique les conditions de risque de maltraitance, qui devient de fait institutionnel. » Une analyse partagée par l’Association française des aidants, qui travaille en collaboration avec ces associations d’aide et de soins à domicile (voir interview page 9).

Pour nombre d’entre eux, ces cas recensés et présumés (4 032 en 2017) ne sont que l’arbre qui cache la forêt. La Fédération 3 977 a fait un comparatif édifiant à partir des données de l’Insee. Le nombre de dossiers de maltraitance pour les personnes âgées (soit 3 310 en 2017) représente 0,02 % de la population des plus de 60 ans. La fédération comme la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), principal financeur du 3 977, pensent ainsi que ce pourcentage est sous-estimé par rapport aux maltraitances réelles.

Fédération 3 977

Créée en 2014 à la demande de la DGCS (direction générale de la cohésion sociale), qui en est le principal financeur, la Fédération 3 977 est née de la fusion de deux associations : Alma et Habéo. Elle s’appuie sur un numéro d’appel national unique – le 3 977 – ainsi que sur un vaste maillage de relais départementaux. Cela lui permet d’être présente dans 77 départements, afin d’assurer une écoute approfondie et un accompagnement sur le terrain jusqu’à la cessation de la maltraitance.

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