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“Avec l’hygiène, on touche à l’intime”

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Depuis plus d’un an, l’association Bulles solidaires collecte des échantillons et produits d’hygiène corporelle pour les distribuer aux plus démunis. Un créneau délaissé par les associations, faute de moyens, mais qui a tout son sens, comme le démontre Anna Galeandro-Diamant, jeune Rennaise à l’origine de cette initiative.

DANS LES PLACARDS DE NOS SALLES DE BAINS dorment des trésors inexploités. Des produits et échantillons d’hygiène et de beauté qui sentent bon la solidarité. L’idée de les collecter et de les distribuer aux personnes en grande précarité en revient à une Bretonne de 23 ans aux faux airs de Betty Boop. Voici un peu plus d’un an, Laure-Anne Galeandro-Diamant a créé l’asso­ciation Bulles solidaires. « Il y a quelques années, j’habitais à Bordeaux, dans une rue où des personnes faisaient la manche tous les 50 mètres, raconte-t-elle. Leur donner une pièce de temps en temps ne suffisait pas, et je me suis demandée comment les aider, notamment sur l’accès à l’hygiène. »

L’idée a mûri, jusqu’à ce qu’une reconversion professionnelle lui donne l’opportunité de se consacrer à son projet. « Je travaillais jusqu’alors dans le domaine de l’hôtellerie et du commerce, mais je me suis vite rendu compte que je m’étais trompée de voie. » De retour sur ses terres natales, près de Rennes, afin de suivre une formation d’éducatrice spécialisée, le déclic se produit. Laure-Anna Galeandro-Diamant décroche son téléphone et appelle les antennes locales des associations comme le Secours Catholique ou les Restos du cœur pour savoir s’il y a des besoins de produits d’hygiène. « Elles m’ont toutes répondu par l’affirmative et confirmé qu’elles en fournissaient très peu car leur budget était prioritairement consacré à l’alimentation, aux vêtements et au logement. » L’asso­ciation Bulles solidaires voit le jour. D’abord de manière assez artisanale, en faisant appel à la famille et aux amis. « Au départ, on était contents quand on recevait trois produits. » Puis tout s’est accéléré grâce au bouche-à-oreille et aux réseaux sociaux. Les colis se sont mis à affluer au domicile de la jeune femme et la nécessité de disposer d’un local pour tout entreposer s’est imposée. Après un peu plus d’un an d’existence, l’association compte une cinquantaine d’adhérents, dont une trentaine de bénévoles actifs de 20 à 88 ans. Elle recrute des ambassadeurs dans d’autres villes un peu partout en France.

« Ça ne coûte rien de donner »

Gel-douche, shampoing, dentifrice, serviette hygiénique, déodorant, parfum, mouchoirs, crème, maquillage… La liste des produits collectés par Bulles solidaires est loin d’être exhaustive. Echantillons ou grand format, la seule condition est qu’ils n’aient pas été entamés ou salis. Pour le moment, les principaux dons proviennent de particuliers ou d’opérations ponctuelles en supermarché. Des boîtes de collecte ont aussi été installées dans des bars, chez des coiffeurs ou dans des magasins bio. « Tout le monde a des échantillons chez soi. Ça ne coûte rien de les donner. Les gens sont même contents de vider leurs tiroirs », remarque Laure-Anna Galeandro-Diamant. Bulles solidaires sollicite également les entreprises, notamment les pharmacies et instituts de beauté, et envisage de s’adresser prochainement à des marques célèbres telles que Lush, Yves Rocher ou L’Oréal… à condition d’avoir suffisamment de bras pour participer au tri de tous les produits reçus. Les bénévoles s’y attellent régulièrement durant quelques heures. « A force, on sait reconnaître en un coup d’œil une crème relipidante d’un exfoliant », plaisante-t-elle. La phase de distribution est celle qui donne tout son sens à l’action. Il était important, en effet, de s’assurer que tous les produits trouvent preneurs. Laure-Anna Galeandro-Diamant a noué des partenariats avec cinq structures rennaises qui la sollicitent en fonction des besoins : « Les infirmières et travailleurs sociaux qui y travaillent sont de précieux intermédiaires. Ils profitent de la distribution pour effectuer des opérations de sensibilisation et de prévention auprès des bénéficiaires. » Bulles solidaires participe, par ailleurs, à des maraudes en compagnie d’autres associations bien identifiées par les sans-abri. « Les personnes sont très surprises et touchées par notre initiative. Quand les femmes reçoivent des protections hygiéniques, c’est un peu Noël, car cela coûte très cher. Certaines nous disent qu’elles utilisent des chaussettes en guise de tampons ou du papier journal comme serviette hygiénique. »

Pas d’eau, pas de shampoing

Donner une crème de jour n’a pas la même portée qu’offrir un café chaud. « On sent que, de prime abord, les personnes se protègent, mais on arrive ensuite à briser la glace. Quand on vient avec une trousse vide et qu’on leur demande quels produits elles souhaitent mettre dedans, les conversations deviennent plus personnelles. On touche à l’intime », raconte Laure-Anna Galeandro-Diamant, qui a fait le choix de ne pas distribuer de kits d’hygiène type : « Les personnes ont toutes des besoins différents. On échange avec elles sur leur vie, leur quotidien, leur ressenti. On crée du lien. » Cette expérience a aussi permis aux bénévoles de se confronter à leurs a priori. « Bien-pensants, nous insistions au début pour offrir du shampoing à certains SDF, avant de nous rendre compte qu’ils n’avaient pas accès à l’eau. Maintenant, on leur donne des lingettes lavantes. » Autre exemple avec le maquillage, qui nécessite de pouvoir ensuite se démaquiller… « La crème hydratante est en revanche indispensable, car elle solutionne beaucoup de problèmes. Les personnes à la rue subissent le froid, le chaud, le vent. La peau est souvent agressée, abîmée. Sans compter les soucis d’eczéma. »

Parmi les produits les plus appréciés figurent les échantillons de parfums. Qui sont, selon la future éducatrice, « vraiment la cerise sur le gâteau ». « Autant, ils peuvent se procurer du savon à pas cher, autant le parfum, c’est impossible. » Bulles solidaires développe aussi des actions en direction de populations précaires ayant accès au logement. Les bénévoles viennent à leur rencontre lors de salons de beauté et de coiffure éphémères. « On se rend alors compte que les hommes sont tout aussi coquets et soucieux de leur apparence que les femmes. Les jeunes, notamment, nous réclament du gel et de la cire pour les cheveux. » Pouvoir se regarder dans un miroir, apprécier son image, c’est être capable d’aller à un rendez-vous professionnel, d’éviter les regards stigmatisants. Se fondre dans la masse pour reprendre confiance en soi. « Au dernier salon que nous avons organisé, il y avait une femme très en retrait. Je lui ai donné des conseils en maquillage. Elle était très émue », se souvient Laure-Anna Galeandro-Diamant. Trois semaines après, leurs chemins se sont à nouveau croisés en ville. « Elle est venue me voir pour me dire que, depuis notre rencontre, elle faisait l’effort de se maquiller tous les jours, que grâce à cela elle se sentait plus sûre d’elle. » Hasard ou pas, dans la foulée, elle a décroché une formation rémunérée par Pôle emploi.

Alors qu’elle suivait

une formation pour devenir éducatrice spécialisée, Laure-Anna Galeandro-Diamant a créé, en septembre 2017, l’association Bulles solidaires, dont le but est de procurer des produits d’hygiène et de beauté à ceux qui ne peuvent pas se les offrir.

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